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[critique] André Vanoncini – Le roman policier

Publié le 19 février 2014 par Consuelo

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A propos de Sherlock Holmes : « pour la première fois, un héros fait dépendre sa quête du vrai d’une enquête sur le mal, il s’achemine vers l’équilibre final en montrant pas à pas au lecteur fasciné comment il répare le désordre initial. Comme si Dieu se regardait et se confiait en train de sauver le monde. »

Le roman policier n’a pas encore gagné toutes ses lettres de noblesse. Il n’est pas étudié en classe, peu étudié à l’université, ou bien en tant que littérature des marges, à part.  Faisant fi des écarts de qualité qui distinguent un bon d’un mauvais roman policier, comme un bon d’un mauvais poème, l’institution rejette ce genre romanesque. Pour quel motif ? Parce qu’il s’agit, dans certain cas, d’un pur divertissement ? C’est restreindre le roman policier au seul roman à énigme. Parce qu’alors il touche essentiellement un lectorat populaire ? Simone  de Beauvoir, paraît-il, jetait les policiers qu’elle lisait une fois l’ouvrage dévoré. Comme un bonbon dont on rejette l’emballage, un plaisir simple, régressif et un peu coupable.

Dans ce titre de la collection « Que sais-je? », André Vanoncini dresse le panorama du roman policier, de son invention en tant que genre romanesque, il y a 150 ans environ, à aujourd’hui.  Il nous apprend à distinguer roman à énigme et roman noir, style français et amércain, et dresse les caractéristiques des styles d’Agatha Christie, Georges Simenon, Conan Doyle (pour les plus « canoniques »).

Si l’on s’arrête sur Simenon, on apprend qu’une ligne se dessine qui unit ses romans policiers et ses romans « de la destinée » : la peinture d’un monde hyperhiérarchisé socialement, où prime  une logique de domination dont il est quasiment impossible de s’extraire sans dommage – sans crime. Là où, dans les romans policiers, le commissaire Maigret fait office d’accoucheur (et parfois de précipitateur) d’aveux et d’absolution, dans les romans de la destinée, ce sont les héros eux-mêmes qui racontent leur déviance, leur errance, et cherchent à se sauver.

Par un style clair et une analyse serrée, André Vanoncini donne envie de relire, sous un éclairage nouveau, les grands classiques du genre policier, d’y sonder les traces du roman gothique et historique chez Conan Doyle, psychologique et réaliste chez Simenon (dont l’idéal était balzacien), entre autres. Il invite à prêter attention à l’art du récit, à la transversalité des thèmes, aux jeux intertextuels à l’oeuvre dans ce genre à part entière.

Elément amusant : la liste, donnée en annexe, des règles d’or du roman policier édictées par Van Dine en 1928 dans un magazine américain. Autant de pistes d’écriture aussi contraignantes qu’une consigne d’Oulipo… Et si le roman policier était « mal vu » seulement à cause de cela : son caractère programmatique ? Au risque d’oublier que c’est bien souvent de la contrainte et de la commande qu’est née la « vraie » littérature.


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