Les médecins et le vin en 1907

Par Mauss

Un mien ami, bibliophile sérieux, me communique un opuscule écrit par un certain Docteur Octave SIROT et imprimé en 1907 à Dijon. Imprimerie Jobard.

Une lecture, on s'en doute, que pour les passionnés d'histoire, et pour ceux qui s'intéressent à ce qu'on peut résumer sous le mot "bio".

Reproduction fidèle et donc le français utilisé n'est pas forcément celui qui fait loi dans nos écoles de la république. J'ai respecté les passages en italiques et oui, en 1907, Chamonix devait probablement s'écrire Chamouny.

Docteur Octave SIROT 

Les Médecins sont-ils parmi les causes de la mévente des vins? 

DIJON

IMPRIMERIE JOBARD

Place Darey, 9 

1907

I

MM. les négociants en vins, propriétaires, vignerons, nous accusent, nous, médecins, d'être parmi les causes de la mévente des vins.

«Si vous ne défendiez pas il vos malades et surtout aux bien portants de boire du vin, si vous ne lui faisiez pas la guerre, on en vendrait davantage. Vous jetez sur lui une sorte de discrédit et cependant on a toujours bu du vin, il n'a jamais fait de mal, sauf en excès. C'est, au contraire, une boisson hygiénique reconstituante. »

Ces messieurs vont plus loin, ils prétendent que l'ancien caractère gai et bon enfant du Bourguignon était dû au vin de Bourgogne.

Je suis de leur avis pour tous éloges qu'il leur plaira d'adresser au jus du raisin d'autrefois, mais ils parlent d'hier alors qu'il s'agit d'aujourd'hui.

Autrefois (et il n'y a pas encore bien longtemps) on buvait le jus du raisin de vieux ceps acclimatés depuis longtemps, jus recueilli dans des fûts, puis mis en bouteille, tout simplement.

Ce jus provenait de terrains exempts de toute drogue surajoutée et souvent même le fumier nécessaire restait pour mémoire. Il fait perdre au vin s'on bouquet, disaient les uns, il donne trop de feuilles, disaient les autres. On se donnait volontairement et avec complaisance ces prétextes pour éviter les dépenses nécessitées par les fumures, La vigne devait rapporter et rien coûter.

Ce jus n'était donc que la résultante de ces vieux ceps acclimatés et des qualités d'un sol que je dirai vierge de toute adultération pouvant avoir une action fâcheuse quelconque.

Ce jus mettait la bonne humeur au cœur autant que dans la tête et alors même qu'on en avait trop bu, le mal aux cheveux classique du lendemain se faisait peu sentir, il peine avait-on un peu de xylostomie.

Le vin se conservait indéfiniment dans les caves et c'était de derrière les fagots qu'on allait chercher la bonne et vieille bouteille en maillée de toiles d'araignée.

Aujourd'hui, les conditions sont changées. Du cep à la bouteille, raisin et jus ont subi certaines préparations destinées à en faire un breuvage potable, car ce jus n'est plus le produit d'un sol vierge et d'un cep acclimaté, autochtone, mais d'un cep nouveau, hétéroclite, cosmopolite, international, transplanté dans un sol adultéré paf toute une série de produits toxiques.

Ce jus n'a plus de corps pour se conserver, il n'a plus de vigueur pour résister aux attaques de ses ennemis et il a fallu appeler à son aide tout l'arsenal de la chimie, sous forme de Stations dites Œnologiques.

Anémié, sans vigueur, sans résistance, sans réaction, ce vin débile ne pouvait plus lutter par lui-même : c'était la faillite. Le laboratoire vint à son secours.

Ce liquide ne fut plus alors le pur jus de la vigne, il devint mixture de laboratoire.

 II

Si, au point de vue médical, on examine les résultats de l'action de ces nouveaux vins pris en excès, que voit-on chez le buveur surexcité?

La bonne humeur au cœur, le bon mot, la repartie aiguisée, quelque peu salée, la gaieté, le bonheur de vivre, comme autrefois? Hélas! non.

L'homme est triste, il devient querelleur, grossier, tous les mauvais instincts semblent se réveiller en lui, il apparaît dans toute sa hideur morale comme le plus infect de tous les animaux et le lendemain il est malade, la céphalalgie, la xylostomie sont terribles, les membres sont brisés et comme travail intellectuel ou physique il ne faut plus rien demander à ce cerveau et à ce corps courbaturés, vidés, annihilés.

Si de l'excès nous passons à un usage régulier et modéré, que voyons-nous?

Un malade se présente à la consultation.

-   Docteur, je souffre de l'estomac, je digère mal, j'ai des sensations de chaleur, de brûlure, l'haleine chaude, la bouche mauvaise, souvent de la diarrhée. Cela m'est pénible.

Après avoir questionné pour établir un diagnostic et une opinion fermes, vous faites l'ordonnance suivante:

Pendant dix jours supprimer le vin d'une façon absolue; le remplacer par l'eau naturelle la où il y a de la bonne eau, par l'infusé léger de camomille là où l'eau est douteuse;

Prendre le soir en se couchant un grand verre d'eau très chaude sucrée;

Ne rien changer au régime habituel et revenir dans dix jours.

Le malade revient et vous annonce gaiement qu'il va bien. Vous l'engagez alors à supprimer définitivement le vin et s'il vous écoute, adieu la gastralgie et son cortège; s'il retombe dans son ancien errement, il revient ennuyé, avoue son écart de régime; sur vos conseils, il reprend son traitement et guérit à nouveau.

Il en est de même pour certaines entérites chroniques, pour certains états hémorroïdaux qui coïncident et sont entretenus par l'usage du vin, pour certaines céphalalgies matutinales, pour certains états nerveux spéciaux dont l'irritation morbide retentit sur l'irritabilité du caractère.

Je cite ces faits sans m'étendre pour les avoir constatés moi-même cliniquement.

La conclusion pratique de ces constatations cliniques est facile il tirer. Notre devoir est de prescrire et recommander tout ce qui peut être utile il la santé, de prohiber sans pitié ni considération de personnes tout ce qui peut être nuisible. Dans ce deuxième cas, nous agissons avec d'autant plus de désintéressement que nous agissons contre nos propres intérêts: plus il y a de malades, plus il y a profit pécuniaire. 

III

Hier et aujourd'hui ne se ressemblent donc pas,  et cet aujourd'hui nous a paru d'autant plus intéressant à examiner que sa cause initiale ayant été le Phylloxera vastatrix, il existait entre cet insecte et le bacille de la tuberculose une grande analogie d'interprétation thérapeutique.

Les viticulteurs ont commis sur le phylloxéra la même erreur de traitement que les médecins lors de la découverte du bacille de Koch,

Sus au microbe, sus au bacille, ont crié les princes de la science enchantés d'avoir sous la main une nouveauté sensationnelle qui pût être exploitée et faire du bruit sur leurs noms.

Sus au microbe! Ils inventèrent la lutte corps à corps avec le bacille, et sous leur signature firent publier de nouvelles méthodes pour tomber le nouvel adversaire,

Injections intra-parenchymateuses de bichlorure de mercure, de nitrate d'argent, de glycérine phéniquée, de permanganate de potasse, de teinture d'iode, d'iodoforme; inhalations et vaporisation d'iodure de potassium, d'iode, d'iodoforme, d'acide phénique, fluorhydrique; pilules de toutes sortes, créosote, créosotal, gaïacol, etc. (la quatrième page des journaux continue encore aujourd'hui d'en publier l'inépuisable nomenclature); toute la gamme thérapeutique fut employée pour arriver à quoi? A voir progresser la maladie avec une rapidité effrayante et il constater que le remède était pire que le mal, dans ses conséquences. Non seulement il ne guérissait pas, non seulement il ne ralentissait pas le mal, il l'activait !

L'amour de la nouveauté, de faire du bruit, en un mot l'amour de la réclame avait momentanément obscurci les esprits d'en haut, et le modeste praticien de province, en bon mouton de Panurge, avait suivi sans mot dire et sans oser protester, malgré les observations décevantes de sa pratique.

O puissance du Magister dixit ! 0 puissance du panache!

Mais allez donc lutter contre l'opinion publique à la remorque d'articles sensationnels parus dans un journal de Paris! Allez donc, vous médecins qui n'avez ni chaire pour émettre vos idées et vous faire entendre, ni internes pour publier vos louanges, allez donc lutter contre les opinions du prince!

Dans les premiers élans d'une lutte corps à corps, on n'avait oublié qu'une chose, réfléchir: réfléchir à un fait élémentaire, primordial, connu cependant de tous, à savoir que les êtres infiniment petits comme les plus grands, que les microbes comme les macrobes avaient tous été crées à l'origine des temps, qu'il était impossible de détruire ces infiniment petits, que leur existence dans les milieux ambiants, les circunfusa, était un fait permanent inéluctable, et que, si tous les humains n'en éraient pas victimes, cela tenait à la nature de leur constitution personnelle, de leur tempérament, en un mot, de leur terrain.

On avait oublié qu'un infiniment petit ne peut se développer dans un organisme que si ce terrain lui est favorable, s'il n'est pour lui un milieu de culture où s'exercera l'action de sa toxine.

De même qu'un grain d'orge déposé sur la pierre ne germera pas, de même que du blé abandonné dans un silo s'y conservera sans rien produire, de même qu'un grain de froment tombé sur une terre bien préparée donnera une belle hampe surmontée d'un épi bien rempli, de même il en est pour le corps humain.

L'erreur reconnue, on revint vite aux traitements favorisant la résistance organique; on relégua dans les arrière-boutiques pharmaceutiques les drogues maladicides et les conséquences de cette sage et logique évolution ne tardèrent pas à se montrer probantes.

Cette loi de la qualité et de la nature du terrain par rapport au développement microbien fut bientôt admise pour toutes les maladies microbiennes, et si l'on pensa à purifier l'air, ce fumier perenne, à mettre les malades et les bien portants à l'abri des contagions, on pensa surtout à rendre le terrain stérile, résistant, réfractaire, avec la conviction profonde que là seulement était le moyen de guérir les atteints et de préserver les bien portants.

Pour la vigne, la même erreur fut commise. Sus au phylloxera, prenez mon injection, mon baume souverain, prenez mon pulvérisateur, etc. Commissions d'enquête, d'étude, rapports suivis de bons dîners, de toasts, de décorations rouges, vertes, bleues, tout alla de l'avant, sauf la découverte du remède et toutes les vignes périrent, car vouloir détruire le phylloxéra, l'oïdium, etc., est une utopie de l'irréflexion.

Jamais l'homme ne détruira les infiniment petits dont le rôle voulu est un rôle de désorganisation transformatrice de la matière. Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme.

Que fera l'homme contre des êtres capables de produire en vingt-quatre heures des millions d'êtres semblables - 1 milliard 500 millions pour certaines espèces d'après les expériences de Cohn!

IV

Le phylloxéra avait fait son apparition ostensible non par génération spontanée, mais parce, que le sol étant appauvri la vigne elle-même offrait une résistance diminuée et que cet insecte jusque-là impuissant, ayant trouvé un excellent terrain de vie et de reproduction, prit une vigueur extraordinaire proportionnée à un développement numérique considérable.

Tel est le fait de toutes les maladies épidémiques quelles qu'elles soient, qu'elles se portent sur l'homme, les animaux, les végétaux. C'est ce qu'en médecine on appelle le génie épidémique, car de l'énergie acquise par les ferments sur les terrains de culture dépend la sévérité ou la bénignité de la maladie.

Ici la maladie fut sévère.

Le sol avait été anémié parce qu'on lui avait trop demandé. Tous les ans il donnait ses fruits, mais en revanche on ne lui rendait rien. On ne fumait même pas les vignes et cependant là où il y a dépense, il faut un apport sans lequel la faillite devient inévitable, et l'intrusion offensive de tous ces parasites, qui ne vivent que d'autrui, ne tarde pas.

Ainsi en arriva-t-il du phylloxéra suivi de l'apparition et du développement d'autres ennemis jusque-là peu offensifs et même ignorés. Chaque année n'amène-t-elle pas une triste découverte!

Les vignobles ravagés, il fallut les reconstituer. Que fit-on? Au lieu de penser à ce sol défaillant qui ne pouvait plus donner au cep anémié les sucs utiles, indispensables à sa résistance, au lieu de redonner à ce sol vidé les matériaux épuisés par de longues années de production, les pontifes de la viticulture, les théoriciens professionnels, charges officiellement de semer la bonne parole, imitèrent leurs collègues de la médecine. Ils attaquèrent directement l'ennemi, et en avant le sulfure de carbone, la bouillie bordelaise, bourguignonne, au permanganate de potasse; en avant les verdets, la bouillie « Eclair », les bouillies soufrées, l'arséniate de cuivre, l'acéto-arsénite de cuivre, l'arséniate de plomb. C'est par quantité véritablement considérable que ces produits toxiques furent répandus.

Entraînés par les eaux des pluies, ils tombent fatalement sur le sol qui les absorbe et où ils constituent un nouvel élément qui deviendra aliment ct aliment forcé.

La botanique va nous en fournir la preuve et l'explication.

V

Les racines sont pour la vigne les organes de l'absorption. La tige, les sarments sont les chemins qui mènent les sucs absorbes aux feuilles et aux fruits.

Les feuilles sont les poumons, les reins Je la vigne; elles servent à la respiration et à l'évaporation des liquides absorbés en excès.

C'est par les racines que la plante se nourrit. Celles-ci, plongées dans le sol, absorbent toutes les matières dissoutes et en contact avec les spongioles.

Ces matières sont de deux sortes: organiques et inorganiques.

Les matières organiques sont les substances végétales ou animales détruites et décomposées dans le sol en produits divers sous l'influence de l'eau, de l'air, de la température.

Ces produits nouveaux peuvent à leur tour, en agissant sur les sels insolubles, faciliter la dissolution de ceux-ci dans l'eau du sol.

Les matières inorganiques sont les sels solubles et insolubles, tels les phosphates, carbonates, silicates, etc.

L'absorption par les spongioles est aveugle. Elles absorbent aussi bien les matières nuisibles à la végétation que celles qui lui sont favorables.

De Saussure avait reconnu que le sulfate de cuivre, si peu favorable à la végétation, était un sel absorbé avec une incroyable facilité.

C'est précisément ce manque de discernement, ce manque d'action élective sur les matériaux d'absorption, qui donne aux fruits ce goût spécial dit de terroire [sic]. Les racines absorbant tous les principes solubles ou en solution et chaque partie de terrain ayant sa constitution, ses éléments propres ou ajoutés, l'absorption entraine ces matériaux dont les qualités se traduisent par une résultante: la saveur et les qualités du fruit.

Ainsi deviennent nouvel aliment, aliment forcé, aliment incorporé, tous ces nouveaux produits toxiques déversés si abondamment à la surface du sol des vignes.

VI

Ici se présente une objection: si le raisin et comme conséquence son jus le vin sont intoxiqués par ces nouveaux produits introduits dans le sol, on doit les retrouver à l'analyse du vin; or, on ne les retrouve pas ; donc vous faites erreur.

A cela nous répondrons: parce que dans un produit physiologiquement élaboré on ne retrouve pas les substances toxiques qui ont servi à cette élaboration, est-ce une raison pour que ces substances n'existent pas sous une forme nouvelle capable de produire les mêmes toxiques? Non, et en voici une preuve-type dans le miel des abeilles. - Il en est d'autres tirées des phénomènes de nutrition et d'utilisation des matériaux absorbés, mais nous tenons à donner de préférence une preuve palpable, expérimentale.

Nous savons tous que les abeilles sucent le suc secrété par les nectaires des fleurs; que ce suc absorbé est élaboré dans leur premier estomac, puis régurgité des gâteaux sous forme de miel.

Ce produit végétal, devenu animal, varie de couleur, d'arôme, de goût suivant les provenances.

Le délicieux miel du mont Hymette est liquide et transparent, celui des Baléares est noir. Le miel de Narbonne, de la vallée de Chamouny, a une saveur très agréable, due aux labiées (romarin, thym, lavande, sauge, etc. ).

Par opposition à ces miels renommés, miels toxiques dont les effets, après absorption par l'homme, correspondent aux effets produits par les plantes vénéneuses où ils ont été recueillis.

Le miel provenant du paullinia australis a produit sur  A. de Saint-Hilaire, à la dose d'une cuillerée à café, un délire de plusieurs heures qui ne cessa qu'après un vomitif et une abondante absorption d'eau chaude.

Une ivresse furieuse est la conséquence du miel de l'azalea pontica, du rhododendron ponticum, du menispermum cocculus.

Vomissements, convulsions, mort, sont le résultat du miel de l'andromeda mariana, des kalmia,

Le miel recueilli sur l'aconitum napellus et l'aconitum lycoctonum n'a-t-il pas intoxiqué deux jeunes vachers suisses, comme l'auraient fait les plantes elles-mêmes? L'un d'eux fut sauvé, après convulsions, délire, vomissement de matières verdâtres, forte diarrhée ; l'autre mourut en rendant par la bouche une écume sanglante (Seringe).

Voilà des faits positifs, indiscutables.

A-t-on trouvé dans ces miels, après leur élaboration dans l'estomac des abeilles, les principes toxiques de ces plantes? Non, et pourquoi? Parce qu'il y a eu transformation des matériaux sous l'influence de forces biologiques, qui ont changé le produit tout en lui laissant sa toxicité.

Il n'y a donc rien d'étonnant il ce que ce même fait se passe pour la vigne, le raisin, le vin, et que dans ce dernier, on ne retrouve pas à l'analyse les produits toxiques puisés dans le sol et qu'un travail intra-organique biologique aura modifiés, tout en leur laissant leur toxicité.

L'objection est en somme plus apparente que réelle, et n'infirme en rien ce que nous avons avancé.

VII

Certains viticulteurs ayant fumé leurs vignes, même consciencieusement, prétendent que la fumure n'a apporté aucune amélioration.

Les terres ont été fumées, soit; mais croit-on parce que les terres sont fumées depuis quelques années, avec souvent un engrais douteux: tel le fumier de cheval à peine pourri et en poussière, que cela suffise pour rendre au sol ce qu'il a perdu en quinze, vingt, quarante et même cinquante ans, alors qu'en même temps on lui demande une production annuelle?

On lui donne juste le nécessaire pour subvenir aux frais de la récolte présente, comment réparera-t-il les pertes et déchets antérieurs?

Quand on est endetté, il ne suffit pas de faire face aux dettes courantes, il faut combler le déficit passé, sinon la dette reste comme avant.

De plus, en même temps que le fumier était employé, a-t-on cessé l'usage des toxiques dits préservateurs? Non. Or nous savons que les sels de cuivre sont contraires à la végétation; que, très solubles, ils sont facilement absorbés par les spongioles. Que fait-on, alors, en agissant ainsi? A côté du tonique, on donne l'anémiant: comment s'étonner que le tonique ne rende aucun profit! Et encore, ici, nous supposons des ceps bien portants, mais s'ils sont déjà ou victimes des parasites ou intoxiqués par les poisons ajoutes au sol, s'ils ont, par cela même, perdu de leur résistance, que restera-t-il de cette fumure ... ?

Pour réussir, le tout n'est pas d'agir, il faut faire le nécessaire et ce qui est rationnel.

VIII

Quand donc, nous, médecins, nous défendons de faire usage du vin d'aujourd'hui, nous ne faisons que mettre en garde contre un produit qu'une culture et une thérapeutique mal comprises ont dénaturé et transformé.

Que Messieurs les viticulteurs imitent donc la sagesse des médecins, qu'ils reconnaissent leur erreur, qu'ils abandonnent une lutte stérile contre des adversaires indestructibles, qu'ils reviennent à la saine idée du terrain, qu'ils reprennent leurs vieux ceps acclimatés, et alors, ce cep rajeuni puisant dans un sol sain et vigoureux une force saine et vigoureuse, ses ennemis trouveront une résistance au-dessus de leurs attaques et cesseront leurs ravages, pour le plus grand bien de tous.

Malheureusement, le sol anémié est déjà fortement intoxiqué et peut-être pour longtemps. Il devient donc urgent de remplacer au plus tôt le cuivre, l'arsenic et tous autres poisons par des engrais appropriés et sains, qui non seulement fourniront au sol le nécessaire pour le présent, mais lui redonneront ce qu'il a perdu, combleront les déficits et permettront à la vigne de retrouver, avec la force et la vigueur, les qualités si précieuses qui font du vin un breuvage agréable et reconstituant.

Je précise que ce docte docteur est également l'auteur d'une liste impressionnante d'opus dont je vous fais grâce en vous en citant seulement deux :

"De la ponction et du drainage dans la mastite". (Courrier médical) novembre 1886

"La grippe ou influenza est-elle une entité morbide , (Bourgogne médicale) septembre 1895

Mine de rien, il y a dans cette communication sur le vin quelques points qui méritent réflexion à un moment où tant de vignerons étudient une nouvelle approche de la culture de leurs vignes.

Merci à ceux qui ont lu jusqu'au bout : vous méritez quelques bons points, comme du temps de la communale :-)