Par Pierre Chappaz, depuis la Suisse.
Une courte majorité de Suisses s’est donc prononcée en faveur de l’initiative « contre une immigration massive« , qui va se traduire par l’instauration de quotas pour les autorisations de séjour des étrangers.
La constitution fédérale va donc désormais stipuler que « les plafonds et les contingents annuels pour les étrangers exerçant une activité lucrative doivent être fixés en fonction des intérêts économiques globaux de la Suisse et dans le respect du principe de la préférence nationale ; ils doivent inclure les frontaliers. Les critères déterminants pour l’octroi d’autorisations de séjour sont en particulier la demande d’un employeur, la capacité d’intégration et une source de revenus suffisante et autonome. »
Français vivant à Genève depuis de nombreuses années, je me sens nécessairement concerné. Pourtant, autant le dire tout de suite, je ne suis pas choqué par ce vote.
D’abord, j’admire le système suisse de démocratie directe qui donne au peuple souverain le droit de décider par lui-même, sur toutes les questions qui touchent à la vie de la société.
Immigration : trois fois plus qu’en France
Ensuite, j’admire également la capacité de la Suisse à défendre son indépendance, son identité et ses valeurs, face à la pression de l’Europe et des grands pays qui l’entourent. Il y a quelques années, par une autre votation, les Suisses avaient voté l’adhésion à Schengen, ouvrant ainsi leurs frontières. L’immigration a atteint le niveau considérable de 80.000 personnes par an, soit trois fois plus qu’en France en proportion de la population.
Historiquement, la confédération helvétique a été une machine à intégrer les nouveaux venus particulièrement efficace. Le système éducatif fait un excellent boulot sur ce point. Mais il faut bien avouer que ces dernières années, notamment depuis le vote sur Schengen, la situation s’est fortement dégradée. La criminalité explose, et elle est le fait des étrangers. À la prison de Champ-Dollon, 92% des détenus sont des étrangers selon le rapport d’activité 2011 qui détaille les pays de provenance (Europe de l’Est, Balkans…), et même la religion des personnes internées.
Les Suisses sont des gens très accueillants, je peux en témoigner, mais ils sont secoués par l’afflux des étrangers attirés par la prospérité du pays. Aux élections genevoises d’octobre dernier, le parti anti-frontaliers MCG a fait un score de 20%, en dénonçant l’insécurité, mais aussi la concurrence des frontaliers sur les salaires, et les encombrements routiers dus aux pendulaires.
Le bon sens suisse
Ce n’est pas en niant les problèmes qu’on peut les résoudre. Les Suisses ont fait une erreur en 2005 en votant pour Schenghen, ils essayent de la réparer aujourd’hui en approuvant majoritairement l’instauration de quotas d’immigration.
Le vote a déchaîné les passions. Tout au long de la campagne, j’ai été frappé de l’unanimité des médias pour s’opposer au vote de l’initiative. Tous les partis de gauche et de droite modérée étaient contre. Mais malgré les consignes, la majorité des électeurs a jugé qu’il fallait réagir contre l’ »immigration de masse ».
Beaucoup de mes amis suisses, notamment en Romandie, sont choqués par ce résultat, qui heurte leur générosité et leur sens de l’accueil. Je veux leur dire que je les remercie, mais que je reconnais le droit de la Suisse à choisir les gens qu’elle accueille.
Le vote d’aujourd’hui est avant tout symbolique, même si le symbole est fort. Ce sont les négociations qui vont s’ouvrir, avec l’Europe et tous les pays concernés, qui détermineront les règles, et le niveau des quotas.
Je fais confiance au bon sens suisse pour aboutir à des accords raisonnables.
—Sur le web.