Magazine Journal intime

J169 - Varanasi, la sacrée ville

Par Swim In India @SwimInIndia_E

Vers 10h petit-déj à l’hôtel.


Courants spirituels

Sortie jusqu'à la "Ramakrishna mission hospice" dont la librairie recèle des volumes de Ramakrishna et de Vivekananda.

(note : Ramakrishna Paramahamsa (1836–1886) est un mystique bengali pratiquant un syncrétisme religieux hindou, musulman et chrétien. Son approche universaliste fut célébrée par Romain Rolland, Sri Aurobindo, Gandhi,...Swami Vivekananda, son disciple, perpétua la flamme en créant l'ordre de Ramakrishna.)

Passage à la Theosophical Society dont l’éclectisme ésotérique me fascine.

(note : la Société théosophique a été fondée en 1875, à New York, par Helena Blavatsky. Son mélange de religions et d'occultisme aboutit à un ésotérisme exotique assez prisé au début du XXème siècle. Le cocktail prit fin avec un sabordage inattendu mais savoureux : Krishnamurti, repéré en 1909 en vue de devenir « l'instructeur mondial » de l'ordre de l'étoile, décida, en août 1929 à Ommen, de dissoudre l'organisation établie pour le soutenir en déclarant : "La Vérité est un pays sans chemin, que l'on ne peut atteindre par aucune route, quelle qu'elle soit : aucune religion, aucune secte. »)


Déjeuner au chinois de Luxa Road (special nan, chicken chopsuey), puis départ pour les ghats.


Le long du Gange

Déception en arrivant à Dasashwamedh Ghat : marches gigantesques mais désertes, malgré la promesse du Guide Bleu et de toutes les photos.

Descente de la rive gauche. Les impressions s’enchaînent.
Les vaches, buffles et bœufs énormes, enchaînés aux balustrades métalliques, après avoir descendu lourdement les abrupts degrés presque jusqu’au fleuve. Les crottes partout, la saleté et les mauvaises odeurs. La pisse abondante qui éclabousse.


Mamikarnika Ghat et les crémations

Les cadavres colorés (plus de femmes que d’hommes) qu’on apporte saucissonnés sur des échelles de bambou.

Mise à feu du foyer et fascination du début jusqu’à la fin de la combustion : flammes infernales et cathartiques, chaleur qui laisse les pierres des rambardes toujours chaudes, ces pieds qui se découvrent et dépassent quand l’étoffe a carbonisé, la peau qui se noircit, éclate et laisse apparaître la chair blanche et humide.
L’odeur de brûlé enivrante car c’est un humain qu’on brûle. Goût du morbide, désir de côtoyer un des plus importants, le final et définitif état de l’existence humaine, désir d’éprouver des sensations nouvelles, goût de l’horreur ?
Les cadavres que l’on amène puis immerge dans l’eau sale au pied des marches, là où certains avec un grand panier d’osier jouent les chercheurs d’or parmi les cendres humaines, puis qu’on laisse égoutter un peu avant de les rôtir.
Les vaches qui mangent les guirlandes de fleurs mortuaires, les chiens mauvais et faméliques qui rôdent en aboyant par intermittence d’une voix rauque.
L’homme qui alimente et entretient le feu, repoussant les membres à moitié carbonisés au centre du brasier, frappant du bout de sa perche en bambou noirci, une tête, un torse qui résiste encore…
Fascination mais les autres diraient horreur, or ici ce n’est pas horrible. Humain, naturel et religieux, mais pas horrible.
Plus loin, ce vaste ghat à l’écart duquel flotte la peau blanche et boursouflée comme une outre d’une vache crevée. Sur la partie qui émerge se trouve un vautour plongeant son bec sous l’eau, cherchant la peau pour la déchirer, tirant avec d'hideux tressauts la chair du cadavre. Un plus gros s’amène, l’autre décolle et cet ignoble animal pavane avec fierté insultante car trop humaine : ailes comiquement écartées pour montrer comme il est fort, levant bien haut une jambe et la reposant sèchement sur la peau bombée pour montrer sa possession du territoire. Et ensuite, plus fort que l’autre, il tire avec son bec, dérapant, se trempant les ailes dans l’eau sale. 


Shiva Temple sur Scindia Ghat

Le temple qui trempe, bancal, dans l’eau du fleuve, symbole parfait, comme Venise, d’un engloutissement progressif de toutes les choses qui meurent.

Tout passe, et salement ici, à Bénarès.
Cette tête décapitée et noire de crasse, pourpre du sang séché, d’un chien assez laid (d’après ce qu’il en reste).
L’homme qui allume le foyer de sa femme, drapé seulement de blanc, le crâne rasé par les coiffeurs juste au-dessus : il fait trois fois le tour, touchant la tête du macchabée avec le torchis de foin qui supporte une braise. Il hésite, ne sait pas comment faire (pas l’habitude), et les aides lui expliquent avec rudesse. Le feu démarre, s’emballe et l’homme regarde ce brasier qui finit d’emporter son épouse peut-être.
(note : un article très complet sur la mort en Inde, par Ludovic, âmes sensibles s'abstenir.)


Rana Ghat

Populaire, où je retrouve Sheldon.

Bouffe et boissons fraîches. Limca Cola alors que la fanfare arrive, annonçant une statue de Parvati.
Indiens, dévotion, couleurs, musique, foule.
Un saddhu s’amène, aux yeux et aux sourires vivants. "Beedies mauvais", son guru lui a dit « Yoga, pas beedi ». 15 ans passés à Dacca, pas bon. 62 ans maintenant, alors depuis 10 ans yoga, et depuis une semaine, à Bénarès. Régime, yoga, méditation, Kundalini. "Allons discuter à l’écart, ici trop de bruit", puis il nous tape du riz et des dhals en jouant l’innocent.

19h. Dîner au même endroit qu'hier, avec les mêmes gens.

_____________________La carte de la journée_____________________

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