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Espèces invasives : mode d’emploi

Publié le 04 octobre 2013 par Valentine D. @sciencecomptoir
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004 005 006 007 008Invasion : mode d’emploi

Chers représentants de votre espèce, vous venez d’acquérir ce guide tout en vous délestant des 3000 euros qui vous encombraient : bravo, vous avez fait coup double !

Le présent fascicule vous indiquera la marche à suivre pour conduire votre invasion biologique dans le monde entier. Premier conseil, choisissez bien votre destination : tous les milieux ne vous permettront pas de vous épanouir (si d’aventure ils vous permettent d’y survivre). Il faut non seulement que vous conveniez à ce nouvel environnement, mais aussi que vous soyez capables de développer des facultés particulières.

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Mante religieuse (Mantis religiosa), originaire d’Afrique et considérée comme invasive en Amérique du Nord depuis le début du XXème siècle, où elle a été introduite délibérément pour lutter contre les insectes ravageurs. (© 2008-2012 nkphoto)

Etape 1 : l’introduction

Tout d’abord, commencez par quitter votre milieu actuel. Pour mettre toutes les chances de votre côté, venez en nombre et envoyez fréquemment des renforts pour la relève. Vous pouvez au choix être introduits (si j’ose dire) accidentellement ou de manière délibérée si vous êtes un animal domestique ou une plante cultivée. Concernant la voie accidentelle, nous recommandons aux futurs clandestins les eaux de ballast des bateaux de la marine marchande, qui à eux seuls transportent quotidiennement plus de 10 000 espèces marines – depuis les virus et bactéries jusqu’aux poissons et algues. Ces eaux de ballast sont prélevées par les bateaux dans leur port de départ pour garantir une bonne flottabilité. Elles sont ensuite relarguées (avec les organismes qu’elles contiennent) dans le port d’arrivée, souvent plusieurs milliers de kilomètres plus loin.

Vous avez trouvé votre vecteur de transport : profitez du voyage pour essayer de survivre ! Eh oui, une infime portion des voyageurs survivent au transport et parviennent à s’acclimater à leur écosystème d’accueil, tel ces violonistes fraîchement émigrés d’Europe de l’Est qui ravissent vos oreilles chaque matin dans le métro.

Etape 2 : l’établissement

Faites-vous une place dans le paysage parmi les espèces autochtones en vous reproduisant. Malgré les apparences, ce n’est pas chose facile : seulement 10 % des espèces introduites seront naturalisées. En cause, les conditions hostiles du milieu et souvent la compétition avec les espèces déjà présentes. Pour ce faire, il faut (entre autres) que vous soyez moins gourmands en ressource que les espèces natives : si vous arrivez à vous contenter d’un Happy Meal au lieu du Menu Best Of, c’est gagné !

Coccinelle asiatique (Harmonia axyridis), invasive un peu partout dans le Monde. Introduite pour réguler les populations de ravageurs, elle s'est avérée exercer une pression néfaste sur les espèces natives de coccinelles.

Coccinelle asiatique (Harmonia axyridis), invasive un peu partout dans le Monde. Introduite pour réguler les populations de ravageurs, elle s’est avérée exercer une pression néfaste sur les espèces natives de coccinelles. (© 2008-2012 nkphoto)

Etape 3 : l’invasion

Il est temps de passer aux choses sérieuses : la prolifération. Multipliez-vous comme des lapins et allez conquérir les terres alentour ! C’est ainsi que 10 % des espèces établies deviennent invasives. Une partie d’entre elles nuira même à l’équilibre de l’écosystème. Tous les coups sont permis : sacrifiez les espèces autochtones, faites plonger les filières économiques qui en dépendent… Un seul mot d’ordre : la créativité.

La Bataille Ultime

Bravo chère espèce, vous avez réussi à devenir invasive ! L’objectif à long terme de ce programme « Invasion» sera l’homogénéisation biotique : une poignée d’espèces dominera toute la planète. Certes, cela se fera au détriment d’un gros paquet d’espèces locales…

Espèces invasives : mode d’emploi

Moule zébrée d’eau douce (Dreissena polymorpha) originaire de la mer Caspienne et invasive en Europe et en Amérique du Nord, transportée par les navires (fouling). Plusieurs dizaines voire centaines de milliers d’espèces sont transportées chaque jour dans le monde, 1 % d’entre elles étant jugées potentiellement invasives. Cette tendance à l’invasion est amenée à croître avec l’augmentation du trafic mondial, vecteur de transport de ces migrants. Rassurez-vous toutefois, toutes ces espèces invasives n’auront pas forcément d’impact négatif sur leur écosystème d’accueil : cette moule, par exemple, contribuerait à améliorer son habitat en oxygénant le milieu dans lequel elle vit.

Sources et remerciements

  • F. Leprieur, maître de conférences
  • N. Kaldonski, maître de conférences
  • Mark A. Davis, 2009, “Invasion Biology”, Oxford University Press
  • Williamson & Fitter, 1996 : The Tens Rule
  • IUCN, Union Internationale pour la Conservation de la Nature www.iucn.org/fr/
  • Crédit photo moules tigrées : By User Lamiot on fr.wikipedia (F Lamiot) [CC-BY-SA-1.0 (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/1.0)], via Wikimedia Commons

Relecture : Simon P.

(Dans la BD d’introduction, toute ressemblance avec des personnages réellement imaginaires serait fortuite)

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