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BROADCHURCH : Waterloo pour Joséphine

Publié le 20 février 2014 par Lauramaz @LauraMaz
BROADCHURCH : Waterloo pour Joséphine

© ITV – 2013

Après avoir passionné le Monde avec des vols de sucriers et des concours de gardénias et raflé la moitié des Emmy Awards sous le nez des Américains avec Downtown Abbey, les Britanniques s’attaquent à la France en commettant le crime de lèse-majesté, battre à domicile notre championne des audiences Joséphine Ange Gardien. Ce coup de Trafalgar qui a eu lieu lundi dernier sur France 2, qui diffusait les 3 premiers épisodes de Broadchurch, la série événement d’ITV, prouve que les français n’ont pas plus mauvais gout que les autres et qu’ils font le bon choix quand ils l’ont. Série la plus regardée au Royaume-Uni en 2013, ce petit bijou de la Reine en huit épisodes mérite largement son succès public et critique. Créée Chris Chibnall (scénariste de Docteur Who et showrunner de Torchwood), elle est entrain de conquérir le monde et pourrait changer l’image qu’ont les Français sur les séries de nos meilleurs ennemis.  Traversée du Channel en série.

Dans une petite ville côtière du Dorset, le corps de Danny Latimer, 11 ans, est retrouvé au pied d’une falaise. La mort de l’enfant va bouleverser cette communauté tranquille qui n’a jamais connu de meurtre. L’enquête menée par Ellie Miller (Olivia Colman), le lieutenant local, sous les ordres de l’inspecteur Alec Hardy (David Tennant – Docteur Who), qui vient d’être nommé à Broadchurch, va faire resurgir le passé de ses habitants et leurs secrets enfouis. Une ville tranquille où le temps semble suspendu, un enfant du pays assassiné, dès les premières minutes du pilote, on pense à Twin Peaks ou encore aux Revenants dont Broadchurch est sans doute plus proche. Mais au pays d’Harry Potter, point de nain qui danse ou de chamois qui flottent. Juste des vrais gens, confrontés à un drame et contraints de se soupçonner les uns, les autres.

Sans effet de Manche. La force de la série réside dans sa simplicité absolue. Dans un monde télévisuel où les auteurs rivalisent de complexité dans leurs scénarios ou de surenchère d’effets spéciaux, ce whodunnit classique apparaît finalement comme un OVNI. Pas de fantastique ou de phénomène inexpliqué, c’est l’humanité des personnages qui rend exceptionnels ces gens si ordinaires. Leur passé insoupçonné, leurs imperfections, leurs secrets révélés avec finesse au cours de la série nous font presqu’oublier l’enquête criminelle. Comme dans Les Revenants, c’est l’ambiance générale qui nous saisit. Une photographie sublime et une réalisation quasi parfaite, si ce n’est l’utilisation un tantinet abusive du ralenti, subliment les côtes anglaises et concourent à entretenir une atmosphère oppressante.
Broadchurch est portée par un casting impeccable, à commencer par le duo d’enquêteurs. Miller et Hardy s’insupportent. Mais comme nous sommes sur la côté est de l’Atlantique, il n’est pas question ici d’une quelconque tension sexuelle qui les amènera au lit. Ils ne peuvent vraiment pas se sacquer. D’abord parce qu’Ellie briguait le poste d’Hardy et surtout parce qu’il est étranger à la communauté. Lui, reproche à sa partenaire d’être trop impliquée affectivement et donc de menacer l’enquête. David Tennant est exceptionnel dans le rôle du flic désabusé, rongé par l’échec de sa dernière enquête et venu chercher la rédemption à Broadchurch.  Quant à Olivia Colman, c’est une révélation. Elle incarne tout en nuances, cette lieutenant de province, qui n’a jamais mené d’enquête criminelle et qui doit enquêter et fouiller dans la vie de ses proches et ses amis.

Messieurs, les Anglais diffusez les premiers. Une série anglaise en prime time voilà un choix audacieux qui a porté ses fruits. Même si, il faut avouer que le risque n’était pas si grand que ça quand on connaît les audiences de Broadchurch, Outre-Manche. Comme quoi, un programme de qualité peut-être fédérateur. Avec quasiment 7 millions de téléspectateurs, France 2 aurait-elle enfin réalisé que qualité et audience ne sont pas incompatibles ? Peut-être que oui, puisqu’elle a déjà prévu de diffuser le remake français de la série, actuellement en préparation chez Shine France.  Qui dit remake, dit Amérique et les Etats-Unis ne pouvaient pas passer à côté d’un tel succès. Après Homeland (Atufim – Israël), The Killing (Forbrydelsen – Danemark) ou House of Cards (Royaume-Uni),  une version US est en préparation. Produite par Shine America, elle sera diffusée par la Fox sous le titre Gracepoint. Sous la houlette Chris Chibnall, David Tennant devrait reprendre son rôle, aux côtés d’Anna Gunn (Skyler White/Breaking Bad).

All’s Well That Ends Well[1]. Digne descendant d’Agatha Christie, Hitchcock ou Sir Arthur Conan Doyle, Chris Chibnall ne manque pas de nous révéler l’identité du coupable avant la tombée de rideau sur cette première saison. Signe de la qualité de l’écriture et des auteurs qui ne cèdent pas à la tentation (tant pis pour Oscar Wilde !) mercantile de délayer sa sauce à la menthe.
Souhaitons que cette victoire de la perfide Albion sur l’angélique gardienne de nos audiences nationales encourage nos chaines à élever le niveau.

BROADCHURCH est diffusée tous les lundis sur France 2 à 20h45 en VM. Les 3 premiers épisodes sont disponibles sur Pluzz en replay.


[1] Tout est bien qui finit bien  – Shakespeare



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