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Tous au supermarché…

Publié le 09 mai 2008 par Tanialoue

Bon ça y est, le mot fatidique a été prononcé par presque tous les médias français : « guerre civile ». Bon, même si cela peut en avoir l’air, et peut-être que oui en fait, là où je vis, il ne se passe rien ou pas grand-chose en apparence. Les magasins sont ouverts, les gens sont dans la rue, mais une drôle d’ambiance règne. Leur seul et unique objectif est de faire les courses !

La consigne de l’armée est simple : il ne faut pas sortir de chez soi. Les Beyrouthins se préparent alors à siéger. Du coup avec ma colocataire, nous avons décidé de faire comme tout le monde. Et nous voilà parties au supermarché du quartier, « Charcutier Aoun », oui c’est un supermarché et non seulement un charcutier… De l’eau, du riz, des pâtes, des gâteaux, des boîtes de conserve… On ne savait pas trop quoi acheter en fait, c’est la première fois que nous nous préparons de la sorte… Le supermarché était plein à craquer. Les gens, surexcités, passent de rayon en rayon. Moi, toujours aussi naïve, je regarde cette effervescence avec mon air ébahi et mes grands yeux noisettes. A la caisse, les files d’attente sont immenses. C’est seulement un petit supermarché. Je suis scotchée pour la deuxième fois de la journée.

La première surprise était venue plus tôt dans la matinée, quand je suis partie travailler. Arrivée au journal, les portes étaient closes. Zut… je voulais travailler moi, je n’ai pas envie de rester enfermée encore une fois… J’appelle ma rédactrice en chef. Surprise, elle me demande comment j’ai pu rejoindre le journal après les affrontements de la soirée. Par la route, j’avais envie de lui répondre. Mais je sentais bien que l’humour n’était pas mise. Sur le chemin ? pas de check-point, pas de barrages. Elle me dit de rentrer chez moi, que la situation est beaucoup trop tendue… et ce d’autant plus que les affrontements se passent notamment dans la rue derrière les locaux.

Je décide alors de rappeler mon taxi, car trouver un service dans Hamra avec des fusillades dans les alentours me paraissait assez utopique. J’attends à l’extérieur avec les gardes et les militaires postés devant. Quelques blagues fusent. C’est fou comme quand le climat est tendu les gens ont besoin de dire des bêtises et de sentir que la vie poursuit son cours normalement. Devant moi, le paysage est chaotique. Personne dans les rues. Les seules voitures qui passent sont chargées « comme des mules ». Les gens quittent le quartier ou la ville. Le Hezbollah vient de prendre la Future TV, chaîne de télévision pro-gouvernementale. Moi, j’attends. Un ami photographe et caméraman pour une agence de presse internationale arrive sur les lieux. Casque, gilet pare-balles, il est équipé comme un petit soldat. On discute, rigole. Tout est normal. Mais une explosion nous interrompt. Nos regards se croisent… surpris. C’était dans la rue parallèle. Il part voir pendant que moi j’appelle une collègue qui vit dans une rue aux alentours (il n’y a pas de nom aux rues, pas facile de vous expliquer) : je distingue en effet des coups de feu venant de son secteur. Oui je vais devenir une vraie pro maintenant…

Quelques minutes après cette explosion, un groupe se dirige vers nous. Les gardes me demandent de rentrer. Je n’écoute pas et veux voir ce qu’il se passe. Je leur dit que ce ne sont pas des combattants, mais ils insistent. Moi têtue, je reste dehors. Effectivement, les jeunes hommes, syriens au dire de mes petits soldats, et chargés de valises, s’apprêtaient à quitter le quartier à leur tour. Ils étaient une trentaine. Un bus les attendait un peu plus loin.

Mon taxi finit enfin par arriver, après plus de 30 minutes d’attente. Nous passons prendre ma collègue pour rejoindre Achrafieh, le quartier chrétien, où la vie poursuit son cours malgré les explosions et les pluies de coups de feu que l’on peut facilement distinguer au loin…

J’ai pris des photos, mais outre la mauvaise connexion Internet, les coupures d’électricité sont de plus en plus fréquentes, je n’arrive pas à les charger. Vous les aurez plus tard… Quant à savoir comment je vais : très bien. Je n’ai pas peur. Je pense que je ne réalise pas très bien ce qu’il se passe ou du moins pas la dimension du conflit. Mais cela est certainement mieux comme ça…


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