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Le progrès de l’humanité

Publié le 20 février 2014 par Philippe Thomas

Poésie du samedi, 66 (nouvelle série) :

Un  peu dans la même veine que la précédente chronique, mais plutôt dans le genre  Montaigne  « Toutes nos vacations sont farcesques »,  j’ai repensé à ce poème découvert jadis sur les bancs du lycée, dans le tome 6-7 de l’austère opus du duo Martin & Zehnacker destiné à nous inculquer tout ce qu’il fallait d’allemand scolaire pour le bac.

C’est une pépite d’humour signée Erich Kästner qu’il vaudrait mieux pouvoir savourer auf deutsch et que j’ai déjà eu l’occasion de partager par bribes avec quelques amis choisis qui se piquent de travailler au progrès de l’humanité. Pour ma part,  j’ai pleinement conscience de mon humaine perfectibilité  et en particulier des progrès immenses qu’il me faudrait accomplir pour parler un jour fliessen deutch , car au fond, je suis resté encore et toujours le même vieux potache…

Pour partager ce texte fétiche, j’ose quand même proposer la traduction suivante... Oui, concoctée par mes soins laborieux avec sans doute des choix hardis ou approximatifs, mais les rares adaptations en français que j’ai trouvées sur la toile ne me satisfaisaient pas du tout… Évidemment, je fais suivre le texte original pour le plaisir des lecteurs germanophones ou germanistes que j’invite à goûter l’humour de Kästner et accessoirement à me faire part de leurs critiques. L’essentiel est d’arriver à savoir ce que c’est au juste, cette drôle d’idée à peine pensable qu’est...

Le progrès de l’humanité 

Au commencement, les types étaient perchés dans les arbres
Têtes hirsutes et vilains visages.
Plus tard, on les a tirés de la forêt vierge
Puis on a asphalté et construit le monde
Jusqu'au trentième étage.

Assis là, à présent ils se cherchent des puces
Dans leurs pièces avec chauffage central.
Assis là, à présent ils téléphonent,
Et c'est encore exactement les mêmes accents
Que jadis dans les arbres.

Ils entendent de loin. Ils voient loin.
Ils sont en contact avec l'univers.
Ils se lavent les dents. Ils respirent la modernité.
La Terre est une étoile cultivée
Avec des trombes de chasses d'eau.

Ils captent leur courrier par un tube,
Ils chassent et cultivent des microbes.
Ils équipent la nature de tout le confort.
Ils s'envolent tout droit au ciel
Et séjournent durant deux semaines en l’air.

Ce que votre digestion laisse,
Ils le transforment en ouate.
Ils divisent l’atome. Ils guérissent l'inceste.
Et ils prouvent par de solides études stylistiques
Que César avait les pieds plats.

Ainsi, ils ont de tête et de gueule
Inventé le progrès de l'humanité.
Mais tout bien considéré, et
Examinés en pleine lumière, ils sont au fond
Encore et toujours les mêmes vieux singes !

Erich Kästner (Dresde, 1899 – Munich, 1974), texte écrit en 1932, in Martin & Zehnzacker, Didier Verlag 1975, lu par moi pour la première fois en 1978 et enfin traduit par ma fraise, donc  © Philippe Thomas pour la traduction… Je n’ai pas trouvé dans quel recueil ou publication ce texte avait été publié par son auteur, à la veille de voir ses livres finir sur les autodafés nazis. Ses ouvrages pour la jeunesse sont toujours traduits en français, notamment  Emile et les détectives.

Die Entwicklung der Menschheit

Einst haben die Kerls auf den Bäumen gehockt,

behaart und mit böser Visage.

Dann hat man sie aus dem Urwald gelockt

und die Welt asphaltiert und aufgestockt,

bis zur dreißigsten Etage.

Da saßen sie nun, den Flöhen entflohn,

in zentralgeheizten Räumen.

Da sitzen sie nun am Telephon.

Und es herrscht noch genau derselbe Ton

wie seinerzeit auf den Bäumen.

Sie hören weit, sie sehen fern.

Sie sind mit dem Weltall in Fühlung.

Sie putzen die Zähne. Sie atmen modern.

Die Erde ist ein gebildeter Stern

mit sehr viel Wasserspülung.

Sie schießen die Briefschaften durch ein Rohr,

Sie jagen und züchten Mikroben.

Sie versehn die Natur mit allem Komfort.

Sie fliegen steil in den Himmel empor

und bleiben zwei Wochen oben.

Was ihre Verdauung übrigläßt,

das verarbeiten sie zu Watte.

Sie spalten Atome. Sie heilen Inzest.

Und sie stellen durch Stiluntersuchungen fest,

daß Cäsar Plattfüße hatte.

So haben sie mit dem Kopf und dem Mund

den Fortschritt der Menschheit geschaffen.

Doch davon mal abgesehen und

bei Lichte betrachtet sind sie im Grund

noch immer die alten Affen !


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