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10 inconnu(e)s avec une vie hors du commun

Publié le 09 mars 2014 par Guy Deridet

Excellente chronique parue sur le site : http://www.axolot.info



Ching Shih

Le plus grand pirate de tous les temps était sans doute une femme, nommée Ching Shih. Au 18ème siècle, cette prostituée chinoise fut tirée de son bordel cantonais par le redoutable flibustier Cheng I. Lorsqu’il la demanda en mariage, Ching Shih, qui était aussi belle que dure en affaires, exigea la moitié des richesses de son époux. Et quand ce dernier mourut, en 1807, elle prit le contrôle intégral de sa flotte. Pendant 3 ans, Ching Shih eut plus de 50000 hommes et femmes sous son commandement, et plus d’un millier de navires. Sa flotte était aussi imposante que celle des plus grandes puissances mondiales, et aucun autre pirate dans toute l’histoire n’en eut de comparable. Ching Shih domina la mer de Chine, pillant les villages et neutralisant tous les vaisseaux de guerre qu’on envoyait contre elle. En 1810, le Portugal et la Chine décidèrent d’allier leurs forces pour soumettre Ching Shih. Mais pour prévenir le bain de sang qui s’annonçait, l’empereur de Chine proposa un arrangement à l’amiable à la reine des pirates : Ching Shih accepta d’abandonner ses navires et ses armes, mais à condition de pouvoir garder tous les trésors volés. Elle vécut encore 30 années après cette retraite anticipée, et mourut riche.

Phineas Gage

Phineas Gage bouleversa notre compréhension du cerveau, mais si ça n’avait tenu qu’à lui, il s’en serait sans doute passé. En septembre 1848, ce contremaître des chemins de fer est occupé à bourrer la faille d’un rocher avec de la poudre. Fort malencontreusement, il laisse tomber une barre à mine dans l’orifice, ce qui déclenche une violente explosion. La barre d’un mètre de long est propulsée hors de la roche et atterrit 25 mètres plus loin, non sans avoir traversé le cerveau de Gage. À la stupéfaction des médecins, il survit, mais son caractère change complètement : celui qui était connu pour être un homme honnête, fiable, et sérieux devient soudainement irresponsable, grossier et asocial. Licencié de son poste, Phineas s’essaie à divers boulots mais sa nouvelle personnalité lui vaut d’être mis régulièrement à la porte. Il se retrouve même exposé comme phénomène de foire au cirque Barnum en 1849. Il meurt le 21 mai 1860, à San Francisco, dans une spectaculaire série de convulsions. Le crâne de Phineas Gage fut exhumé 7 ans plus tard, et il fait encore aujourd’hui l’objet de recherches dans le domaine de la neurologie. Bien malgré lui, le malheureux contremaître transforma la perception que la science avait du cerveau et de ses différentes zones.

Adrian Carton de Wiart

Adrian Carton de Wiart était un dur. Un vrai. Le genre à faire passer Rambo pour une danseuse étoile. Né à Bruxelles en 1880, il quitte l’université à 19 ans pour s’engager dans l’armée britannique. Envoyé aussitôt en Afrique du Sud pour servir la guerre des Boers, il essuie une grave blessure au ventre, qui sera la première d’une longue série. Pendant la première guerre mondiale, alors qu’il commande plusieurs bataillons d’infanterie, Carton est blessé pas moins de 8 fois par balle. Touché deux fois à la tête, il perd son oeil gauche et un morceau d’oreille. Il perd aussi sa main gauche, dont il arrachera les doigts avec ses propres dents après qu’un médecin eut refusé de les amputer. Au début de la Seconde Guerre mondiale, Carton de Wiart est promu général de division. Son cache-oeil et sa manche vide lui donnent un air de pirate qui ajoute à sa légende. En 1941, âgé de 61 ans, il survit à un crash d’avion au large de la Libye, avant d’être capturé par des soldats italiens. Retenu dans un château médiéval en Toscane, il essaie de s’évader à 5 reprises en creusant des tunnels avec d’autres prisonniers. Il parvient à s’échapper une fois, déguisé en paysan, avant d’être repris au bout de 8 jours. Il sera finalement relâché en 1943 par les italiens, qui lui font négocier un traité de paix avec les britanniques. Le vieux dur à cuire continue ensuite ses aventures en Chine, où il devient représentant de Churchill auprès de Tchang Kaï-chek, puis en Birmanie, où il se brise le dos par accident en glissant sur une natte. Les médecins profiteront de son hospitalisation pour lui retirer une impressionnante quantité de shrapnel, vestige de ses vieilles batailles. Malgré toutes ses blessures, Adrian Carton de Wiart ne s’éteindra que bien des années plus tard, en 1963, à l’âge honorable de 83 ans. Pour décrire la Première Guerre mondiale, il eut cette phrase, qui peut également résumer sa vie : « Franchement, j’ai adoré la guerre. »


Thomas Midgley

Thomas Midgley était un chimiste américain qui souhaitait sans doute rendre le monde meilleur, mais qui finit par endommager la planète comme aucun génie du mal n’aurait osé en rêver. En 1911, son diplôme d’ingénieur mécanicien en poche, il est recruté dans les laboratoires de General Motors. La célèbre multinationale cherche à l’époque un moyen d’empêcher les moteurs à combustion de « frapper ». Midgley découvre qu’en ajoutant du tétraéthylplomb dans l’essence, les moteurs tournent de façon plus fluide, et General Motors commercialise alors cette nouvelle essence plombée par millions de litres. Le détail gênant, c’est que le plomb est un poison violent, et qu’il se retrouve libéré en masse dans l’atmosphère. Des milliers de personnes à travers le monde ne tardent pas à en subir les conséquences, à commencer par les ouvriers de General Motors. Midgley lui-même est intoxiqué, mais il n’hésite pas à se montrer rassurant devant les journalistes en se frottant les mains avec l’essence qu’il à conçue. Il faudra attendre le début des années 2000 pour que le carburant au plomb soit retiré du marché, après que sa nocivité sur l’environnement eut été prouvée. Suite au scandale de son invention, Thomas Midgley décide de se pencher sur un autre problème à la fin des années 1920 : celui des gaz toxiques contenus dans les réfrigérateurs de l’époque, et dont les fuites provoquent de nombreux décès. En cherchant une alternative, il met au point le fréon, le premier des CFC (chlorofluorocarbures). Son invention est un succès, et pour prouver que cette substance révolutionnaire est sans danger, le chimiste en inhale en public. On ne connaitra les réels effets des CFC que dans les années 1970, en découvrant un grand trou dans la couche d’ozone. Selon l’historien John R. McNeill, Thomas Midgley eut plus d’impact sur l’atmosphère qu’aucun organisme vivant dans l’histoire du monde. Il mourut en 1944, quand son génie involontairement destructeur finit par se retourner contre lui : atteint de poliomyélite, il avait fabriqué un système complexe de poulies pour sortir plus facilement de son lit. On le retrouva étranglé dans ses propres câbles.

Hedy Lamarr

Hedy Lamarr était une des actrices les plus mythiques de l’age d’or d’Hollywood. Surnommée la plus belle femme du monde, elle aurait été la maîtresse d’Otto Preminger, Charles Chaplin, Orson Welles, Clark Gable ou encore Spencer Tracy. En 1933, âgée de 19 ans, elle provoque un émoi international en jouant complètement nue dans ce qui est considéré comme la première scène de sexe de l’histoire du cinéma, dans le film « Extase ». Mais le plus étonnant à propos d’Hedy Lamarr, c’est que parallèlement à sa carrière cinématographique, elle était une inventrice passionnée de science. Avec son ami le compositeur George Antheil, elle déposa le brevet d’un système de codage des transmissions appelé « étalement de spectre », qu’elle proposa pour le radio-guidage des torpilles américaines durant la Seconde Guerre mondiale. L’armée n’accepta pas cette technique, probablement frileuse à l’idée d’utiliser une invention mise au point par une actrice d’Hollywood. Mais la technologie d’Hedy réapparut dans le domaine militaire au cours des années 60, quand des ingénieurs réalisèrent à quel point le principe était brillant. Aujourd’hui, son invention est à la base des systèmes GPS, du Wi-Fi, et des communications téléphoniques sans fil. Un peu comme si soudainement, Scarlett Johansson inventait la téléportation…

Mad « Jack » Churchill

Le lieutenant colonel John Malcolm Thorpe Fleming (dit « Jack ») Churchill était un soldat anglais qui traversa la Seconde Guerre mondiale armé d’un arc et d’une épée. Il est connu pour cette invraisemblable devise : « tout officier qui part au combat sans son épée n’est pas armé correctement ». En 1940, lors d’une attaque menée contre une patrouille allemande, Churchill devint l’unique soldat britannique à avoir tué un ennemi avec une flèche au cours de cette guerre. En 1941, lors d’une opération en Norvège, Churchill joua un morceau de cornemuse sur le champ de bataille avant de se jeter corps et âme dans le conflit. En 1944, lors d’un raid qu’il dirigea en Yougoslavie, Churchill fut capturé et transféré en camp de concentration. Il parvint à s’échapper, fut recapturé, puis s’échappa à nouveau en 1945. A la fin de la guerre, Churchill exprima son mécontentement de la voir s’arrêter aussi tôt. Un an plus tard, il joua le rôle d’un archer dans le film Ivanhoé, puis il reprit du service dans l’armée en 1948. Lors d’une opération en Palestine, il fit évacuer 700 médecins, étudiants et patients d’un hôpital de Jérusalem. Au cours des années 50, il se prit de passion pour le surf, et dans un coup d’éclat surréaliste qui s’inscrivait dans la droite lignée de sa carrière militaire, il fut le premier homme à surfer le mascaret de la rivière Severn en Angleterre. Il mourut paisiblement à l’âge de 89 ans, couvert de médailles pour ses nombreux faits de guerre.

Tsutomu Yamaguchi

Il y a ceux qui sont persuadés que le sort s’acharne contre eux, et puis il y a Tsutomu Yamaguchi. Le 6 août 1945, il se trouve à Hiroshima pour affaires, lorsqu’une bombe atomique pulvérise malencontreusement la ville. Tout est réduit en poussière dans un rayon de 2 km, et 140 000 personnes périssent dans l’explosion. Tsutomu à les tympans crevés, son corps est partiellement brulé, mais il parvient à trouver un abri, et survit. 3 jours plus tard, bien qu’il soit couvert de bandages et qu’il vienne d’essuyer la première offensive nucléaire de l’histoire de l’humanité, Tsutomu retourne au travail, car c’est un homme consciencieux. Son bureau se trouve à Nagasaki. Alors qu’il est en train de décrire la scène d’apocalypse qu’il à vécu à son supérieur dubitatif, une seconde bombe s’abat sur la ville, faisant cette fois ci 70000 victimes. Tsutomu mourut, mais 65 ans plus tard, le 4 janvier 2010, à l’age de 93 ans. Il est la seule personne officiellement reconnue comme ayant survécu à 2 bombes atomiques.

Dashrath Manjhi

Si l’on devait faire une allégorie de la détermination, Dashrath Manjhi serait probablement un modèle judicieux. En 1967, cet indien vit un drame : sa femme blessée a besoin de soins médicaux urgents, mais le médecin le plus proche de leur petit village de Gelhour se trouve à 70km. Incapable de parcourir la distance à temps, il perd son épouse ce jour-là, dévasté par le chagrin. Mais Manjhi décide de transformer cette souffrance en motivation. Il réalise que sa femme est morte à cause des collines rocheuses de Gehlour, qui forcent les villageois à faire un immense détour pour pouvoir atteindre la ville d’Atri. Bien décidé à ce que personne d’autre ne subisse son malheur, Dashrath Manjhi se lance dans une entreprise improbable : muni d’un marteau et d’un burin, il commence à creuser la montagne pour réduire la distance. Les gens le croient fou, mais Dashrath continue jusqu’à ce qu’il atteigne l’autre versant. Au total, il creusera un chemin de 110m de long sur 9m de large, réduisant ainsi la distance entre son village et Atri de 55km à… 15km. Dashrath Manjhi acheva son exploit en 1988, après 22 ans d’efforts ininterrompus. Lorsqu’il mourut à son tour en 2007, à l’âge de 80 ans, il eut des funérailles nationales, et 3 films furent inspirés par celui que les indiens nomment aujourd’hui le « mountain man ».

Frano Selak

Selon le point de vue, Frano Selak est l’homme le plus malchanceux de l’histoire, ou le plus veinard. En 1962, il est à bord du train Sarajevo-Dubrovnik lorsque celui-ci déraille et plonge dans une rivière gelée. 17 personnes meurent dans l’accident, mais Frano s’en tire avec un bras cassé. Un an après, alors qu’il voyage en avion pour la première fois, la porte de l’engin s’ouvre en plein vol. Frano est propulsé dans le vide, et il survit à nouveau en atterrissant dans une botte de foin. En 1966, il prend un bus qui finit également dans une rivière. Trois personnes se noient, Selak s’en sort avec des blessures légères. En 1970, sa voiture prend feu alors qu’il est sur l’autoroute, mais il parvient à s’enfuir juste avant que le moteur n’explose. En 1995, il se fait renverser par un bus à Sarajevo, et il s’en tire évidemment encore une fois. La série noire s’arrête finalement un an plus tard, quand Frano se fait percuter de plein fouet par un camion de l’ONU alors qu’il conduit sur une route de montagne. Sa voiture va s’écraser au fond d’un ravin, mais le Croate parvient à sauter du véhicule pour s’agripper à un arbre. Cet effroyable karma semble s’inverser le jour ou Selak achète son premier billet de loterie, et gagne 740 000 €. Il achète une villa luxueuse sur une île dans laquelle il s’installe avec sa femme, puis décide dans une fulgurante prise de conscience que le bonheur ne s’achète pas. Il revend alors la maison, donne tous ses gains à ses proches, et retourne s’installer dans son petit village de Croatie. Il y vit encore aujourd’hui, à plus de 84 ans, et comme la mort a probablement dû abandonner tout projet contre lui, il devrait y rester encore longtemps.

James Harrison

L’histoire suivante est celle d’un super héros dont le principal pouvoir consiste à ne pas craindre les piqûres. En 1949, alors qu’il avait 13 ans, l’australien James Harrison dut subir une chirurgie cardiaque afin de se faire retirer un poumon. Au cours de l’opération, très importante, on lui transfusa 13 litres de sang. James resta 3 mois à l’hôpital, et durant cette convalescence, conscient qu’il devait la vie aux donneurs, il se fit un serment : dès qu’il aurait atteint la majorité, il donnerait régulièrement son sang. Ce fut sans doute la meilleure décision de sa vie, car il se trouve que le sang d’Harrison contient un antigène très rare capable de sauver les bébés souffrant de la maladie de Rhésus, une forme sévère d’anémie. En donnant sa précieuse hémoglobine plus de mille fois en 56 ans, on estime que cet homme au bras d’or a sauvé environ 2 millions d’enfants. A 70 ans passés, non seulement James Harrison continue à donner son sang, mais les études menées sur lui ont permis de mettre au point un vaccin. Qu’est-ce que tu penses de ça, Batman?


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