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J’ai eu un cancer du sein et je devrais me réjouir ? Chers Anglais, un peu de sérieux

Publié le 03 mars 2014 par Cathcerisey @cathcerisey

J’ai eu un cancer du sein et je devrais me réjouir ? Chers Anglais, un peu de sérieux

"J’aurais préféré avoir le cancer du sein" : campagne de l’association Pancreatic Cancer Action au Royaume-Uni

Je poste ici ma tribune sur le plus du Nouvel Obs. parue ce weekend

Je ne me suis jamais dit que j’aurais préféré avoir un autre cancer. Quand on m’a dit que j’avais la chance de n’avoir "que" le cancer du sein, j’avais vraiment envie de hurler. On entend tout le temps – et j’y ai eu le droit fréquemment – des propos du type "Ah mais ne t’inquiète pas, un cancer du sein, ça se soigne bien !" C’est non seulement insupportable, mais c’est surtout faux dans certains cas encore trop nombreux.

Cette maladie implique des traitements lourds, des opérations longues et difficiles, et un risque de décès non négligeable. Le cancer du sein tue 11.000 femmes chaque année… En fonction du moment où vous le découvrez, le pronostic peut être bon, mais il y a toujours des femmes qui métastasent et qui en meurent.

Il faut penser à toutes celles qui se battent avec un cancer du sein de stade avancé et se mettre à leur place. Avoir un cancer, quel qu’il soit, est une catastrophe, un cataclysme dans la vie d’une personne et de ses proches.

Minimiser les conséquences du cancer du sein est pathétique

Cette campagne a clairement été faite pour le grand public et là est le problème : tout le monde va penser que le cancer du sein n’est pas grave, ce qui est scandaleux.

Minimiser ses conséquences comparées à celles du cancer du pancréas, qui est effectivement aujourd’hui de très mauvais pronostic, n’a pas de sens. C’est pourquoi j’ai profondément détesté cette vidéo.

Il ne faut pas comparer les souffrances ou être dans la compétition. Qu’est ce que cela sous-entend ? Ne donnez plus aux associations qui luttent contre le cancer du sein ou du testicule mais donnez plutôt pour le pancréas ? Dans une période de crise où donner est une démarche difficile, c’est pathétique.

Vidéo de la Pancreatic Cancer Action, qui a fait scandale au Royaume-Uni

Cette campagne m’a fait penser – et ce n’est pas un hasard – aux pubs de prévention routière des Britanniques, qui sont dans le même esprit. Cette vidéo et ces photos ont été conçues pour choquer, mais il est dommage d’en arriver là pour faire passer un message.

Le cancer est tabou et un travail de sensibilisation est effectivement nécessaire, mais ce n’est pas en montant les malades les uns contre les autres que cela fonctionnera.

J’espère ne jamais voir une telle campagne en France

Je suis étonnée que cette association n’ait pas fait la démarche d’interroger des associations de lutte contre le cancer du sein ou du testicule avant de médiatiser cette campagne. Les publicitaires vont parfois trop loin, disons que c’est leur métier. Mais ils ne font que proposer.

En revanche, les associations ont une responsabilité vis-à-vis du grand public et des patients. Elles ont le droit et je dirais surtout le devoir de ne pas blesser et la faculté de refuser ce genre de proposition qui a bien sûr, et je m’en réjouis, choqué le plus grand nombre.

Nous n’aurions à mon avis – et fort heureusement – jamais pu voir la même chose en France, oùl’Institut national du cancer (l’INCa) s’occupe de TOUS les cancers. Cela ne veut pas dire que j’apprécie toutes leurs campagnes, qui pourraient, justement, être à mes yeux un peu plus percutantes parfois. Mais lorsque l’on fait un don, à la Fondation Arc ou à la Ligue contre le cancer, on ne choisit pas à quelle pathologie on le destine, on le fait pour tous les cancers, pour tous les malades sans faire de distinction.

Cette campagne est donc totalement contre-productive et, qui plus est, de très mauvais goût. Elle me rappelle un jeu que je faisais parfois avec mes enfants. Intitulé "Tu préfères", celui-ci consiste à choisir entre deux cas de figure mis sur le même plan, bien que pourtant incomparables, en répondant à une question du type "Est-ce que tu préfères ne pas avoir de nez ou de menton ?".

La démarche de cette association se résume à ça. On ne peut ni comparer les handicaps, ni les expériences. J’espère donc que ce genre de campagne n’arrivera jamais en France. Pensons aux malades, à leur souffrance et mobilisons nous tous ensemble pour qu’ils vivent le mieux possible en attendant que les chercheurs trouvent le moyen d’arrêter ce véritable serial killer !

Et vous qu’en pensez-vous?

Propos recueillis par Rozenn Le Carboulec


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