Le style italien classique

Style italien et bleu de travail

Tordons le cou à une idée reçue : oui, il existe, au-delà des clichés véhiculés par la presse et certains professionnels de la mode, un style italien classique, un style qui ne redouble pas notre appétence honteuse pour le costume noir (même si, je l’admets, je connais quelques Italiens qui portent des costumes noirs, et qui les portent plutôt bien – il n’y a pas de logique), un style sobre, facile, valable pour ainsi dire dans toutes les situations. Ce style, j’aimerais en prendre deux exemples, l’un à Milan, l’autre à Naples (aucun n’étant à mon sens plus représentatif que l’autre), afin de mieux faire comprendre que la tradition de l’élégance italienne ne nous donne pas seulement le choix entre des costumes croisés à rayures et des patines improbables (même si – et je fais moi-même ici amende honorable, pour céder quelquefois à la tentation – les couleurs vives, les pièces hors normes sont évidemment plus spectaculaires, et donc plus faciles à montrer).

Le style italien classique : comment s’habille-t-on à Milan ?

Comment s’habille-t-on à Milan ? Bien, c’est une évidence. On y prend le métro pourtant, on y travaille, on y circule, on y vit pour de vrai. D’où vient donc ce prodige ? Je crois qu’on y pense le style en termes d’ensemble, de globalité. Il y a des détails, certes, parfois nombreux, on mêle à sa tenue des accessoires peut-être plus facilement qu’ailleurs, mais ces détails concourent à un effet d’ensemble qui ne doit pratiquement rien au hasard. Quand je pense à l’élégance masculine milanaise, je n’ai aucun mal à me figurer un homme sur son Vespa (ses gestes ne doivent donc pas être entravés par ses vêtements). Il porte des mocassins bruns, des chaussettes bordeaux, un costume bleu foncé (mais pas bleu nuit), une chemise bleue, une cravate en grenadine de soie bordeaux, une ceinture et des gants de même teinte que ses chaussures. Si le bleu domine, la règle, bien connue des femmes françaises, qui veut qu’on ne porte jamais plus de trois couleurs en même temps, est respectée.

Le style italien classique : comment s’habille-t-on à Naples ?

A Naples aussi, on aime le bleu, tous les bleus, même si une rapide fréquentation des élégants napolitains vous apprend à reconnaître LA nuance propre à la cité parthénopéenne, ce bleu cobalt, électrique, extrêmement ensoleillé et qui ne correspond pas, mais alors pas du tout avec notre vision du style classique. Regardez Orazio Luciano (photo ci-dessus). Il en a fait depuis toujours sa marque de fabrique, mais combien de costumes bleus différents a-t-il dans sa garde-robe ? Orazio Luciano est peut-être un mauvais exemple, Luca Rubinacci aussi. Heureusement, il n’est pas nécessaire de chercher très loin pour en trouver de bons. Tournons-nous vers Maurizio Marinella, Patrizio Cappelli ou Mariano Rubinacci. Ils incarnent, chacun à leur façon, l’excellence « sartoriale » napolitaine, et nous rappellent, s’il en était besoin, avec quelle adresse les tailleurs napolitains ont su s’approprier le style anglais (remarquons au passage qu’il n’est question ici que de vestes droites).

Photos, source : SDI Co., Contemporary Standard, Parisian Gentleman, et, plus bas, La couleur blanche.

Bien sûr, on peut gloser sans fin sur les détails de la veste napolitaine (le col plus haut, la gorge plus haute qu’en Angleterre, les épaules dépourvues de rembourrage, la quasi-absence de doublure, la quasi-absence de couture machine, les fentes latérales, les poches plaquées, la poche de poitrine type barchetta, et j’en passe), sur la chemise (entièrement montée à la main), sur la cravate (en soie imprimée, le plus souvent dépourvue de triplure). Ces éléments, éminemment culturels, et dans lesquels il est permis de piocher selon ses goûts, ne doivent pas nous faire oublier l’essentiel : comme tous les Italiens, les Napolitains s’habillent pour se sentir élégants, pour se sentir bien, et par courtoisie envers les autres – trois traits qui définissent aussi le classicisme.