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Le train sifflera trois fois

Publié le 25 février 2014 par Dukefleed
Le train sifflera trois fois"Et si toi aussi tu m'abandonnes..."
Le sheriff d’une bourgade perdue dans un coin de désert se marie. Son avenir est tout tracé : lâcher ce job et aller vivre sous d’autres cieux avec sa belle. Mais le mariage juste terminé et son insigne fraichement remise, on lui apprend qu’un brigand qu’il a fait condamner à mort 5 ans plus tôt a été libéré. Il arrive par le train de midi pour régler ses comptes et remettre la main sur la ville. Le sheriff décide de reprendre du service pour la journée sans l’assentiment de sa jeune épouse mais aussi, paradoxalement, de la population locale. Il est 10h45, il a 1h15 pour réunir quelques volontaires décidés à affronter la terreur du patelin.Ce western figure au panthéon du genre. Paradoxe pour un film au sujet tellement universel que le western, ici, ne fait figure que d’habillage. En effet, le thème musical entêtant du film (« et si toi aussi tu m’abandonnes… ») fait écho au sujet du film : un homme pris dans une course contre la montre et la mort délaissé par tout un village pourtant reconnaissant par le passé d’avoir écarter le fauteur de troubles. Une des trouvailles de l’époque, au-delà de l’unité de temps et de lieu conférant un climat particulier à ce long métrage, c’est clairement le timing du film autour du temps réel. Le film dure 1h25 et couvre les 1h25 entre le mariage et l’arrivée des brigands, et c’est pas loin d’être une première… Hitchcock avec « La corde » essaiera de pousser la prouesse tehcnico-temporelle encore plus loin : mais c’est la maître. Ici, pour symboliser le temps filant à toute allure et mettant en péril le héros : des plans de carrioles lancées à vive allure, les amorces avec des horloges de plus en plus fréquentes et de plus en plus en gros plan. C’est donc un western adulte et pas simplement un divertissement avec une vraie dimension psychologique et sociologique. Ce film n’a pas la finesse d’un Haneke ; mais 60 ans plus tôt, il décrit la même lâcheté de toute une société. Ce film est aussi un western progressiste et libéral et offre un effet miroir de la chasse aux sorcières durant laquelle il a été monté. Carl Foreman, le scénariste dira même : « Au début, quand j'ai écrit le scénario, je voulais en faire une parabole sur l'ONU. Mais tout à coup, la menace de la Commission des Activités Anti-américaines s'est précisée. Ils se dirigeaient vers Hollywood [ ...] Et la peur a commencé à grandir, une peur insidieuse qui envahit peu à peu toute la ville. J'ai décidé alors de changer d'optique et d'écrire une parabole sur Hollywood et la maccarthysme. Pendant la fabrication du film, je reçus un petit papier rose me convoquant devant la commission et je me suis trouvé rapidement dans la situation de Gary Cooper. Mes amis m'évitaient. Quand je voulais voir quelqu'un, il n'était pas là... je n'ai plus eu qu'à transposer certains dialogues dans un cadre de western pour obtenir High Noon. ». On retrouve donc certaines des scènes vécues par le scénariste transposées à ce western. Malgré çà, ce western souffre d’un traitement parfois trop didactique et démonstratif. Il ne fait pas assez souvent confiance à l’intelligence du spectateur en nous expliquant lourdement les situations. Les personnages manquent aussi de coffre et d’incarnation ; de fait, on n’est que peu concerné par leurs sorts à tous. Dommage. Enfin, Fred Zinnemann, pour sa seule incursion dans le western, maitrise mal les scènes d’action pourtant réduite au nombre de deux dans ce film. De fait, la confrontation finale, un grand classique du western, attendue durant une heure, fiat office de souflé. Vu son manque d’expertise pour ce genre de scène, pourquoi Zinnemann ne s’est pas arrêté un peu plutôt ? La scène où femme, ex maitresse et lui-même se quitte avant la joute finale aurait fait un beau finish avec une mise en scène laissant présager le pire avec un homme abandonné seul dans les rues désertes et confronté à un destin que l’on peut penser tragique.A voir pour le travail sur le temps, l’analyse d’une société lâche et la parabole sur le Maccartisme.
Sorti en 1952

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