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New: “Bennam” par Michael Kiessou + Petite mise au point sur la “musique urbaine camerounaise”.

Publié le 03 mars 2014 par Maybachcarter

Michael Kiessou a un nouveau clip, “Bennam“.

Le mélange des genres est plutôt réussi, ça fait plaisir !

J’en profite pour faire une petite mise au point sur une ou deux choses concernant la “musique urbaine camerounaise“. Ceci n’est ni une lettre ouverte, ni un débat, c’est une MISE.AU.POINT.

Je n’en ai pas parlé sur ce blog, mais depuis un moment, je collabore avec deux sites plus ou moins importants: Okay Africa (U.S.), pour qui je contribue et NotJustOk (Nigeria) dont j’ai intégré l’équipe à la fin de l’année dernière. J’ai d’autres collaborations internationales en préparation pour le reste de l’année, mais j’ai mis un point d’honneur à commencer avec ces 2 plateformes.

Dans un cas comme dans l’autre, en dehors de ma passion pour la musique africaine, j’avais surtout envie de contre-balancer un peu l’hégémonie nigériane. Vous le savez, nous le savons tous, il y a énormément d’artistes africains qui valent qu’on s’intéresse à eux. Mais pourquoi ne parle-t-on que des mêmes ? En dehors des moyens, c’est entre autres parce qu’ils occupent l’espace médiatique comme il faut, parce qu’ils savent quelles plateformes utiliser pour diffuser leur musique (et par extension leur culture) à l’international. Vous avez beau faire la meilleure musique du monde, si vous vous limitez juste à la diffuser autour de vous, d’autres occuperont le terrain à votre place. Au vu des médias, journalistes et informations auxquelles j’ai accès, je me suis dit qu’il serait bien de commencer à lentement mais sûrement habituer le public international à de la musique camerounaise contemporaine. Certains diront que je fais un peu de lobbying digital dans ce sens, je serais hypocrite de le nier. J’ai décidé de le faire de moi-même, je ne suis payée par AUCUN artiste camerounais et dans l’absolu, ce sont les gens qui sont mis en avant qui en profitent plus que moi. Je parle de mon cas, mais autre que moi, il y a d’autres personnes qui s’activent pour placer cette musique à des endroits où on ne l’entend pas, vous n’avez même pas idée. Ce n’est pas forcément histoire de toucher la masse, mais d’habituer les trendsetters internationaux (le fameux 1%), ceux qui façonnent les tendances,  à l’idée qu’au Cameroun aussi, il se passe quelque chose musicalement.

Depuis donc que je suis dans cette dynamique, je discute avec des journalistes étrangers dans le domaine de la culture et je vois que le chemin est plus long que prévu… La majorité d’entre eux résume la musique camerounaise à Manu Dibango et le “Makossa”, dont ils n’ont visiblement aucune connaissance. Puis-je leur en vouloir ? Qu’avons-nous fait pour que la presse étrangère soit en phase avec le dynamisme de la musique au Cameroun ? On va continuer à se plaindre pendant combien de temps qu’il n’y en ait que pour les Wizkid, Davido et Iyanya ? Ou alors, on reste là, on attend que ça se fasse tout seul, comme d’habitude, en fait.

Le plus je suis au contact des anglo-saxons, le plus je suis frustrée de voir la fluidité avec laquelle ils utilisent/monétisent l’information. Pas une seule fois en discutant avec les fondateurs de NotJustOk, je ne les ai entendu se plaindre du fait qu’être à l’extérieur de leur pays ait été un problème ou ait empêché leur site de devenir le mastodonte que c’est aujourd’hui. Idem quand je regarde ceux qui sont en train de faire bouger les choses à Lagos, la bonne majorité est issue de la “diaspora” et ça fait sens ! Ils ont accès à plus de capitaux, plus de technologie, plus de savoir que leurs confrères sur place. Et à un moment donné, ils ont fait un truc très con qui s’appelle de la “synergie de compétences” avec les personnes sur le terrain.

Quand j’ai commencé à parler de ce modèle qui serait éventuellement reproductible au Cameroun, autour de moi, on m’a ri au nez. Les camerounais ? Synergie ? Tu rigoles. Contre l’avis contraire de la plupart de mes proches – qui sont des personnes au jugement pondéré en général – j’ai quand même décidé de foncer. Après tout, si on ne le fait pas, qui va le faire ? En fait, j’aurais dû une fois de plus les écouter.

La majorité des pure players internationaux qui ont vraiment de l’impact (à partir de 2 à 3 millions de visiteurs uniques/mois) dans le domaine de la musique s’intéresse peu à la musique africaine. Quand ils le font, c’est généralement soit de la “World Music” (Vieux Farka Touré, Hugh Masekela, Amadou et Mariam…), soit c’est de la musique nigériane. Et même dans ce cas, ça va se limiter à PSquare et éventuellement, 2Face Idibia ou D’Banj. Et quand bien même vous essayez de les convertir à un autre genre musical africain, ils ont des critères tellement élevés que vous n’avez aucune chance ou presque et j’en sais quelque chose…

“Vidéo trop cheap”, “le titre est mal mixé”, j’ai tout entendu ces dernières semaines.  Et ces commentaires concernent des titres ou des clips que j’ai puisé dans ce qu’il y a de meilleur au Cameroun. Pas grave, je repars au front, j’argumente, je négocie et parfois j’y arrive. Mais ça va souvent être avec les mêmes artistes, parce qu’ils seront les seuls qui trouveront grâce aux yeux de ceux avec qui je collabore. Ces personnes n’ont jamais mis les pieds au Cameroun et n’en ont clairement rien à faire que X ou Y soit une star sur place. Ce qu’ils veulent, c’est du contenu qui parle à leur public (qui se chiffre en millions), et pour cela, certaines exigences doivent être respectées. Le Cameroun n’est même pas dans le top 30 des pays fournissant du trafic à ces sites (en d’autres termes, ils n’ont aucune obligation de parler votre clip ou votre dernier son). Alors la faute à qui si votre contenu ne correspond pas à leurs critères malgré mes tentatives ? Je dois venir shooter les vidéos, masteriser vos sons, travailler la comm’ digitale à votre place ? Parce que ces éléments sont peut-être des détails pour le public camerounais, mais lorsqu’on est un pure player au public international, ces “détails” sont primordiaux.

NotJustOk, qui aurait pu se passer de mes services dans l’absolu, a quand même été sensible à ce que j’ai voulu apporter quand je leur ai proposé de diversifier leur contenu, idem pour O.A. Je ne vais pas vous mentir, 50 à 60% de ce que je propose n’est pas validé parce que pas “aux normes”. Ces sites ne sont pas là pour faire de la charité, ils gagnent de l’argent avec leur contenu et le choix de celui-ci obéit à des codes sur lesquels je n’ai pas forcément la main. Etant propriétaire d’une plateforme média également, je les comprends parfaitement d’ailleurs. Quoi qu’il en soit, j’essaie de faire le maximum pour qu’une passerelle et une sorte de rampe de lancement se mettent en place pour ouvrir sur l’international, même si c’est compliqué de batailler avec nos voisins nigérians ou ivoiriens qui inondent littéralement les médias avec un rythme de sorties musicales complètement dingue.

A mon niveau, le point de vue sur la musique urbaine camerounaise commence à changer. Je vois des personnes dans les médias qui n’étaient a priori pas intéressées commencer à me poser des questions, inclure un ou deux sons camerounais dans leurs playlists à la radio (ce qu’ils ne faisaient pas avant).. Pas plus tard qu’il y a quelques jours, on m’a proposé une rubrique mensuelle sur un site important pour promouvoir la musique urbaine “100% Made in Cameroon“. C’est pas un truc incroyable mais c’est en soi une petite victoire. Je voulais vraiment profiter de cette plateforme pour exposer les anglophones, les francophones, la diversité musicale des jeunes camerounais.. Mais je pense décliner l’offre, j’avais oublié à qui j’avais à faire, en fait.

Des gens qui, au lieu de réfléchir à comment transformer le début d’intérêt qu’on génère à l’international, sont plutôt affairés à discuter sur pourquoi ils ne sont pas sur le site X, pourquoi telle personne n’est pas mise en avant, pourquoi telle parle parce qu’elle n’a pas un MBA spécialisé en “Culture camerounaise locale” et autres conneries. Du coup, j’ai l’air bien sotte à essayer de convaincre des décideurs (institutions culturelles, fondations d’entreprises etc..) ici qu’il faut parier sur la jeunesse sur place quand une partie d’entre elle est trop occupée à se regarder le nombril… Non. En fait, trop occupée à se faire mousser, à clamer être dans le vrai, à avoir des critiques aussi dérisoires que leurs capacités d’étendre leur réflexion sur le sujet. Et quel est le sujet d’ailleurs ? Qu’est-ce qui compte ? Que des artistes camerounais soient présents à des endroits où on devrait les voir (et où ils sont absents pour la plupart) ou la personne via qui cela se fait ? Qu’on donne envie à d’autres de découvrir notre culture (peu importe le moyen) ou qu’on continue à chialer comme des fillettes à qui on a volé le goûter à l’école ?  La tragique histoire du sage qui montre la lune et de l’imbécile qui regarde le doigt et fait quasiment une fixation dessus.

Rien qu’un site comme NJOK reçoit près de 150 sons différents par JOUR, et uniquement d’artistes nigérians. Imaginez donc tout ce qu’on reçoit d’autres artistes africains. J’ai voulu faire un peu de discrimination positive en postant en priorité les camerounais autant que je pouvais, mais franchement, j’aurais dû m’arrêter aux angolais/kenyans/ghanéens et autres. Quand je vois ce que les artistes naija sont prêts à faire pour être sur le site et à quel point ils sont humbles, je me demande vraiment ce qui ne marchent pas chez certains au Cameroun. C’est franchement décourageant et navrant que les gens que vous souhaitez propulser ou avec qui vous souhaitez travailler, que vous les connaissiez personnellement ou pas, soient les premiers obstacles que vous rencontrez. L’Absurde dans toute sa splendeur. Encore plus absurde que ce soit maintenant MOI, celle qui voulait mettre le Cameroun en avant auprès d’influenceurs, qui me retrouve à le critiquer voire boycotter auprès de ces mêmes personnes. Et je parie que beaucoup sont passés par là avant moi.

J’ai parfois la tête dure quand je suis convaincue de quelque chose. Ce fût encore le cas quand je discutais avec S., avec E., avec B. et avec d’autres qui ont essayé de faire quelque chose à leur niveau et ont abandonné. “Pourquoi tu veux gaspiller ton énergie ? Laisse-les dans leur merde !“. Et ça c’est la phrase la plus “gentille” que j’ai eu à entendre sur le sujet. J’étais la première à leur dire d’arrêter de généraliser, qu’il faudrait qu’ils arrêtent de réfléchir en “Diaspora vs Locaux” et d’avoir une vision plus inclusive. Oh boy, i was wrong & they were absolutely right.

Booouuuuuuh la diaspora, les méchants des internets qui parlent sans autorisation, bouuuuuh !” - “De quoi se mêlent-ils, eux ? Ils sont un petit cercle fermé d’amis qui s’encensent les uns, les autres..” Mais gros LOL. Parce que sur place, VOUS n’êtes pas un petit cercle d’amis qui se passent des services, se placent les uns, les autres dans les médias, sur le web ou dans les concerts ? Vous n’êtes pas un petit cercle qui fait les mêmes soirées, dans les mêmes boîtes, avec les mêmes invités ? Non, bien sûr. Vous êtes sur le terrain, ça vous met par définition à l’abri de toute critique même quand vous faîtes n’importe quoi au vu et su de tous. Que pensais-je ? Lol. Je parie que si certains  membres de vos prétendues “cliques” étaient souvent mis en avant, on vous entendrait moins, right? Enfin bon, on ne va pas réinventer la roue. J’ai juste une pensée pour ceux qui m’ont prévenue, je sais qu’ils lisent ceci et vont m’appeler dans la minute avec un “Je t’avais dit quoi ?”. Dé-so-lée, vous aviez raison, je change mon discours sur le sujet. Je crois que la prochaine fois que je vais encore entendre quelqu’un se plaindre sur le manque de synergie dans le domaine de la “culture” au Cameroun, j’aurais deux ou trois choses à lui dire. Pour le reste.. quand vous aurez fini de voir les uns et les autres comme des ennemis qui vous grappillent un marché qui n’existe même pas en tant que tel (LOL), vous savez où me trouver.


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