Magazine Poésie

[anthologie permanente] Ronald Johnson

Par Florence Trocmé

Evocations 
 
« Dresse-toi et endosse ton feuillage.» 
 
Viens, comme le Chevalier Vert à Gauvain au début 
de la nouvelle année… 
 
hors de son creux chêneux : 
claret chante coucou ! 
 
Bouge à vitesse printanière & végétale, 
cosse & bardane & herbe frissonnante, bosquet… vocal dans le vent… 
 
(« le bruissement des feuilles et 
les chants d’oiseaux indiquant sa présence ici ») 
 
coucou ! 
 
(« en ce jour nous à ton 
signal les nommerons Hommes Verts, tout couverts d’os verts ») 
 
coucou ! 
 
(« j’écoutai le coucou dans le lierre grimpant, 
j’ai écouté les notes des oiseaux 
 
à la crête du chêne bruissant, 
le clair coucou ») 
 
coucou ! 
coucou ! 
 
Dresse-toi comme soleil : cornu de cerf… 
barbu de verdure… l’artère feuillue pulsant 
 
dans ta gorge. Bourgeonnant entier de flammèches, & bigarré  
d’oiseaux dans tes bras & cheveux. « Dresse-toi, 
 
& endosse ton feuillage ! » 
 
 
Extrait de : Ronald Johnson : The Book of the Green Man, 1967. Réédition Light and Dust 2001. Traduit de l’anglais (américain) par Jean-René Lassalle. 
 
 
Evocations  
`Rise, and put on your foliage'.  
Come, as the Green Knight to Gawain at the beginning
of the new year. . .  
out of his oaken crevice:
lhude sing cuccu!  
Move with a spring & vegetable swiftness,
seed-case & burr & tremulous grasses, a grove. . .vocal in the wind. . .  
(`the rustling of the leaves and
the songs of birds denoting his presence there')  
cuckoo!  
(`at thes day we in ye
sign call them Green Men, covered with green bones')  
cuckoo!  
(`I have listened to the cuckoo in the ivy-tree,
I have listened to the note of the birds  
in the crest of the rustling oak,
loud cuckoo')  
cuckoo!
cuckoo!
 
Rise as the sun: antlered. . .
bearded with greenery. . .the leaf-vein pulsing  
in your throat. Budded all over with small flame, & motley
with birds in your hair & arms. Rise,  
& put on your foliage!
 
 
Extrait de : Ronald Johnson : The Book of the Green Man, 1967. Réédition : Light and Dust 2001. 
 
 
 

Travée 30 : Le Jardin 
 
 « Faire comme Adam fit » 
à travers l’éclat fluoré du crépuscule Mercure en périhélie 
(trois rotations précises pendant 
deux révolutions autour du soleil) 
jusqu’au pied de Pluton redresser la pente à chaque plan 
et construire un jardin du cerveau. 
 
Éternités interconnectées, entrecoupées 
de cyprès 
fendent l’air encerclé autour des mille pommes exhibées. 
Niches au point de flamme orbent en pivot d’orbe, les Muses s’élancent au centre 
tournant. Phospheros arborescens elles chantent 
du sens 
 
les cristallines clartés sonnées 
à en faucher genoux 
(ou écarlate rose trémière sur un proche ciel bleu). 
Le plein œil point ne décèle de fin aux fontaines perdues entre les fourrés. 
Etoiles fixes 
engorgent lilas de lucioles. 
 
Le divin est délicat marteleur. 
Ruche d’or sur grise matière 
Il tape synapse (« portant vers » « emportant vers ») 
immense pigne de bronze maillée de lune sur un horizon 
d’ensoleillés jets d’eau, peupliers argentés. Tous 
troublés dans étang. 
 
Littéralement un ruissellement : 
forme-prend-main- 
-pour-forme 
(Cela Qui Nous Saisit) 
pilier après pilier la grande arche de danse dans tout ce qui 
est ou était ou sera, à 3 temps. Ce sera une clairière 
en amont d’un courant 
 
et un gnomon résonnant avant de déployer espaces radiodiffusant 
essaims de résiliences dans l’atmosphère 
d’où nous sommes – 
ou fûmes. 
ou serons, quand le composite esprit 
humain sera célébration. 
 
Les cloisons, qui bloquaient les ailes 
d’un houx multiniveaux, s’ouvrent 
sur cavernes d’atomes échangeant leurs zéniths 
de mouvement périodique, vaste glissement hélicoïdal : 
voûtement d’artères 
battant leurs têtes contre l’obscur. 
 
Ceci est le corps de lumière. 
 
Verticalement en accord chromatique arpégé 
- élision élyséenne –  
j’avais bâti, dans un rêve, un palais, un château, ou des 
grottes 
au long des lignes de la vision. 
Cher Jardin : 
 
c’est ainsi que commence le monde, commence le mot. 
À travers l’ici 
où croissent ensemble le galax et l’aster, 
j’ai planté l’Ombre qui illumine le Champ des Scintillants 
Opposés : 
ange arc-en-ciel 
 
flocons de neige 
J’ai entrepris un temple comme si hiérarchies de musique 
battaient contre un temps devenu adagio, c’est l’Étang Secret où nous 
retournons, non à la pierre 
mais au monde derrière son humain 
miroir. 
 
Ainsi commence le mot, commence le monde, 
arrachant l’ancien ineffable à la fabuleuse girafe blanche de Bosch 
- ou St Rousseau 
résolue symétrie de moustache. 
L’amour même est manière de mirage nidifiant 
le tout. Autour d’un centre 
 
dont personne ne voit l’extrémité, au Puits du Sans-Fond, 
j’ai placé des parallèles de gardiens radieux 
« accompagnant le trille 
du Rossignol, 
et l’appel de la caille d’Europe » 
comme en La Pastorale. 
 

(Soussigné) LE JARDINIER 
 
 
P.S. 
« Je l’ai réfracté par prismes, et reflété dans des Corps qui au Jour prenaient d’autres couleurs ; je l’ai intercepté par le film coloré de l’Air, interposant deux plaques de verres compressées ; l’ai transmis au travers de Médiums colorés, et dans des Médiums irradiés d’autres sortes de Rayons, puis l’ai diversement interrompu ; et jamais ne pus en produire une seule nouvelle couleur. Mais le plus surprenant, merveilleuse composition, en était   
 
la Blancheur. » 
 
 
Extrait de : Ronald Johnson : ARK, 1996. Réédition : Flood, 2013. Traduit de l’anglais (américain) par Jean-René Lassalle. 
 
 


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