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Faut-il faire "baisser" l'euro ?

Publié le 25 février 2014 par Raphael57

Faut-il faire

Il y a quelques jours, Arnaud Montebourg a donné une interview au quotidien Les Échos dans laquelle il plaidait pour une "reprise en main de la politique de change par les État européens", précisant que pour cela "nous devons ouvrir une bataille politique pour faire baisser l’euro" :


Arnaud Montebourg : "Nos efforts sont dévorés... par lesechos

Mais est-ce bien certain qu'une dépréciation de l'euro serait favorable à tous les pays de la zone euro ?

L'euro est-il surévalué ?

Commençons par examiner l'évolution du taux de change euro-dollar depuis quelques mois :

Faut-il faire

[ Source : Boursorama.com ]

Ainsi, par rapport à la devise internationale qu'est le dollar, l'euro est sur une tendance haussière en raison notamment de l'important excédent extérieur de la zone euro et d'une volonté - plus ou moins avouée du reste, plutôt moins que plus - des autorités monétaires américaines de faire "baisser" le dollar. Notons également que la BCE est la seule grande Banque centrale qui n’essaie pas de déprécier sa monnaie...

Suivre le taux de change euro-dollar est certes intéressant, mais il néglige la structure du commerce extérieur de la zone euro. En effet, il est beaucoup plus pertinent de connaître l'évolution de l'euro par rapport à l'ensemble des taux de change de ses principaux partenaires commerciaux, en tenant compte du poids de chacun. Cela permet d'obtenir le taux de change effectif de l'euro qui, lorsqu'il corrigé de l'inflation, donne un taux de change effectif réel de l'euro.

Or, selon les estimations, le taux de change euro-dollar en parité de pouvoir d'achat se situerait aux environs de 1,15, ce qui signifie une surévaluation réelle de l'euro :

Faut-il faire

[ Source : Natixis ]

Quels sont les effets d'une dépréciation de l'euro ?

Face à une dépréciation de l'euro, un pays (ou une zone comme l'euro) fera face à deux phénomènes opposés :

 * une baisse du prix des produits domestiques pour les acheteurs étrangers, c'est-à-dire un gain de compétitivité-prix pour les entreprises de la zone euro. Dans le jargon économique, on parle d'effet-volume de la baisse de l'euro. Cet effet prend un peu de temps à se matérialiser en raison par exemple de la nécessité de négocier de nouveaux contrats.

 * une hausse du prix des produits importés qui se ressent immédiatement. Dans le jargon économique, on parle d'effet-prix de la baisse de l'euro.

A ce stade, vous aurez compris que toute la question est de savoir lequel de ces deux effets l'emportera... Sans entrer trop dans les détails techniques, précisons simplement que cela dépend de ce que l'on appelle l'élasticité-prix des importations et l'élasticité-prix des exportations, c'est-à-dire de la variation de la demande suite à une augmentation du prix. On peut alors montrer que, pour qu'il y ait amélioration de la balance commerciale (= différence entre exportations et importations), il faut et il suffit que les élasticités-prix vérifient la condition de Marshall-Lerner, dont je me garderai d'en dire plus sous peine d'alourdir considérablement ce billet. 

Quels pays d'Europe seraient gagnants ?

Selon les calculs réalisés par Natixis sur la base d'estimations économétriques des élasticités-prix des importations et exportations, une dépréciation de 10 % du change dégraderait le commerce extérieur de la zone euro de 0,1 point de PIB. Pour le dire autrement, la hausse du prix des importations qui résulterait de la dépréciation de l’euro l’emporterait sur la hausse du volume des exportations, ce qui pèserait négativement sur le PIB de la zone euro prise dans son ensemble.

Mais la situation peut être différente d'un pays à l'autre en fonction du poids de ses exportations vers le Monde hors zone euro et de celui de ses importations depuis le Monde hors zone euro. Dans ces conditions, les grands gagnants seraient l'Italie et l'Irlande mais au rang des perdants on compterait la Grèce, l'Espagne et la France. Notons que le Conseil d'analyse économique a lui aussi fait des calculs, et conclut au contraire qu'une dépréciation de 10 % de l'euro ferait grimper le PIB français de 0,6 % après un an.

Quoi qu'il en soit, on peut remarquer qu'une dépréciation de l'euro pourrait avoir un effet positif sur l'industrie - notamment en France -, surtout lorsque le niveau de gamme de la production la rend très dépendante aux variations de prix. Mais globalement, cette dépréciation serait néfaste pour les ménages en réduisant leur pouvoir d'achat sur les produits importés, ce qui risque fort de réduire leur consommation, alors même qu'il s'agit du principal moteur de notre croissance et qu'il donne déjà des signes d'essoufflement.

Tout ceci fait dire à certains, avec une certaine pointe d'ironie, qu'une dépréciation de l'euro n'est en fait qu'une subvention déguisée à l'industrie financée par une taxation cachée des ménages...

Mais au fait, à la différence du Japon dont j'avais parlé dans ce billet, comment fait-on pour déprécier l'euro puisque cette monnaie est pilotée de manière indépendante par la BCE pour 18 pays ? Mystère...

N.B : l'image de ce billet provient de cet article de la RTS.


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