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Théologien(s): avec Hans Küng, le retour du Jésus des pauvres

Publié le 28 février 2014 par Jean-Emmanuel Ducoin
Le grand théologien suisse publie un livre sur le christ, dans lequel il prend le contre-pied des théories d'un certain Joseph Ratzinger...

Théologien(s): avec Hans Küng, le retour du Jésus des pauvresKüng. Connaissez-vous Hans Küng? Agé de 86 ans, le théologien suisse est considéré par les progressistes chrétiens comme l’un des contestataires les plus importants depuis les années 1970, toujours en marge d’une Eglise dont il conteste la doctrine depuis qu’un certain Jean-Paul II a imposé une vision dogmatique de la doctrine de la foi, aidé, comme chacun le sait, par son successeur, Benoît XVI, redevenu Joseph Ratzinger. En 2012, Hans Küng avait ainsi publié un livre choc, «Peut-on encore sauver l’Eglise» (Seuil), dans lequel il dressait un bilan sans concession, quasi crépusculaire, d’une institution aux frontières desquelles il est pourtant resté attaché, mais à sa manière, avec une liberté de parole intacte et sans jamais rompre totalement. L’élection de François Ier, il y a bientôt un an, a-t-elle tout changé?
N’exagérons rien. Mais faut-il quand même que le climat se soit à ce point réchauffé à Rome pour que de nombreux théologiens, sur place, accueillent plutôt favorablement le dernier livre de Küng, «Jésus» (Seuil, 288 p), qui reprend en partie, en l’adaptant à notre temps, «Etre chrétien», un livre paru au début des années 1970, et qui, à l’époque, dans la foulée de Vatican II, avait été perçu comme un brulot par les rigoristes, comme un message d’espoir par les héritiers des théologiens de la libération dont il se revendiquait en partie. Hans Küng défendait alors une Eglise moderne et sociale, disons plus «terrestre» et «humaine» que «divinisée». Il fut, comme tant d’autres, mis à distance et souvent critiqué sans ménagement…
Jésus. Quarante ans plus tard, avec son «Jésus», Hans Küng entend dire son attachement sans faille à la figure d’un christ plus homme que fils de Dieu. Jadis, le sacrilège aurait été dénoncé en haut lieu ; aujourd’hui, la posture même du nouveau pape, en tant qu’évêque de Rome à la figure d’humilité et de simplicité, semble rendre ce postulat philosophique sinon acceptable, du moins discutable. De quoi se dire qu’il n’y a sans doute pas de hasard si Küng a décidé de publier ce livre, qui, avouons-le, dans ses fondamentaux, n’a d’autre ambition que de secouer encore une fois les chrétiens. Dans un chapitre intitulé «les normes de l’humain», le théologien suisse pose ainsi une question provocatrice:

Théologien(s): avec Hans Küng, le retour du Jésus des pauvres

Hans Küng.

«N’est-ce pas le manque d’humanité qui fait que bien souvent le chrétien n’est pas pris au sérieux?» Et il précise aussitôt sa pensée: «N’est-ce pas l’absence d’une authentique et pleine qualité d’humanité chez les représentants et les porte-parole officiels de l’Eglise qui explique qu’être chrétien soit dédaigné ou rejeté en tant que possibilité authentiquement humaine?» Même en 2014, la critique reste violente. Car il insiste: «Aujourd’hui, plus que jamais, la dimension humaine doit être considérée dans son évolution sociale.» Certains se demanderont, légitimement bien sûr, pourquoi le vieil homme a choisi le moment présent pour réenfourcher ses combats de toujours? L’explication qui consiste à affirmer que l’Eglise doit retrouver sa vocation «sociale», ici-et-maintenant, suffit-elle? Personne ne comprendrait pourquoi Küng déclare que l’Eglise reste «sa patrie spirituelle (…) malgré les nombreuses expériences du système romain». Küng veut aussi signifier – nous serions mal placés pour le nier – que ses critiques des dogmatismes de Jean-Paul II et de Benoît XVI, qui lui valurent d’être interdit d’enseignement en faculté de théologie, étaient pertinentes il y a vingt, trente ans, et qu’elles le demeurent de nos jours. Mais surtout, et c’est peut-être l’essentiel, le Suisse apporte un contre-manuel de ce-qu’il-faut-penser de Jésus, après les trois livres sur le sujet de son ennemi intime et ancien collègue à Tübingen, Joseph Ratzinger. Dans la préface de son «Jésus», Küng ne cache pas ses différences de vues avec l’ex-pape, qui, selon lui, s’éloigne volontairement du témoignage des Ecritures en négligeant «tous les résultats gênants pour la dogmatique catholique (…) en la contournant habilement avec des citations des Pères de l’Eglise et de la liturgie». Küng écrit même textuellement: «Celui qui cherche dans le Nouveau Testament le Christ dogmatique, qu’il lise Ratzinger ; celui qui cherche le Jésus historique et la proclamation des premiers chrétiens, qu’il lise Küng. C’est ce Jésus-là, le Jésus historique, qui interpelle les hommes d’aujourd’hui comme ceux de son temps, qui exige qu’on prenne position» (p. 11). L’histoire retiendra que l’ex-Benoît XVI, il y a quinze jours, a écrit une lettre à Hans Küng en personne pour lui dire qu’il lui reconnaissait une «grande identité de vues» avec le nouveau pape François Ier. Enfin de la lucidité. [BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 28 février 2014.]

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