Katie Hinde, de la Harvard University, l’avait déjà suggéré : Le lait maternel est multidimensionnel, sa composition dépend de la santé, la nutrition, de la culture, de l’histoire de reproduction et des gènes de la mère mais aussi…de ceux de l’enfant. Le chercheur récidive, avec sa nouvelle étude publiée dans la revue PLoS ONE en montrant qu’un critère en particulier chez l’enfant, le sexe, peut influencer la production de lait de la mère. Ainsi cette production est bien supérieure pour les « filles ». Certes ici la démonstration est effectuée chez les vaches …laitières, mais elle aboutit à 2 théories passionnantes :
· La première, plus axée sur « l’évolution » qui voudrait favoriser le potentiel de reproduction donc la nutrition des filles,
· L’autre sur « la biologie » s’appuyant sur une physiologie mieux partagée entre mère et fille expliquant une plus forte influence du fœtus fille sur sa mère.
Enfin l’étude pose aussi la question concernant l’allaitement maternel : Et si les fils et les filles s’attendaient à des qualités et des volumes de lait différents ?
En attendant, la découverte pourrait avoir d’importantes conséquences économiques pour les producteurs laitiers… L’étude a évalué 2,4 millions de lactations provenant de près de 1,5 millions de vaches laitières américaines pour constater que les vaches qui portent des « filles » produisent jusqu’à 450 litres de lait de plus que celles qui donnent naissance à des fils, au cours des deux premières lactations. Parvenir par insémination artificielle à augmenter le nombre de veaux femelles, pourrait ainsi permettre de produire aux seuls Etats-Unis, l’équivalent de 200 millions de dollars de lait de plus, par an, selon les auteurs. Un lait qui répondrait de la même manière aux normes biologiques en vigueur.
Cependant, si l’on laisse un peu de côté l’industrie laitière, l’étude interroge, dans le champ de la biologie évolutive, sur le processus qui permet aux mères d’allouer ainsi plus de ressources à leurs filles ? Est-ce la conséquence d’une interaction comportementale entre la mère et l’enfant après la naissance ou est-ce prénatal ? Cette étude qui a porté sur les vaches suggère bien un processus prénatal.
L’effet « fille » est durable : Une seconde question portait sur la puissance de l’effet « fille ». Aura-t-il également une influence lors des grossesses et des lactations ultérieures ? Les chercheurs peuvent également répondre par l’affirmative, après étude de la structure cellulaire de la glande mammaire qui s’ »améliore » et cumule ces améliorations d’une gestation à l’autre. Ainsi, ici, les vaches qui ont d’abord eu un veau mâle, puis femelle, connaissent aussi ensuite une augmentation de la production de lait, mais pas aussi importante que celles qui ont conçu d’abord des filles. En revanche, dans le cas fille puis garçon, la production de lait reste élevée.
2 hypothèses pour expliquer :
· Est-ce l’effet d’une adaptation évolutive qui permet aux veaux femelles de se développer plus tôt et d’augmenter leur potentiel de reproduction ? Commencer à se reproduire plus tôt, c’est une façon d‘accroître le nombre de descendants, souligne l’auteur.
· Est-ce le résultat de la physiologie partagée entre mère et fille ? Il se pourrait en effet que les échanges via le placenta donnent au fœtus fille la capacité hormonale d’influer sur la mère. Un signal hormonal qui entraînerait une augmentation de production de lait…
Une étude qui soulève de nombreuses questions, importantes pour mieux comprendre aussi l’allaitement maternel et prendre les meilleures décisions pour l’alimentation du nourrisson, et jusqu’en pratique clinique. En effet, et si les fils et les filles s’attendaient à des qualités et des volumes de lait différents ?
Source: PLoS ONE February 03, 2014 DOI: 10.1371/journal.pone.0086169 Holsteins Favor Heifers, Not Bulls: Biased Milk Production Programmed during Pregnancy as a Function of Fetal Sex
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