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Tout ce que vous avez voulu savoir sur la Gender Theory sans vous faire enfumer par l’idéologie de l’empire du Bien

Publié le 07 février 2014 par Cdsonline

Formules

« La catégorie psychanalytique de la différence sexuelle a été des le milieu des années 1980 considérée suspecte et en grande partie abandonnée en faveur d’une catégorie plus neutre, celle du genre.

Oui, neutre. J'insiste la dessus parce que c'est spécifiquement le sexe dans "la différence sexuelle » qui est lâché quand ce terme a été remplacée par genre.

La théorie du genre a réalisé un exploit majeur : elle a ôté le sexe au sexe ; tandis que les théoriciens du genre continuent de parler des pratiques sexuelles, ils ont cessé de remettre en questionnement ce que le sexe ou la sexualité signifient ; en bref, le sexe n'est plus le sujet d'une quête ontologique mais retourne a ce qu’il a toujours été dans le langage commun : une vague sorte de distinction, mais fondamentalement une caractéristique secondaire (une fois appliquée au sujet), un qualificateur qui s’ajoute à d'autres, ou (une fois appliquée à un acte) quelque chose d’un peu vilain » (Joan Copjec)

La Gender Theory (théorie des genres), dominante dans les universités américaines — et in fine dans l'Université tout court — s'origine sur ce que les anglo-saxons ont appelé French Theory (incluant les travaux de Foucault, Derrida, Deleuze, Levi-Strauss, Althusser, Baudrillard, etc. jusqu'à… Lacan ! ) pour accoucher d'une argumentation fine et détaillée sur la différence qu'il faut faire entre:

• la dimension faussement "destinale" du SEXE en tant qu'anatomique, "biologique": homme / femme)

et

• la construction sociale du GENRE en tant que discursive, culturelle: masculin / féminin…

Cette réflexion, fallacieusement présentée comme d'origine "psychanalytique" et "marxiste" en trahit en vérité doublement les (prétendus) fondements théoriques par:

1/ la méconnaissance de la pensée freudo-lacanienne dans son essence, et donc dans son radical antagonisme aux présupposés philosophiques courants

et

2/ une approximation opportuniste de la pensée marxienne, qui ne prend pas en compte le dernier Marx, et notamment sa redéfinition du prolétariat dans son rôle d'agent historique…

Cette erreur de perspective est suffisamment fréquente pour être devenue la norme, les tenants du discours universitaire s'avérant incapables de saisir l'écart fondamental entre la philosophie et la psychanalyse sur la "différence sexuelle".

Ainsi, l'homme, l'être, l'individu, la personne, le da-sein, le sujet… ce sont des mots qui définissent un certain horizon de sens. Et de non-sens.

Dans la tradition philosophique pré-lacanienne, ce qui s'appelle sujet (cf. L'herméneutique du sujet de Foucault) n'est pas en soi sexualisé, la sexualisation c'est quelque chose qui se passe au niveau empirique, contingent, il y aurait ainsi d'abord un sujet, et ensuite sa sexualisation…

Dans la théorie psychanalytique, c'est l'inverse, c'est la sexuation qui est la condition formelle a priori de la constitution d'un sujet, raison (entre autres) pour laquelle le sujet de l'inconscient, le sujet de la psychanalyse, est un sujet divisé, un sujet clivé, un sujet barré, inconsistant, qui se note $.

La différence sexuelle thématisée par Lacan, avec son inéluctable sexuation des "parlêtres" ne peut donc jamais coïncider avec la problématique déconstructionniste de la "constitution sociale du genre", un gouffre séparant les deux approches…

Lorsque Lacan dit que la différence sexuelle est "réelle" il ne DIT PAS que si vous n'occupez pas la place qui vous est attribuée par l'ordre hétérosexuel en tant qu'un "homme" ou en tant qu'une "femme", vous êtes exclu du domaine symbolique, il dit qu'IL N'Y A PAS DE NORME SEXUELLE.

La différence sexuelle est "réelle", cela veut dire qu'elle est IMPOSSIBLE.
Impossible à dire, impossible à formuler, impossible à exprimer en éléments de la chaîne signifiante, impossible à articuler. Définitivement.

Les tenants de la Gender Theory ne veulent rien savoir du sujet de la psychanalyse (noté $) qui est irréductible définitivement aux histoires qu'il peut se raconter sur lui-même ou sur le monde, car c'est un "vide", ce moment cartésien du vide qui constitue l'angoissante promesse de notre possible liberté.

Mais d'où vient la sexuation? Le fait qu'il y ait deux sexes?

Pour Patrick Valas : "Le sujet est sexué avant même de venir au monde ou d'être conçu, cela ne veut pas dire que son "identité sexuée" détermine son sexe anatomique.
On est aujourd'hui incapable encore de dire comment la rencontre de l'ovule et du spermatozoïde détermine le sexe, lequel est impossible à savoir.

La conséquence en est qu'il n'y a pas qu'une alternative à ce choix de l'identité sexuée:

1) En cas de forclusion du signifiant, comme dans la psychose ou la science (biologie), le sujet erre englué dans l'imaginaire sans pouvoir le distinguer du réel, faute chez lui de l'usage du symbolique.

2) Ce peut être le choix forcé d'un ...ou bien...ou bien.
C'est la position du sujet divisé ($) qui reconnait la castration symbolique.

3) Ce peut-être la fondation d'un impossible du choix, celle d'un ni l'un, ni l'autre. Cela caractérise la névrose obsessionnelle.

4) Ce peut-être le démenti pervers du réel, qui tout en reconnaissant la castration fait en sorte de la tourner en dérision par ses simulacres.
Il est alors "condamné" a rester fixé à son narcissisme spécifique, pour autant qu'il substitue l'imaginaire au symbolique.

5) Ce peut être enfin le choix préférentiel d'un "pas l'un sans l'autre".
C'est celui que propose la psychanalyse, mais qui existe depuis toujours bien avant la découverte de Freud, qui l'a formalisé et dont Lacan a produit ses formules de la sexuation, qui montre bien que "homme" et "femme", comme signifiants ne s'excluent pas tout en étant radicalement différent, puisque le signifiant se définit de sa pure différence d'un autre signifiant.
C'est pourquoi dans les formules de la sexuation les côtés homme et femme sont séparés par une barre tout en étant joints par des vecteurs orientés." (Patrick Valas)

Pour bien saisir de quel enjeu est porteuse cette neutralisation forcée de la différence sexuelle que nous impose l'idéologie aujourd'hui, il convient de la mettre en rapport avec la lutte des classes.

La notion marxienne de lutte des classes est l'héritage (et la conséquence logique) de la manière dont Hegel révolutionne la notion de contingence dans son rapport à la nécessité: quelle que soit la position que l'on prend vis-à-vis de la lutte des classes, y compris le plus "théorique", elle est toujours déjà un moment de la lutte des classes, qui implique en-soi un "parti pris", il n'y a pas de point de vue impartial, objectif, "neutre" qui permettrait au sujet de la décrire, car pour pouvoir en parler, le sujet doit toujours se situer à priori à l'intérieur de son horizon.

En ce sens précis, la lutte des classes "n'existe pas" puisqu'il n'y a pas d'élément qui y échappe, on ne peut l'appréhender "comme telle", "objectivement", car ce à quoi on a affaire n'est que l'objet partiel dont la cause absente est "la lutte des classes" en tant que réel qui fissure la société et l'empêche à jamais de coïncider avec elle-même.

En ce sens, la lutte des classes est la transposition au plan collectif de la différence sexuelle au niveau individuel ("Le collectif n'est rien d'autre que le sujet de l'individuel" - Lacan) les "classes" ne pré-existent pas à la "lutte des classes", c'est l'engagement du sujet dans la lutte qui crée les classes. C'est un effet de la performativité rétroactive du signifiant, propre à la théorie psychanalytique ET à la dialectique de Hegel.

Les Gender Studies représentent la forme contemporaine la plus avancée du Discours Universitaire (au sens lacanien) l'agent en est fondamentalement désengagé, il se pose lui-même comme un exécutant de "Lois Objectives", observateur s'effaçant lui-même en tant que sujet de l'énonciation, devant un Savoir Neutre (en termes cliniques, sa position est proche de celle du pervers).

La finalité du Discours de l'Université (discours scientifique) est d'exclure le $ujet divisé, le $ujet qui souffre, le $ujet qui parle, tout ça au service du Bien, voilà pourquoi je parle de l'idéologie libéral-fasciste qui sous-tend le Discours Capitaliste, c'est la menace qui avance sous le masque du sentimentalisme, de la "tolérance", de le bien-pensance "égalitariste"…

1984, c'est maintenant.

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À propos de CHRISTIAN

BiographieRéunissant autour de lui collaborateurs et prestataires partageant le goût du concept et de son expression visuelle, Christian Dubuis Santini fonde en 1987 l'Agence Mercure puis L'ampoule en 2002 dans le but de faire rimer autant que possible "message grand public" avec "qualité graphique". Rassembler la forme et le contenu est le mot d'ordre invariant qui parcourt ses productions issues d'univers visuels aussi hétéroclites que variés. Consultant en identité d'entreprise, Christian Dubuis Santini propose une approche simple dans ses fondements: dire ce qui ne peut être imagé et imager ce qui ne peut être dit, en ressourçant l'émergence du sens par la confrontation des images et des mots... Voir tous les articles de CHRISTIAN

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