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Procréation médicalement assistée: quelques clarifications

Publié le 29 mars 2014 par Samiahurst @samiahurst
Procréation médicalement assistée: quelques clarificationsAprès mon dernier message, j'ai eu une discussion très intéressante avec un ami sur Facebook. Il exprimait, disons, sa surprise que l'on puisse défendre une action aussi "contraire à la dignité humaine" que le egg sharing. La raison pour laquelle il pensait que ce type de don d'ovocytes était contraire à la dignité humaine est que les ovules fécondés seraient des personnes que l'on ne peut pas ainsi donner ou - pire- vendre.
Cette personne est quelqu'un d'intelligent que j'apprécie beaucoup, mais c'est important de comprendre à quel point cette position est fausse. C'est important parce que c'est une erreur très répandue. C'est peut-être même en partie pour ce genre de raisons que le don d'ovocytes est interdit dans notre pays. Alors attention, me direz-vous, nous avons tous le droit d'avoir notre opinion n'est-ce pas? Oui, nous avons tous le droit d'avoir notre opinion. Mais nous ne pouvons pas avoir nos propres faits. Comme le disait un commentateur américain il y a quelques temps "nous vivons dans un pays qui garantit votre liberté d'exprimer ce que vous pensez, mais ce pays ne garantit pas que ce que vous dites est vrai". Pour comprendre l'histoire du don d'ovocytes, voilà ce qu'il faut avoir compris :
1) Les ovocytes peuvent être soit fécondés soit pas fécondés. La critique que formulait mon ami s'adressait au don d'ovocytes fécondés. Quand ils ne le sont pas, personne ne songerait à leur accorder les mêmes droits qu'à des personnes. Quand on parle de don d'ovocytes, on ne parle que d'ovocytes pas fécondés.
2) Lorsque les ovocytes sont fécondés, ils commencent par contenir deux noyaux des deux gamètes d'origines: celui de l'ovocyte lui-même et celui du spermatozoïde. La loi suisse autorise la congélation des ovocytes avant la fusion des noyaux. A ce stade, il n'y a pas eu de 'nouveau génome'. Pourquoi c'est important? Certains situent la survenue d'une personne avec des droits moraux au moment où ce nouveau génome existe. Là, on peut être d'accord ou pas d'accord. Mais pour savoir de quoi parlent ces personnes, ou si on est l'une d'elles, il faut savoir quand ce nouveau génome existe. Ce n'est pas lors de la fécondation de l'ovocyte, c'est en fait quelques temps après. Que cette fusion ait ou non eu lieu, cela dit, on a désormais un ovocyte fécondé: il n'est plus concerné par le don d'ovocytes.
C'est difficile de défendre l'idée qu'il y aurait un danger pour la 'dignité humaine' du simple fait de donner des ovocytes -pas fécondés- quand on a compris cela. 

Est-ce que cela veut dire que les personnes inquiètes ont tort? Pas nécessairement. La possibilité du don d'ovocytes, si elle est mal encadrée, donne lieu à des risques d'exploitation des donneuses très réels. Mais ce ne sont pas les ovocytes eux-mêmes qui sont 'menacés'. Ce sont les femmes chez qui on les prélève, parfois dans des conditions qui ne respectent pas leurs droits à elles. Il y a donc bel et bien des dangers concrets pour la dignité de personnes qui sont clairement des personnes. 
Mais justement: en autorisant la pratique du egg sharing, on autorise le partage par des femmes consentantes d'ovocytes qui ont été prélevés à l'origine pour elles et dont elles n'ont plus besoin. On parle de demander son consentement à une femme qui a eu recours à la PMA pour avoir elle-même un ou plusieurs enfants. Lorsqu'elle sait qu'elle ne voudra plus de nouvelles tentatives, s'il reste des ovocytes non fécondés, on lui donne la possibilité d'en faire don à un autre couple pour qu'ils puissent à leur tour tenter de mettre en route un enfant. Il n'y a pas de transaction financière, et il n'y a pas non plus de possibilité de procéder au prélèvement uniquement dans le but du don. En autorisant cette possibilité, on diminue le nombre de couples qui auront recours à un 'don' d'ovocytes contre de l'argent dans un pays étranger, donc potentiellement dans une situation où l'encadrement sera souvent insuffisant.
Alors, le risque pour la dignité humaine, là-dedans? Plutôt si on autorise? Plutôt si on interdit?

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