Par Ira Stoll, depuis les États-Unis.
Un article de Reason.
Le deuxième homme le plus riche d’Amérique, le PDG de Berkshire Hathaway, Warren Buffett, a donné dans le numéro du 17 février de la revue Fortune un extrait de sa prochaine lettre annuelle aux investisseurs. Le récit de deux acquisitions réussies de Warren Buffet est éclairant, mais pas tout à fait de la manière que Buffet voudrait l’entendre.
La rédaction de Fortune l’a publiée sous le titre : « Lettre annuelle de Warren Buffett : Que pouvez-vous apprendre de mes investissements immobiliers ». Buffett explique que ses acquisitions – une ferme de 400 acres dans le Nebraska et un immeuble commercial à Manhattan « à côté de l’Université de New York » – « illustrent certains principes fondamentaux de l’investissement. » Il livre de nombreux détails et relève cinq éléments clefs censés être illustrés par ses transactions immobilières. « Gardez les choses simples et ne tentez pas le diable », « Concentrez-vous sur le rendement futur de l’actif que vous envisagez. »
Ils sont tous plus ou moins recevables, mais ils occultent aussi un élément important que ces deux investissements immobiliers ont en commun : Buffett les a achetés au gouvernement américain, c’est-à-dire à nous les contribuables, à des prix qui, rétrospectivement, semblent ridiculement faibles.
La lettre de Buffett révèle qu’il a acheté la ferme du Nebraska à la Federal Deposit Insurance Corporation en 1986. La Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC), appartenant à l’État fédéral, l’avait obtenue d’une banque reprise par celle-ci. Et Buffett et ses partenaires ont acheté la propriété de New York en 1993 à la Resolution Trust Corp, un organisme public créé pour « disposer des biens des institutions bancaires ayant fait faillite », comme le dit Buffett.
Buffett continue ensuite de se vanter d’avoir fait de bons investissements en achetant ces deux propriétés. « Maintenant, 28 ans plus tard, la ferme a triplé ses gains et vaut cinq fois – ou plus encore – ce que j’ai payé », écrit-il. Quant à l’établissement de New York, « les revenus annuels dépassent maintenant 35% de nos investissements initiaux en capitaux propres. De plus, notre hypothèque initiale a été refinancée en 1996 et encore une fois en 1999, ce qui a permis de réaliser plusieurs distributions spéciales totalisant plus de 150% de ce que nous avions investi. »
Il ajoute : « les deux investissements constitueront un fonds solide et satisfaisant jusqu’à la fin de mes jours, et par la suite, pour mes enfants et petits-enfants. »
Il me semble que les « principes fondamentaux » de l’investissement à la Buffet que ces deux histoires illustrent sont d’ « acheter des choses à l’État, parce que vous pouvez parfois obtenir de bonnes affaires des bureaucrates qui n’ont aucune idée de la valeur de ce qu’ils vendent, et qui ont un mandat pour se débarrasser de ça rapidement. »
En d’autres termes, tandis que Buffett se vante de ses bonnes affaires immobilières, ceux qui paient les factures sont les contribuables. Les sauvetages des banques ont coûté aux contribuables une somme estimée à 130 milliards de dollars. Les primes d’assurance que les banques paient pour la FDIC afin de couvrir les faillites signifient que les banques paient moins en dividendes imposables aux actionnaires et moins en intérêts imposables aux déposants.
Ce qui nous amène à une autre vérité fondamentale des politiques publiques, peut-être aussi fondamentale que les « fondamentaux » de Buffet sur l’investissement. Le gouvernement devrait éviter le marché immobilier. Cela finit par la vente de biens à des gens comme Buffet alors même que les prix sont bas.
L’histoire révèle également un autre point fondamental lié au premier, et également occulté par Buffet : les biens sont mieux valorisés dans des mains privées que dans celles de l’État.
Enfin, il est intéressant de noter que ces deux investissements immobiliers dont se vante Buffett dans sa lettre aux actionnaires de Berkshire Hathaway ont apparemment été faits par lui personnellement plutôt que par Berkshire Hathaway, la société publique dont il est un actionnaire important. Dans une autre affaire conclue avec l’État fédéral, Buffett a mêlé les deux. Dans sa lettre du 8 octobre 2008 adressée au secrétaire du Trésor Henry Paulson, avec « Cher Hank » en entête, Buffet dessine les grandes lignes d’un accord dans lequel, selon les termes de la lettre, « la société que je dirige, Berkshire Hathaway, serait heureuse d’investir 500 millions de dollars » et « je serais prêt à investir personnellement 100 millions de dollars en actions dans cette offre publique (ce qui correspond à environ 20% de ma valeur nette en dehors de mes avoirs de Berkshire qui, comme vous le savez, sont promis à la charité.) »
Je ne jalouse pas le succès que connaît Buffet dans les investissements immobiliers. En fait, je suis heureux pour lui de sa prospérité. Mais ce sentiment est contrebalancé par une certaine déception lorsque je réalise que, en tant que citoyen et contribuable américain, je suis l’une des personne qui lui a vendu cette propriété à un prix si ridiculement faible.
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Sur le web. Traduction : NN/Contrepoints.