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Le financement participatif : menace ou opportunité pour le secteur bancaire ?

Publié le 25 février 2014 par Sia Conseil

Le financement participatif : menace ou opportunité pour le secteur bancaire ? Le financement participatif est un mode de financement qui permet de récolter, généralement via une plateforme internet, des petits montants auprès d’un large public en vue de financer un projet créatif, associatif ou entrepreneurial.

Apparu en France au milieu des années 2000, ces plateformes présentent des caractéristiques communes qui les distinguent des modes de financement traditionnels : d’une part, les épargnants ont un accès direct et sans intermédiaire aux projets qui sollicitent un financement. D’autre part, le financement revêt une dimension affective en permettant à l’épargnant de suivre le projet tout au long de sa réalisation.

Une nouvelle plateforme de financement participatif voit le jour quotidiennement dans le monde et le nombre de 800 sites a été atteint en juillet 2013, soit une multiplication par 5,6 entre 2007 et 2012[1] . Ce marché représente déjà plusieurs milliards de dollars aux Etats-Unis et connaît une forte croissance en France, favorisée par l’absence de barrière à l’entrée. Cet engouement s’explique, notamment, parce que le financement participatif répond à une double attente : du côté de l’épargnant, il s’inscrit dans une recherche de proximité avec l’environnement économique, de transparence de l’épargne, de simplicité. Du côté du porteur du projet, il vient combler le « trou » de financement que rencontrent certains entrepreneurs en phase de démarrage à qui ni les banquiers ni les capitaux-risqueurs ne prêtent.

Mais le financement participatif n’est pas un marché uniforme, il regroupe des plateformes avec des finalités et des modèles de transaction très différents :

  • Le don : ces plateformes sont les plus nombreuses et le marché français compte une trentaine d’acteurs (Ulule, Kisskissbankbank, My Major Company‌). Un projet de don collecte en moyenne entre 3 000 et 5 000 euros et les plateformes se rémunèrent généralement en prélevant de 5 % à 10 % des sommes obtenues.
  • Le prêt : les particuliers prêtent à des porteurs de projet (artistiques, humanitaire, associatif,‌) ou à des entreprises en quête de financement. Les modèles sont variés : Prêt d’union met en relation des particuliers, Spear finance uniquement des entreprises solidaires, Babyloan et Oikocredit sont des spécialistes du microcrédit… Les emprunteurs bénéficient le plus souvent d’un taux plus favorable que celui proposé par les banques. Les épargnants prêtent soit à titre gratuit (avec récompense ou taux de souscription préférentiel par exemple), soit à titre onéreux. Dans ce cas, la plateforme doit obtenir l’agrément d’établissement de crédit auprès de l’ACP ce qui suppose un ticket d’entrée d’un million d’euros minimum.
  • L’investissement en action : ces plateformes proposent aux particuliers d’investir dans le capital d’entreprises sélectionnées. Ce marché reste encore embryonnaire.

Le financement participatif : menace ou opportunité pour le secteur bancaire ?

Malgré son fort potentiel, le marché du financement participatif est entravé dans son développement par un cadre normatif complexe et inapproprié. En effet, plusieurs centaines de dispositions règlementaires issues principalement du code monétaire et financier régissent ce mode de financement. Les règles drastiques, notamment en matière de capitaux propres et de lutte anti blanchiment, ne sont pas toujours adaptées au modèle de ces acteurs. Face à ce constat, le législateur étudie la mise en place d’un cadre normatif « à la fois souple et protecteur » pour favoriser l’essor du financement participatif. L’objectif est de simplifier et de limiter les contraintes pesant sur les acteurs du marché tout en offrant un niveau de protection élevé pour les investisseurs. Le projet de réforme, qui a fait l’objet d’une consultation préalable, devrait s’intégrer dans une ordonnance portant sur la simplification et de sécurisation de la vie des entreprises que souhaite prendre le gouvernement. Il se décline différemment en fonction du type de plateforme :

  • Le prêt : assouplissement du monopole bancaire pour l’octroi de prêts par les particuliers sous réserve de certains seuils.
  • L’investissement en action : création d’un statut de conseiller en investissement participatif (CIP) inspiré de celui du conseiller en investissement financier (CIF) qui sera encadré par l’AMF.

Ce mouvement de désintermédiation du secteur financier ne joue, a priori, pas en faveur des banques. Certains observateurs ont d’ailleurs cru voir dans les hésitations du gouvernement sur le projet de réforme une action du lobby bancaire. Mais plutôt que de marquer son opposition, le secteur bancaire semble chercher à s’associer au mouvement en marche. C’est en tout cas la stratégie adoptée par le Crédit mutuel Arkéa qui est devenu actionnaire de Prêt d’union. D’autres banques ont monté des partenariats avec les plateformes pour en soutenir le développement, comme la Société Générale avec Spear ou la Fondation Crédit Agricole Grameen avec Babyloan. Plus qu’une menace, le financement participatif peut représenter une opportunité pour les banques dont l’image de marque conserve les stigmates la crise financière : en s’associant à un secteur qui met en avant des valeurs d’éthique, de proximité, de solidarité, les banques ont l’opportunité de s’approprier les valeurs du financement participatif tout en maîtrisant son développement.

La véritable menace qui pèse sur le financement participatif est interne au marché. En effet, les plateformes souffrent d’un modèle économique fragile et la plupart d’entre elles ne sont pas ou peu rentables : Spidart (pionnier dans le financement de projets musicaux) a été mis en liquidation judiciaire le 19 janvier 2010, Friendsclear a cessé son activité en juin 2013, Wiseed n’a levé que 3 millions d’euros en huit opérations depuis sa création ce qui est insuffisant pour espérer être rentable à court terme. Dans ce contexte, il est fort probable que le marché connaisse, après sa phase d’euphorie, un mouvement de concentration similaire à celui rencontré par les sociétés internet après à la fin des années 1990. L’exposition de la bulle avait alors eu raison de la majorité des acteurs tout en faisant émerger de solides leaders. Pour assurer leur pérennité, les plateformes sont donc soumises à un double enjeu : d’une part, se faire connaitre et gagner en notoriété pour devenir un des acteurs incontournables du secteur. D’autre part, solidifier ses assises en générant du volume et en s’entourant de partenaires financiers prêts à soutenir leur croissance. Le développement des partenariats entre banques et plateformes relève donc d’une stratégie gagnant – gagnant.

Sia Partners


[1] : http://www.huffingtonpost.fr/laurence-attuel-mendes/difficultes-crowdfunding-france_b_4022446.html


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