Sorcellerie et développement – Partie 1 : les enfants sorciers

Après une introduction sommaire sur la sorcellerie, je vais me pencher aujourd’hui sur la question des enfants sorciers.

Source: AFP

Qui sont les enfants sorciers?

Une étude de l’UNICEF explique que le phénomène des Enfants Sorciers est relativement récent. C’est un phénomène surtout urbain, qui touche principalement les pays de l’Afrique Centrale. L’organisme note d’ailleurs que ces pays sont ceux qui recrutent les enfants-soldats.

Il y a beaucoup de similitudes entre les enfants-soldats et les enfants sorciers:

• ce sont majoritairement des garçons
• ils se trouvent au seuil de l’adolescence
• ils sont vulnérables (orphelins, handicapés etc.)
• ils proviennent de classes sociales les plus défavorisées
• il n’ont pas encore assimilés la différence entre le bien le mal.

De quoi sont-ils soupçonnés?

En général, ces enfants sont soupçonnés d’avoir de nombreux pouvoirs. On les accuse d’opérer dans le monde invisible et de sacrifier des choses du monde visible pour développer leurs pouvoirs. On les accuse "d’envoyer" des maladies (VIH-SIDA, paludisme, maladies mentales) sur des membres de leur famille, de tuer, de provoquer la pauvreté, le chômage etc.

Mythe ou réalité?

Difficile de savoir si ces enfants sont réellement sorciers . Le rapport de l’UNICEF rapporte les propos d’un enfant:

J’étais un sorcier. J’ai été envoûté par ma grand‐mère. Une nuit, elle est venue me voir pendant mon sommeil. Elle m’a offert du pain et du thé. C’est à partir de ce moment que j’ai commencé mes voyages astraux avec elle. Un jour elle m’a demandé de tuer papa en échange du thé et du pain qu’elle m’avait offerts.

Pourtant, des chercheurs pensent plutôt que ces faits sont le fruit de l’imaginaire populaire ou celui de ces enfants qui utiliseraient leurs pseudo pouvoirs pour affirmer leur indépendance et échapper à leur situation de vulnérabilité.

Qu’il s’agisse d’un mythe ou d’une réalité, l’augmentation des accusations des enfants sorciers au cours des dernières années et les témoignages de certains enfants montrent que la plupart de ces accusations ne sont pas fondées.

La stigmatisation et la violence vis à vis des enfants sorciers 

L’UNICEF met en garde contre les conséquences néfastes de telles croyances sur l’enfance africaine. Contrairement au jeune Chadrack, le sort qu’on réserve à ces enfants sont sont la torture, l’abandon ou même la mort. Ceux qui survivent se retrouvent à la rue, probablement victimes de viols, réduire en esclavage et subir d’autres abus.

Le cas des albinos est l’exemple le plus parlant. En Afrique, on redoute les Albinos car on leur attribue des pouvoirs maléfiques. Ces enfants sont mis au ban de la société : leurs parents les abandonnent de peur d’être accusés eux-aussi de sorcellerie. Ils sont kidnappés, mutilés ou tués car leurs organes et certaines parties de leur corps sont utilisés pour confectionner des gris-gris (amulettes) et des élixirs. Les enfants "mal nés" – enfants nés dans des circonstances "anormales" – subissent aussi le même sors.

Face à l’augmentation des accusations d’enfants "sorciers", on a aussi assisté à la profusion d’églises spécialisées dans la délivrance de ce type de démons. La torture est un passage obligé pour délivrer ces enfants.

Puisque la sorcellerie est définie comme étant une substance dans l’abdomen de l’enfant, le pasteur découpe, avec un couteau non stérilisé, le ventre de l’enfant et ampute un petit morceau d’intestin de l’enfant, symbolisant la sorcellerie – Source: Libération

Malheureusement, peu de pays africains s’intéressent réellement à la violence faite aux enfants sorciers. Ce type de violence s’ajoute à la longue liste d’obstacle à l’épanouissement de nos enfants avec la malnutrition, la mortalité infantile, la scolarisation inégale et le travail forcé des jeunes… 

Etes-vous d’accord avec la thèse selon laquelle certains enfants s’auto-proclament sorciers pour se libérer de leur condition d’enfant vulnérable?