Magazine Côté Femmes
Hier, comme beaucoup de monde, j'ai découvert la dernière vidéo de Rémi Gaillard, "Free sex". Je n'ai pas rigolé une seule fois et j'ai même été extrêmement mal à l'aise pour les femmes de la vidéo. Qu'il s'agisse d'un des youtubeurs français les plus connus ou du premier mec venu, c'est pareil. Au départ j'ai juste trouvé ça pas drôle et gênant. Et puis je me suis demandé comment j'aurais réagit si j'avais été à la place de ces filles. Je me serais certainement sentie très mal, souillée, prise pour un objet.
Encore une fois.
Je suis fatiguée de tout ça, de cette vulgarisation de la femme, de son statut de poupée dont les hommes peuvent disposer un peu comme bon leur semble, parce que ça les fait marrer. Je n'imagine pas qu'une femme irait faire ce genre de chose, tout simplement parce que je crois que ça ne nous viendrait pas à l'idée qu'on puisse s'amuser avec le corps d'un autre comme si c'était un jouet. Et de toute façon si une femme faisait ce genre de chose, par exemple en mimant des fellations devant des hommes debout dans la rue, tout le monde la traiterait de salope. Mais quand ça vient des hommes, ça a vocation à faire rire, on commence à connaître la chanson. Mais ça me gonfle, bien évidemment, ce sexisme. Depuis des siècles, voire des millénaires, le corps féminin est fortement lié à la sensualité et à la sexualité, c'est un fait. Du coup, notre apparence, la manière dont on choisit de s'habiller, de se comporter, est souvent jugé comme une provocation. C'est con pour nous, et surtout extrêmement frustrant, puisqu'en gros, si on veut être tranquille, faut ressembler à rien. Même celles qui s'habillent comme des sacs se font emmerder, parce que la nature leur a quand même donné des fesses et des seins. Finalement on est provocantes juste parce qu'on est nées comme ça. Malheureusement, c'est une chose que peu d'hommes, même les mieux attentionnés et respectueux, comprennent. Je ne connais pas la solution à ça, mais la vidéo de Rémi Gaillard est encore une preuve que le corps féminin est une source d'amusement, même s'il est connu depuis longtemps que ça nous emmerde.
Alors voilà, au nom de l'humour, pour faire le buzz, ce bon vieux Rémi a décidé de mimer l'acte sexuel, toujours dans une position dominante d'ailleurs, avec des inconnues dans la rue, à quelques pas de décalage, qu'elles soient en train de faire leurs courses ou de lire dans un parc. Sans même qu'elles soient particulièrement habillées sexy. Elles sont juste là, dans une position qui lui permet de faire sa connerie, et ça fait marrer des gens. Bizarrement, je pense qu'ils trouveraient ça beaucoup moins rigolo s'ils avaient reconnu leur mère, leur sœur ou leur copine dans la vidéo...
Mais je n'appelle pas ça de la culture du viol.
Quand j'ai découvert cet article, c'était sur Twitter, avec des hashtags qui allaient dans ce sens à foison. Culture du viol, apologie du viol, incitation au viol. Ce n'est pas ce que j'ai ressenti en voyant cette vidéo. Un sexisme évident, de la beauferie au plus haut niveau, la dépersonnalisation de la femme, oui. Mais du viol, non. Ces femmes n'ont pas été touchées, et pour qu'il y ait viol, il faut qu'il y ait un contact, une pénétration non consentie dans un orifice. C'est ça qui est illégal, et le choix des mots est important. Bien sûr que c'est lié, parce que plein de couillons iront essayer de faire pareil et dans le lot certains dépasseront les limites. C'est aussi en ça que je trouve que cette vidéo est une erreur, parce qu'avec l'influence qu'il a, Rémi Gaillard a aussi une responsabilité et aurait du penser à ça. Et puis cette blague, Berlusconi l'a faite avant lui et c'est pas comme si ça avait arrangé sa réputation... Mais ce n'est pas du viol que l'on voit là, et il faut arrêter de crier au loup, d'appeler un chat un tigre, et d'exagérer les choses. Ce n'est pas parce que c'est dégradant que c'est du viol. Ce n'est pas parce qu'elles n'étaient pas consentantes pour faire ce mime grotesque que c'est du viol.
En discutant avec un ami, très respectueux des femmes pourtant, et que cette vidéo a amusé, il m'a fait réaliser qu'en ce moment, on parlait de viol dès lors qu'une femme était prise pour un objet sexuel. Même si elle n'est pas touchée, dès qu'elle est dégradée d'une manière qui touche à la sexualité, on parle de viol. Parce que c'est un mot fort, qui fait peur, qui soulève les foules. Mais à force de l'employer à tout va, est-ce qu'on ne va pas finir par en atténuer la gravité? Si à chaque fois qu'un mec a une attitude dégradante envers une femme, même sans la toucher, on parle de viol, comment va-t-on faire pour distinguer la réalité de l'extrapolation? Est-ce qu'on ne va pas finir par se dire, comme c'est déjà le cas de beaucoup de gens, que c'est juste "encore un coup de gueule des féministes"? Est-ce qu'on ne deviendrait pas trop susceptibles, trop à l'affût de la moindre atteinte à notre humanité?
C'est l'impression que j'ai aujourd'hui, qu'on parle de viol parce qu'on sait que ce mot va attirer le regard sur une attitude inacceptable, même si ça n'en est pas vraiment. Pour moi, c'est aussi victimiser encore plus les femmes et ce n'est pas comme ça que je vois le combat contre ces inégalités. À mon sens, les femmes, pour gagner le respect des hommes, doivent montrer leur force avant tout, et ne pas systématiquement passer pour plus victimes qu'elles ne le sont. Sinon on va juste passer, encore, pour des chieuses qui exagèrent. Nous devons être justes et parler des choses telles qu'elles sont si nous voulons être prises au sérieux.
Cette vidéo de Rémi Gaillard est à chier et j'espère qu'il va s'en rendre compte et la retirer, histoire de ne pas donner le mauvais exemple. Mais on ne se rend pas service en la faisant passer pour plus grave qu'elle n'est.