Dieu sera-t-il élu à Argenteuil ?

Pour moi qui suit déjà un ancien, né au XXème siècle, le spectacle donné par ce laboratoire du futur qu’est Argenteuil est étonnant. Je m’imaginais que l’on vivait dans une France laïque, et je découvre que l’enjeu des élections, c’est Dieu.

Libération ironise sur Georges Mothron qui se tournerait vers la Mecque. Sa liste comprend une femme voilée et s’affiche vent debout contre le mariage gay. Pour lui, le vote musulman est fondamental dans cette élection. Il ne fait pourtant que suivre en cela le maire socialiste qui n’a pas hésité, au cours de son mandat, à intervenir à la mosquée, à créer un conseil des cultes ou à houspiller le curé pour qu’il sorte plus souvent la tunique du Christ, ce qui attirerait du public à Argenteuil.

Maintenant l’enjeu est de se montrer bienveillant envers les religions, bien que ce ne soit pas le travail d’un maire, et que d’autres enjeux doivent intervenir. Certes jouer sur l’opposition au mariage gay, en supposant qu’il est impopulaire chez les croyants peut peut-être permettre d’atteindre l’objectif, mais il n’est pas certain que les croyants en question mettent vraiment au premier plan ce qui peut aussi être considéré comme un gadget, qui a nécessité deux ans de travail et un rideau de fumée sur les autres sujets pour être mis en place. On peut aussi se demander si le vote à 80% des musulmans en faveur de Hollande n’est pas lié à un rejet de son prédécesseur et la conscience que les questions sociales sont primordiales. La ville dispose d’un parc de 35% de hlm, on peut donc imaginer que près d’une moitié de la population vit ici grâce au logement social, sinon le prix du privé serait inaccessible à beaucoup. La moitié d’une ville qui dépend d’un système social pour se loger, ce n’est pas un pourcentage si courant.

La "droite" semble avoir fait ce pari, et semble avoir comme slogan "plutôt la Mecque que le mariage entre mecs", mais elle ne doit pas méconnaitre l’aspect social et s’imaginer que la seule calinothérapie des religieux va lui assurer l’élection. Cette proximité s’était déjà retournée contre P Doucet le maire actuel, lorsque, alors qu’il faisait un discours à la mosquée, les intégristes l’ont contesté en lui criant qu’ils l’avaient mis au pouvoir.

La laïcité a été pensée comme une paix des braves avec un catholicisme en voie d’extinction, et certes des religions émergentes posent de nouvelles questions mais quand il s’agit d’argent, d’intérêt, tout le monde est de la même religion.

Je n’aurais jamais imaginé que l’enjeu des élections locales soit le divin, mais les hommes politiques sont là pour capter l’esprit du temps, et utiliser toute occasion, tout argument pour avancer.