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Yemma Gouraya, dans le Parc National du Gouraya, légende ou réalité, une énigme historique.

Publié le 18 mars 2014 par Raymond_matabosch

Yemma Gouraya, dans le Parc National du Gouraya, légende ou réalité, une énigme historique.

Yemma Gouraya.jpg

Au plan géographique, le « Yemma Gouraya », véritable vigie sur la région, est un mont qui culmine à 660 mètres d'altitude et qui surplombe la ville de Béjaïa. Au plan religieux, Yemma Gouraya, ou Lella Gouraya, est la sainte patronne de la ville et sa sépulture, le marabout de Lella, se situerait sous les fondements d'un fort, qui aurait été construit par les Espagnols, XVI° Siècle, qui aurait réaménagé ou reconstruit, par les Français au XIX° Siècle, au sommet de cette montagne. Historiquement, et des preuves documentaires en justifieraient, un premier fortin semblerait avoir été érigé, et développé, en ce lieu, par les Almogavars aux XII/XIII° Siècles.

Selon la tradition, Yemma Gouraya était la sœur de Yemma Mezghitane, - Jidda Mezghitane ou Lella Mezghitane -, montagne qui domine la ville de Jijel sur son côté Ouest et où serait la sépulture, suivant la tradition populaire, de la sainte patronne de Jijel, et de Yemma Timezrit, - Lella Timezrit -, sainte patronne de Timezrit dont le mausolée serait perché au sommet de la montagne du même nom.

Selon la journaliste Amina Boumazza, « Yemma Gouraya est à l’image de la société berbère : matrilinéaire. Comme une famille se repose sur la mère, les Bédjaouis se rassurent avec leur mère nature. Cette dernière veille sur cette population attachée à sa mémoire et ses traditions, et Yemma Gouraya en est devenue la gardienne. En effet, originellement les habitants de la ville venaient faire des offrandes au mont et demander à ce qu’elle exauce leurs vœux. Des femmes venaient en grand nombre pour demander de l’aider pour se marier, avoir des enfants ou recouvrir la santé. Désormais cette coutume n’est pas systématique mais elle a tout de même traversé les barrières du temps, et aujourd’hui encore de nombreuses personnes viennent demander un coup de pouce à la géante verte pour que leur vie soit plus douce... »

Si nous nous en référons à ce qui est écrit pour Yemma Gouraya, dans « Si Béjaia m'était contée », et, à l'identique pour Yemma Mezghitane et Yemma Timezrit : « A l’époque hammadite, la montagne portait le nom d’Amsiouen, et comme les Espagnols n’ont envahi l’antique Nacéria que cinq siècles plus tard, l’hypothèse des historiens paraît plus logique que la légende véhiculée par les autochtones. Mais la légende demeure vivante, et au-delà des vestiges-ruines du fort espagnol, les Bédjaouis échafaudent mille et une supposition à l’égard de celle qui, si elle avait été homme, aurait formé la boucle du 100ème saint de la région, qui en cumule pas moins de 99. De ce fait, nous retrouvons le surnom de « Petite Mecque » à Béjaïa. Appellation attribuée par ses propres habitants qui épouseront la croyance spirituelle pour vous assurer qu’il ne manquait qu’un seul saint pour que la terre sainte et le berceau du Prophète soient la contrée de Béjaïa. Mais au lieu d’un saint, c’est plutôt une sainte qu’on retrouve pour le centième nœud, et qui n’est autre que la fameuse Yemma Gouraya. Une simple femme, qui ne pourra rivaliser avec les « pouvoirs masculins » pour former la chaîne sacrée. Yemma Gouraya est d’origine arabe, nous dira-t-on... ? Ses deux sœurs et elle sont donc venues pour propager l’Islam et instaurer la paix. Elles furent persécutées impitoyablement par les non-croyants, mais tinrent quand même à rester dans la région et à lutter pour une cause qu’elles jugèrent juste et sereine. Yemma Gouraya, plus que ses deux sœurs, luttera davantage et gagnera le respect et la considération des autochtones, qui consentirent en fin de compte, à ce qu’elle s’établisse sur le sommet de leur montagne, où elle s’y retirera vers la fin de sa vie pour de longues méditations, et sera un modèle incomparable de courage, de sérénité, et d’abnégation. Survivant à ses deux sœurs, elle continuera à propager son savoir jusqu’à un âge avancé. A sa mort, les habitants de la contrée firent de son lieu de méditation un mausolée et un lieu de dévotion et de prière. Elle est pour les Bédjaouis, ce soldat infatigable qui veille sur leur ville, et la protège grâce à la bénédiction divine qu’elle aurait reçue. Quelles que soient ses origines, Yemma Gouraya continuera longtemps encore à protéger ses enfants, à guider les marins, et à exaucer les vœux de ceux qui lui sont dévoués et qui font appel à sa sainteté. On dit que sa baraka n’a pas d’égal. Une « fiction réelle » qui, au fil des temps, a poussé les gens à tisser plus d’un mythe et des familles font des offrandes annuellement, et convient les visiteurs à des waâdates., beignets et café ou carrément un grand couscous à la viande d’agneau. Des moutons sont égorgés sur place, et les repas sont préparés et offerts à toute l’assistance. Une façon comme une autre de prouver la reconnaissance des gens envers leur mère protectrice.. »

Fort_Gouraya_front_nord_.jpg

Mais plusieurs sources antérieures peuvent donner assise à la ferveur populaire en ce qui concerne ces trois lieux sacrés et peuvent intercéder sur la croyance que les habitants des villes de Béjaia, de Jijel et de Timezrit vouent à leurs saintes patronnes, les trois sœurs protectrices de la montagne et de leur cité, depuis le XVI° Siècle.

La plus antique, de ces sources, s'ancrerait dans le cadre de la société berbère matrilinéaire et multimillénaire, dès au moins le III° millénaire BC, - Bephore Christ -, bien avant la venue des Phéniciens sur les côtes tunisiennes et kabyles, vers le XIII° Siècle BC, une religion qui vouait un culte, dans un lieu sacré, la Bou'l rayra, un simple enclos cuboïde de pierres renfermant des météorites, des pierres, idoles, des statues des divinités..., au Dieu Ba'alyâ, - Bou'l alyâ -, un Dieu suppléé par les divinités Ba'al γilanit alyâ et Ba'al Hemoul alyâ. Ces lieux de culte faisaient l'objet de déplacements de foules lors de certaines fêtes religieuses et les pèlerins y pratiquaient la circonvolution. En outre c'étaient des lieux où les édiles des tribus y venaient débattre de questions commerciales, politiques et sociales.

La seconde se situerait entre 580 et 622 quand l'Arabie, - dont l'économie, sous l'impulsion de la puissante tribu de Quraysh qui imposait des périodes de trêve et assurait la sécurité des marchands, se développait autour de ses puits -, traversait une période désastreuse et se trouvait en grande partie dévastée et ruinée, en proie à une certaine anarchie. A cette époque, plusieurs tribus, moins puissantes que celle de Quraysh, fuirent les exactions, abandonnèrent la terre d'Arabie et firent route vers l’Égypte, la Tunisie et la Kabylie. Ceux qui parvinrent jusqu'en Kabylie, l'hospitalité légendaire des Berbères, y furent bien accueillis et s'implantèrent, en ces nouvelles terres, y apportant leur propre culture, leur propre culte et leurs divinités telles Hobal, - Hoba'l alyâ -, personnification du monde divin, et ses trois filles Al-Lât, Al-Uzzâ et Manât, des « al-gharānīq » dont il fallait demander l’intercession et les pèlerins se rasaient la tête. Ils adoraient les pierres, les météorites, les arbres, les source... et les idoles. Les objets sacrés étaient gardés dans une kaaba, où se pratiquait la circonvolution, entourée par un haram, - lieu de culte pour les hommes -, et un harem, - lieu de culte pour les femmes -, se tenait légèrement en retrait, à l'Ouest du haram. Il est à savoir que les troupes de Hassan Ibn Numan, chef de guerre de l'Islam, n'ont envahi la Kabylie qu'à partir de l'an 695 et ont porté la religion musulmane en cette terre kabyle.

La troisième, la plus récente, est attachée aux Almogavars. Ces mercenaires-fantassins-corsaires catalans qui avaient implanté un comptoir dans l’Anse des Ayguades et érigé un fortin érigé sur la crête de Gouraya, s'étaient étendus en diverses terres côtières du pays Kutama, et créé plusieurs comptoirs et ports d'attache dont à Jijel, dans l'anse de Rabta... Ils avaient coutume, en érigeant des fortins sur les points stratégiques, de transplanter leurs légendes, entre autres celle de trois de leurs chefs de guerre qui s'étaient retirés en ermite, après la mort de leur belle, sur trois pics distincts et qui y attendirent leur propre mort en allumant, chaque année, à la date anniversaire du décès de leur belle, un grand feu.

J'en suis rendu à ce stade de mes recherches sur les trois sœurs Yemma Gouraya, Yemma Mezghitane et Yemma Timezrit... Des recherches plus approfondies sont encore nécessaires pour affirmer que tel ou tel autre point est plus à même d'apporter un éclairage objectif sur le sujet.


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