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Il parait que parler aux cons les instruit

Publié le 04 février 2014 par Juval @valerieCG

Lors d'un podcast, il était demandé à des féministes pourquoi elles se sentaient obligées de répondre à des "cons" alors qu'il suffirait de les bloquer ou de les ignorer.

Ce point revient souvent dans les discussions et je pense important d'en parler. Déjà je récuse le mot "con" qui veut tout et rien dire. Les protagonistes voulaient ici parler d'une personne qui professe des opinions sexistes que ce soit par troll ou parce qu'ils les pensent ; le sexisme n'est pas de la connerie ; penser cela c'est dépolitiser un système oppressif en en faisant un défaut individuel sorti de nulle part sinon du cerveau de celui qui parle.

Nous n'avons au final guère le choix de parler avec ces gens là ; sur mon précédent article, une personne est venue proférer des horreurs en parlant de "femmes qui incitent au viol". Je ne me sentais pas, ce soir là d'être dans la pédagogie ; j'ai donc demandé à celles et ceux qui s'en sentaient capables de le faire. Pourquoi ? Parce que cette opinion est dangereuse et mérite d'être contrée. Parce qu'on ne répond pas forcément pour lui mais pour celles et ceux qui lisent et pensent la même chose ou trouvent, d'un coup, son opinion pertinente.

Prenons une opinion lambda, fortement répandue, qui dirait par exemple "Quand même les filles en minijupe, elles cherchent pas un peu les emmerdes à sortir comme cela ?"

Cette opinion fait partie de ce qu'on appelle les mythes autour du viol (je vous renvoie aux dizaines d'articles que j'ai écrits sur le sujet ; la discussion ne porte pas aujourd'hui sur ce point précis). On sait que ces mythes, communément répandus a des conséquences dramatiques :
- elle peut inciter les victimes à se sentir coupables car elles ne portaient pas la "bonne tenue" au moment du viol
- elle peut les inciter à ne pas porter plainte
- elle peut inciter leur entourage à les culpabiliser
- elle peut inciter la police, la justice à juger la victime, coupable
- elle peut inciter le violeur à un sentiment d'impunité puisqu'il n'y a pas de plainte et qu'il entend partout qu'une fille habillée sexy l'a bien cherché
- elle peut inciter les gens à ne pas aider une femme agressée dans la rue, estimant qu'elle le cherche un peu
- elle peut inciter des gens à harceler une femme habillée comme telle

Cette opinion, qu'on pourrait prendre hâtivement comme le twit d'un connard fini, est donc bien autre chose. Elle est l'expression d'un système sexiste, oppressif qui nuit aux femmes, qui limite leurs mouvements, les fait se sentir coupables, les empêche de porter plainte si elles sont agressées.

A-t-on forcément le choix de batailler pied à pied contre ce genre de twits ? Pourquoi penser que le twitto ne va pas appliquer aussi ceci dans sa vie et dire, directement ou non, à sa fille, femme, copine, collègue qu'elle ne devrait pas sortir habillée ainsi ?

Le féminisme a besoin d'instruire les cons parce que c'est une nécessité pour les femmes ; on peut parler entre nous, entre gens quasi convaincus, sauf qu'une sortie dehors nous convaincra que le monde est plutôt hostile.

Je sais qu'il est difficile de faire comprendre à quel point le sexisme est prégnant dans notre société surtout lorsque beaucoup refusent à voir un continuum dans les attitudes sexistes. Chaque fait sexiste semble pour beaucoup complètement isolé des autres alors qu'ils sont liés, quelle que soit leur gravité. Voilà pourquoi il n'y a pas de petit et grand combat et que tous ont leur place.

Parler aux cons les instruit oui mais nous avons besoin qu'ils soient instruits pour qu'ils nous oppressent moins. Il est compliqué de dire cela car je sais que certains ne vont pouvoir s'empêcher de penser que j'ai dit que les twits sont la cause du viol (sisi je vous connais par coeur).  je dis qu'un twit sexiste est à prendre comme un élément d'un système sexiste oppressif et que ce twit, prononcé pour troller, ou de façon hâtive, ou parce qu'on y croit, doit systématiquement être déconstruit, expliqué.
Je lis cela et là que twitter n'est plus amusant car les militants l'ont envahi. J'entends cela.
Il y a encore dix ans il était extrêmement complexe de dénoncer une attitude sexiste par exemple ; on le faisait dans les lieux féministes, entre nous sinon le retour de bâton était beaucoup trop fort. Aujourd'hui on arrive à avoir une petite place (petite hein, je vous rappelle que les réseaux sociaux ont et sont encore le lieux d'attitudes de bullying inqualifiables y compris face à des victimes e viol) et on ne permet plus, en effet, qu'il y ait des attitudes oppressives. Ce que vous ressentez comme un manque de liberté pour vous constitue souvent une plus grande liberté pour les minorités.

Le sexisme est profondément oppressif, vraiment. Je ne sais pas comment je peux expliquer cela. Cela me frappe toujours de voir que l'immense majorité des femmes (et je parle ici de 90 à 99%) ont subi du harcèlement sexuel dans l'espace public. Cela me frappe toujours de voir le nombre de femmes agressées sexuellement, violées. En disant cela, je m'expose, je le sais, à l'idée que je ferais mieux de m'occuper de cela que des twits ; je le répète, les paroles, le langage (ce qu'est un twit) fait partie de ce système oppressif.


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