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Première découverte d’anneaux autour d’un astéroïde

Publié le 27 mars 2014 par Pyxmalion @pyxmalion

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Pour la première fois dans l’histoire de l’astronomie, des anneaux de débris ont été détectés autour d’un gros astéroïde. Une découverte réalisée avec le concours de 7 grands télescopes sud-américains au cours de l’occultation d’une étoile par Chariklo.

Dans notre système solaire, nous savons tous que de magnifiques anneaux entourent Saturne (un spectacle qu’on ne se lasse jamais d’observer). Moins célèbres et plus ténus, on en connait également qui ceinturent les trois autres planètes géantes : Jupiter, Uranus et Neptune. Cela ne fait d’ailleurs qu’une trentaine d’années que ceux des deux dernières furent découverts (respectivement en 1977 et 1984). Mais comme la nature nous réserve encore bien des surprises, il faudra désormais compter sur des anneaux autour d’un astéroïde ! Qui aurait pu imaginer cela auparavant ?

L’inattendu

Divulguée le 26 mars, l’annonce a fait son effet au sein de la communauté scientifique. Son co-découvreur Felipe Braga-Ribas (Observatoire National/MCTI à Rio de Janeiro) qui a signé l’article publié dans l’édition en ligne de la revue Nature, le concède : lui et toute son équipe de chercheurs « n’étions pas à la recherche d’un anneau ; nous étions d’ailleurs loin de penser que de petits corps tels Chariklo en étaient dotés. Aussi, cette découverte – tout comme la surprenante quantité de détails observés – se révéla être une réelle surprise ! » Ils ne s’y attendaient vraiment pas…

Informés que le gros astéroïde (10199) Chariklo, distant alors d’environ 2 milliards de kilomètres de la Terre, passerait devant la lointaine étoile désignée UCAC248-108672 au cours de la nuit du 3 juin 2013, les astronomes se mobilisèrent pour se rendre dans l’unique région terrestre où le phénomène serait observable, une bande étroite au nord du Chili. Pas moins de sept grands télescopes de la région parmi lesquels le télescope danois (1,54 mètre de diamètre) et le télescope belge TRAPPIST (TRAnsiting Planets and PlanetesImals Small Telescope) installés à l’Observatoire de La Silla (Eso), ont enregistré l’événement.

L’occultation d’une étoile par un astéroïde, une comète ou encore une planète naine est toujours une belle occasion pour les chercheurs de caractériser les formes, tailles et compositions de ces petits corps qui appartiennent à notre système solaire. A ce sujet d’ailleurs, pas plus tard que le 20 mars dernier, une fraction d’Américains ont pu suivre le transit de l’astéroïde 163 Erigone (73 km de diamètre) devant l’étoile la plus brillante du Lion, Regulus (α Leonis, Cor Leonis).

Un centaure protéiforme

Découvert en 1977, Chariklo est connu pour être le plus gros astéroïde — environ 250 kilomètres dans sa plus grande longueur — de la famille protéiforme des Centaures. Rappelons qu’à l’instar des figures mythologiques mi-homme, mi-cheval du même nom, les objets célestes qui ont la particularité de circuler sur des orbites irrégulières entre Saturne et Uranus (sans cesse perturbés gravitationnellement, ils sont vraisemblablement originaires de la ceinture de Kuiper, en marge de Neptune) partagent, quant à eux, leur identité entre comète et astéroïde.

Quelle ne fut pas la surprise de l’équipe de constater des irrégularités lors des instants qui précédèrent et suivirent l’occultation. En effet, les variations de luminosité de cette étoile de magnitude 12 ont trahi l’existence de matériaux autour du corps principal. En recoupant toutes les données disponibles, les astronomes furent en mesure de distinguer deux anneaux de densité différente autour de Chariklo. Songeant au paysage insolite, Uffe Gråe Jørgensen de l’Université de Copenhague raconte : « j’essaie de m’imaginer debout, à la surface de cet objet glacé – suffisamment petit pour qu’une voiture de course puisse atteindre la vitesse d’échappement et s’envoler dans l’espace —, observant un système d’anneaux large de 20 kilomètres et 1000 fois plus proche que la Lune de la Terre ».

Illustration de l'environnement de l'astéroïde CharikloIllustration de l'environnement de l'astéroïde Chariklo

Illustration de l’environnement de l’astéroïde Chariklo

Deux fins anneaux probablement escortés

Baptisés de façon arbitraire des noms des fleuves Brésiliens Oiapoque et Chui, les anneaux s’étendent respectivement à quelque 391 kilomètres et 405 kilomètres du centre de l’astéroïde. Le plus proche est aussi le plus dense. Sa largeur est estimée 7 kilomètres et il posséderait 12 fois plus de matériaux que son voisin, lequel occupe une largeur de 3 kilomètres. Environ 9 kilomètres séparent ces deux anneaux. Leur étude spectrale a réglé qu’ils sont riches en eau. S’ils pouvaient être agrégés en un seul corps, le plus dense aurait de quoi constituer une sphère gelée de 2 kilomètres de diamètre alors que le plus modeste ne représenterait qu’une boule d’un kilomètre.

Enfin, pour expliquer leurs présences inattendues, les chercheurs ont dégagé plusieurs scénarios possibles, reconnaissant cependant qu’il est encore trop tôt pour trancher. Il peut s’agir bien entendu de débris amassés après une (ou de multiples) collision(s) entre deux astéroïdes et/ou comètes, des résidus d’une comète, d’une dispersion de matériaux, etc. Malgré tout, l’équipe se doute que deux petits satellites naturels, encore bien cachés, ont joué un rôle déterminant dans leurs processus de formation. Considérés comme de véritables « chiens de berger », à l’instar de ce qui est observé au bord des anneaux de Saturne, ils seraient les garants de la « bonne tenue » des anneaux qui cernent Chariklo. Il n’est pas exclu qu’à terme, dans plus ou moins une dizaine de millions d’années, ils se constituent en petits satellites.

En attendant, reste aux astronomes, de débusquer les deux petites lunes potentielles. « (…) à l’image des anneaux, un ou plusieurs petits satellites attendent certainement d’être découvertes autour de Chariklo » affirme Felipe Braga Ribas.

Autant d’éléments qui permettront à l’avenir d’affiner les modèles de la formation de corps dans l’environnement immédiat de plus gros et massif qu’eux, à l’instar de notre Lune.


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