Primeurs 2013 à Bordeaux (1)

Par Mauss

Bordeaux se prépare à cet événement annuel qui fait venir à Bordeaux des gens du monde entier : négociants, cavistes, journalistes… et quelques grands amateurs.

Créé par l'UGCB (Union des Grands Crus de Bordeaux), maintenant dirigée par Olivier Bernard (Domaine de Chevalier), ce moment de communication a pris, depuis deux bonnes décennies, une ampleur peu commune.

Quelles sont les possibles caractéristiques de cette édition 2014 qui portera sur les vins du millésime 2013 ?

LES POINTS POSITIFS

On se répète d'année en année, mais il faut le redire : l'UGCB a mis en place un système de grande qualité et de belle efficacité pour les journalistes qu'elle invite à ces dégustations : logistique, dégustation en quelques endroits de belles séries de crus pour éviter trop de déplacements, des conférences, et la possibilité pour ceux qui le souhaitent, de déguster à l'aveugle : les habitués à ces primeurs se souviennent comment Michel Bettane avait argumenté à sa façon pour avoir cette possibilité… toujours délicate.

Pour l'amateur ou le négociant, c'est également une opportunité unique de recueillir des opinions, de lire plus tard les commentaires des grands noms de la presse professionnelle, et d'entendre les doux messages de propriétaires ouvrant grandes les portes de leurs chais et salles de dégustation. Cette unité de temps et de lieu n'est pas négligeable, loin de là.

LES POINTS DELICATS

Sans rentrer dans un "Bordeaux Bashing" qui a deux dimensions - la qualité du millésime et la politique de prix - , il n'est pas question de jouer la langue de bois.

Un interview récent de Stéphane Derenoncourt dans le Figaro (jeudi dernier) explique bien à quel point ce millésime a été difficile et ne produira probablement pas de chefs d'oeuvre qui marqueront le vignoble bordelais. Néanmoins, on peut espérer de belles surprises avec des vins qu'on aura pas trop "poussé" en cave et surtout qui pourront se déguster, s'apprécier un peu plus vite sans devoir attendre plus d'une décennie. Si ce millésime nous apporte autant de belles surprises que le 1997, j'applaudis des deux mains.

On sait aussi que le nouveau marché chinois, après sa phase de grande chaleur pour les noms magiques qu'on acceptait de payer à n'importe quel prix, restera un débouché de premier ordre et va enfin s'ouvrir en grand aux multiples vins "premium" qui suivent les 8 grands noms inabordables, et s'intéressera aussi aux quelques 200 propriétés, moins sous le radar, mais capables de proposer de bons RQP.

Toute la question est là : Bordeaux doit reconquérir des coeurs et sortir de l'image néfaste de "pompe à fric".

Bref : il faudra une sérieuse remise en cause de prix injustifiés en n'oubliant surtout pas que le vin est une boisson, aussi noble puisse t'elle être, et que son usage de base n'est pas d'alimenter des collections susceptibles de créer des plus-values comme ce fut le cas pour quelques grands millésimes … dont on dit ici et là qu'il y a des stocks maousse costauds en attente de clients … Une bulle possible ? Va savoir, Charles !

Par ailleurs, quand bien même son nom reste respecté, Robert Parker n'a plus cette position de monopole royal qui fut la sienne pendant tant d'années, où il faisait, ± la pluie et le beau temps. On devrait ainsi retrouver un équilibre perdu entre puissance et finesse. Un balancier est toujours en mouvement : oublier ce point, c'est une faute comme dirait Monsieur Talleyrand.

Si les 8 grands qui sont des locomotives de moins en moins intéressées à tirer des wagons comme ce fut le cas si longtemps, n'ont guère besoin de critiques pour se vendre chers, juste en dessous, il va falloir sérieusement revoir les prix pour s'adapter et recréer un marché bien plus sain que l'état actuel des lieux.

Pour le moment, le cas de Latour qui ne joue plus le négoce et veut voler de ses propres ailes reste un cas unique. Les grandes maisons comme Joanne, Moueix, Johnston et autres restent de loin les meilleurs outils pour une promotion mondiale de cette région. 

Certes, il y aura de plus en plus des circuits courts que facilitent énormément les vendeurs du WEB, il y aura toujours en France la GD qui sera un acheteur majeur pour ses foires aux vins. Tout cela est positif mais encore faut il que les propriétaires prennent grand soin de redorer leurs blasons en n'oubliant jamais que le vin a une dimension de passion qui implique de sortir d'une seule vue financière des choses. Qu'ils regardent ce qui se passe dans le Rhône ou la Bourgogne.

Espérons donc que cette campagne des primeurs en mars saura tenir compte de ce déficit d'affection, de cette nécessité d'avoir des prix en harmonie avec la qualité des vins et qu'enfin Bordeaux se redonnera une image un peu plus sympathique.