Par Alexandre C.
Depuis quelques temps déjà, l’Ukraine est agitée par des soubresauts, une révolte contre le gouvernement du président depuis 2010 Viktor Ianoukovytch, un proche de Moscou. Symboliquement, les manifestants de cet ancien pays de l’URSS déboulonnent périodiquement des statues des idoles communistes encore debout. La dernière en date est une statue de Lénine, le chef historique de la révolution bolchevique d’octobre 1917, qu’ils ont remplacée par une toilette (cf. photo ci-dessous). Tout comme d’autres avant eux, les Ukrainiens cherchent par ce geste à faire comprendre que la période de domination soviético-communiste touche à sa fin. Du passé faisons table rase.
Montage photo du média d’infos Radio-Canada.
Au même moment, la France semble aller à contre-courant de cet élan d’émancipation démocratique, qui souhaite mettre à l’index ces vieilles théories. À cette occasion, on se souvient que le défunt maire socialiste de Montpellier, Georges Frèche avait lancé l’idée d’ériger des statues à la gloire, je cite, « des grands hommes du XXème siècle ». Dans ce panthéon improvisé, les touristes pouvaient contempler les effigies de de Gaulle, Churchill ou Mandela en compagnie de celles moins fréquentables de Mao Zedong ou de Lénine. Critiqué à l’époque pour ce choix, il l’avait néanmoins justifié, déclarant : « Lénine, ce n’est pas un dictateur sanglant. C’est l’homme qui a changé la face du monde au XXe siècle. (…) Chez Lénine, il y a deux moments lumineux : la révolution d’octobre, ça, c’est Lénine qui la personnifie, même s’il n’était pas seul. Et puis il y a la décolonisation : car 1917 a changé la face du monde. Sans 1917, il n’y aurait pas eu la décolonisation de l’Afrique, de l’Inde, de la Chine et, de façon générale, du monde dit en voie de développement. » Ainsi donc, Lénine était un saint homme qui a fait le bien pour le peuple russe. Étrange que cela ne soit pas mentionné dans les livres d’histoire. Un oubli sans doute.
Quelques temps plus tard, M. Frèche reconnaissait d’ailleurs lui-même avoir une vision assez sélective de l’histoire : « Les gens ont du mal à comprendre que lorsqu’on glorifie un homme, on glorifie les moments les plus importants (…) Mao, il est grand pour vingt années, pour la période 1929-1949, après c’est fini ! (…) La révolution culturelle, c’est un malheur pour la Chine, mais ça, l’histoire l’oubliera. L’histoire ne se souviendra que du Mao qui a rendu sa dignité à la Chine. (…) Ériger une statue, ça n’empêche pas d’étudier l’histoire. Ça devrait même inciter à s’intéresser à l’histoire. (…) L’histoire, elle n’est pas chargée de faire la morale. Les gens doivent être assez intelligents pour se faire leur propre jugement. » On garde les bons côtés, on élimine les mauvais car ils ne nous plaisent pas et desservent notre cause. L’histoire observée par le petit bout de la lorgnette. Dangereux et regrettable.—
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