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Paris 18 : Place au peuple !

Publié le 18 mars 2014 par Despasperdus

Chaque landernau porte son lot de particularités locales et de vérités universelles, même dans le 18ème arrondissement de Paris.

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Avant d'entrer dans le vif du sujet, je dois avouer que suis tellement dégouté par les divisions au sein du Front de Front de gauche que je n'ai pas pris part à la campagne.

Le 18ème arrondissement compte plus de 200.000 habitants et le plus fort taux de logements sociaux de la capitale. Il subit de plein fouet à la fois le phénomène de gentrification et de ghettoïsation avec ses quartiers bourgeois (Abbesses, Montmartre) qui deviennent des musées à ciel ouvert où les boutiques de luxe remplacent les commerces de bouche, ses quartiers en cours de transformation sociale (Marx Dormoy) et son quartier pauvre, la Goutte d'or où les pouvoirs publics n'apportent qu'une réponse répressive.

Dans cet arrondissement, toujours populaire, les loyers dans le secteur privé sont devenus prohibitifs. Pour les classes moyennes "moyennes", il ne reste plus que la possibilité d'acheter son logement pour devenir le locataire de son banquier durant une à deux décennies. Pour les classes populaires, c'est soit l'exil en banlieue, soit le logement social avec un peu de chance.

A l'instar des villes qui subissent les politiques austéritaires, les ravages du néolibéralisme n'épargnent aucun quartier. L'extrême pauvreté sévit en France et dans le 18ème. A quelques 50 mètres du local du PCF et à 200 mètres de la mairie, entre deux établissements scolaires, et au milieu d'un croisement, "s'élève" la canadienne d'un SDF qui vit là, presque en permanence, depuis près de 8 ans, voire plus ! Hormis, la très touristique Abbesses, toutes les stations de métro de l'arrondissement comptent chacune à l'année près d'une dizaine de SDF. Heu, le changement, c'est maintenant ?

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Le décor planté, vous constaterez que la politique, telle qu'elle se pratique ici, ressemble à un cirque, complètement hors-sol, où les questions essentielles sont rarement mises sur la table.

La droite se présente divisée. Les places sont rares et chères, le bal des égos fait rage.

Honneur à une élue exemplaire qui présente une liste dissidente de droite, en l'occurrence, la conseillère de Paris, Roxane Decorte, ancienne égérie de Philippe Seguin. Son exclusion de la liste officielle de l'UMP, malgré son soutien à NKM durant les primaires, n'est pas une surprise : Roxane a été rattrapée par la police ! En décembre 2011, elle a été condamnée pour abus de confiance à une peine de quatre mois de prison avec sursis et 6 000 euros d’amende. En l'espèce, elle a détourné plusieurs dizaines de milliers d’euros d’une association d’aides au maintien à domicile des personnes âgées ((ARA18), dont elle était présidente « bénévole ».

Mais voyons, soyons sérieux, ce n'est pas un banal abus de confiance probablement dû à une erreur de comptabilité, voire à un bug informatique du logiciel de trésorerie, qui empêche l'intéressée de battre le pavé et d'être interviewée avec son habituelle tenue bleue (compte-elle succéder à Michou ?), ni d'être soutenue par des commerçants qui publient un sac à pubs locales sur papier glacé avec des messages subliminaux, et encore moins de motiver des gus pour distribuer ses tracts ! Et, ce sont ces notables, forcément respectables, qui se plaignent de l'impunité des délinquant-e-s et du laxisme de la justice ! Misère, misère !!!

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Son meilleur compagnon ennemi est le candidat officiel de l'UMP, le sémillant Pierre-Yves Bournazel, cumulard de son état malgré son jeune âge. Pierrrrrre-Yves est si ambitieux qu'il a concouru dans les très démocratiques primaires de l'UMP. En toute objectivité, vous me connaissez, Pierre-Yvvvves est la caricature du VRP dynamique et encravaté. Pierre-YYYves incarne le changement : rien de moins ! D'ailleurs, Juppé s'est déplacé en personne pour le soutenir ! Pierre-YYYYYves est l'archétype du jeune loup néolibéral en mission sur une terre de gauche où le Front de gauche a obtenu plus de 15 % des voix à la dernière présidentielle. Avec ses jeunes et surtout vieux pop, Pierre-YYvvees est omniprésent sur les marchés avec une revendication puissante : Pierre-Yveees milite pour une police de proximité que Sarkozy s'est employé à supprimer ! Décidément, Pierre-Yvvves ne s'embarrasse de détails !

Il n'empêche que Pierrrrre-Yves a réussi le plus beau coup médiatique de la campagne. Figurez-vous qu'il a débauché un travailleur social ! Comment dire, un travailleur social sur une liste UMP ? Certes, Pierre-YYYYYYYYYYYYYYves est probablement un gars vachement sympathique, un type pas fier pour deux sous, un mec prêt à serrer toutes les paluches qui se présentent à la sienne, en d'autres termes un politicien de droite qui parle sans complexe du mérite individuel (« il faut aider le patronat, voyons soyons sérieux »), de l'immigration (« qui coûte trop chère aux actionnaires, soyons sérieux »), de l'écologie (« voyons, le nucléaire français, c'est pas cher et c'est surtout bon pour la santé de nos entreprises, soyons sérieux ! »), des impôts (« voyons, on se croirait en URSS, halte au racisme anti riches, soyons sérieux ! »), et de l'assistanat (« voyons, cessons d'encourager la fainéantise, soyons sérieux ! »).

Certes, le bilan du PS, représenté par Daniel Vaillant, est calamiteux, surtout à la Goutte d'or, mais qu'un travailleur social rejoigne la droite ultralibérale et antisociale, celle qui a sabré les budgets sociaux et stigmatisé les chômeurs et les pauvres en dénonçant "l'assistanat", me semble d'une incohérence totale. C'est un peu comme si Greenpeace décernait le prix de l'écologie à Areva ! Cet exemple est révélateur de la perte de repères, de l'absence de culture politique et de toute conscience d'appartenance à une classe sociale chez certains.

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A droite, il y a bien-sûr l'extrême droite. D'ailleurs, j'ai tendance à confondre l'UMP et le Front national, tant au niveau du discours qu'au niveau des hommes. D'ailleurs, le FN présente un revenant, Philippe Martel. Un énarque, ce qui est conforme à la stratégie de dédiabolisation initiée par l'héritière Le Pen. C'est d'ailleurs, son directeur de cabinet. En l'espèce, il s'agit d'un ex RPR - UMP, et surtout d'un Juppé boys du temps de Chirac - tiens comme le monde est petit ! A l'époque, le candidat du FN occupait un emploi fictif... Pour en savoir plus, je vous invite à lire : Le candidat FN a la tête de l'emploi... fictif.

Samedi, j'ai croisé une dizaine de frontistes sur le marché de la rue Ordener, des jeunes et des moins jeunes collabos de Le Pen, propres sur eux, pas rasés, pas tatoués apparemment, et la doyenne qui plaçait systématiquement "anti-système" en refilant ses tracts. Quand j'ai vu cette rombière peroxydée, pleine de bagouses en or, j'ai eu la confirmation que le système que combat le FN, c'est la République, et non pas le capitalisme qui a permis à la famille Le Pen de devenir milliardaire! Mais bon, il y avait quelques couillons qui opinaient de la tête !

Les deux étiquetés à gauche sont divisés.

A Paris, EELV présente une liste autonome. Pascal Julien, président du groupe EELV au conseil municipal, n'est guère entouré. En effet, comme je l'avais remarqué aux dernières élections, il y a peu de militants actifs dans ce parti, en dehors des cadres et des élus, d'où une présence maigrichonne et très ponctuelle sur le terrain. EELV se trouve dans une situation paradoxale. Ce parti n'a jamais compté autant d'élus et de ministres, mais en même temps, il incarne de moins en moins l'écologie politique en soutenant et en participant au gouvernement Ayrault. Un positionnement politique qui s'inscrit plus dans une compromission que dans un rapport de forces avec le PS pour imposer des mesures efficaces et emblématiques dans les domaines respectifs de leurs camarades-ministres. Bref, EELV ne peut compter que sur la complaisance médiatique et sur l'aura de son passé.

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Au PS, l'inamovible maire, Daniel Vaillant, cède -enfin ! - sa place. Il a coopté son fidèle adjoint, Eric Lejoindre, un jeune "socialiste" qui fut assistant parlementaire avant de devenir élu et adjoint. Voilà donc un élu, promis à un bel avenir, qui n'a connu que la politique dans sa vie professionnelle... Bref, un type qui ne sait pas, pour l'avoir vécu, ce que sait que la précarité, les boulots sous-payés, le chômage, mais qui soutient mordicus la politique de l'offre, la déflation salariale et les cadeaux au patronat : « soyons sérieux, en donnant plus d'argent aux actionnaires, les entreprises seront plus compétitives et le chômage baissera comme l'a affirmé le président Hollande ! »

Pour la petite histoire, le vaillant Riton préfère tenir des meetings "fermés" avec un public trié sur le volet (une invitation est requise), plutôt que de participer à des débats thématiques en compagnie des autres candidats. Voilà un "jeune" élu et un candidat qui semble craindre le débat contradictoire : curieuse conception de la démocratie, non ?

J'y vois le comportement d'un PS hégémonique et notabilisé qui fuit le débat politique pour mener une politique opportuniste en direction de telle ou telle clientèle, quitte à s'asseoir sur la laïcité. Par exemple, en se débrouillant que des fonds publics financent la construction de salles de prières : Pourquoi j’ai voté contre l’Institut des cultures d’islam (Alexis Corbière du parti de gauche).



Je remarque que le PS a été bien plus présent qu'aux précédentes élections. D'ailleurs, je serais curieux de connaitre le pourcentage de militants dont la vie professionnelle dépend plus ou moins directement du PS. Plus le nombre de militants salariés à l'abri des turpitudes du capitalisme est important, plus Solférino peut imposer n'importe quelle ligne politique, n'en déplaisent aux naïfs de la gôche du PS. L'armée de militants vivant aux crochets du PS, pour certains désireux de faire carrière, suivra aveuglément la direction du PS. C'est ainsi que la démocratie interne peut être dévoyée sans bourrage d'urnes...

Hélas, je ne peux faire l'impasse sur mes camarades du PCF 75 qui ont rallié - à une courte majorité - dès le premier tour les listes de Anne Hidalgo. J'allais écrire les listes du PS, mais comme il y a un peu de tout dedans, même du MoDem, et vu son comité de soutien, hein ?

Je ressens un malaise devant des affiches estampillées PCF-Front de gauche qui dénoncent l'austérité du gouvernement PS-EELV tout en côtoyant d'autres affiches avec la photo de Ian Brossat, chef de file des élus communistes, et de Anne Hidalgo, bras dessus bras dessous, avec le logo du PCF et du PS. Je parlais précédemment d'incohérence et n'en dirais pas plus, tout en pensant à la prochaine fermeture de l'hôpital Bichat annoncée par Hollande. Qu'ils ne comptent pas sur ma voix au 1er et au 2d tour.

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Ma voix ira à la liste de gauche, autrement dit, à la liste Place au peuple, conduite par Danièle Atala, infatigable militante du parti de gauche. Cette liste s'inscrit dans la logique d'autonomie qui a présidé à la création du Front de gauche. Elle porte un programme chiffré de transformation sociale et écologique, en particulier une attention prioritaire au logement. Une liste qui combat résolument l'austérité, d'où qu'elle vienne.

Je voterai aussi pour elle parce que j'ai milité à ses côtés, surtout à l'occasion de la présidentielle. Pour en savoir plus sur Danièle, je vous conseille une saine lecture : Ma compagne en campagne.

Enfin, j'ajoute qu'elle a la particularité, parmi toutes les têtes des listes brossées dans le présent billet, [1] de ne pas être une professionnelle de la vie politique, ce qui constitue un élément important, voire essentiel :

« Ne perdez pas de vue que les hommes qui vous serviront le mieux sont ceux que vous choisirez parmi vous, vivant votre propre vie, souffrant des mêmes maux. Défiez-vous autant des ambitieux que des parvenus ; les uns comme les autres ne considèrent que leurs propres intérêts et finissent toujours par se considérer comme indispensables. Défiez-vous également des parleurs, incapables de passer à l'action ; ils sacrifieront tout à un discours, à un effet oratoire ou à un mot spirituel. Évitez également ceux que la fortune a trop favorisés, car trop rarement celui qui possède la fortune est disposé à regarder le travailleur comme un frère. Enfin, cherchez des hommes aux convictions sincères, des hommes du Peuple, résolus, actifs, ayant un sens droit et une honnêteté reconnue (...).» (Hôtel-de-Ville, 25 mars 1871, le comité central de la Garde nationale).

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Note

[1] J'ai volontairement fait l'impasse sur des listes, certes aussi importantes que les autres, mais dont les scores et l'impact politique seront anecdotiques. Si l'aspect local n'est pas négligeable, au demeurant, il ne doit pas occulter que la gestion municipale est tributaire en partie des choix du gouvernement. Les municipales auront des répercussions au plan nationale, elles sont l'occasion de sanctionner la politique du gouvernement PS-EELV.


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