Visiter l’île de Gorée, c’est faire face à la plus grande déportation de population de l’histoire de l’Humanité. En quatre siècles, 16 millions d’esclaves ont été vendus pour rejoindre les plantations Outre-Atlantique. Venus des marchés aux esclaves du Nigéria, du Bénin, de l’Angola ou de Gambie, beaucoup d’entre eux ont transité par cette petite île au large de Dakar, qui deviendra le plus grand centre de transit de toute l’AOF.
Ile de Gorée, SénégalIle de Gorée, SénégalL’esclavage a toujours existé en Afrique. Au VII ème siècle, le commerce d’esclaves était tenu par les arabes qui fournissaient des hommes de l’île Maurice, Zanzibar, et Madagascar à l’Asie. Il était courant que les chefs de tribus vendent leurs ennemis ou même leurs hommes.
La découverte de l’Amérique, les grandes colonies et la puissance de l’Europe amplifia le phénomène à partir du XVI ème siècle. C’est à cette époque que débuta le commerce triangulaire et que Gorée pris une importance capitale dans l’Histoire.
Ile de Gorée, SénégalDe beaux bâtiments colorés, une architecture européenne qui nous rappelle le Portugal et des enfants qui jouent dans les allées ; au premier abord, le poids de l’Histoire nous quitte et nous déambulons entre les étals du marché, oubliant presque qu’il serait indécent d’y être serein.
Sur la place principale, Gorée, SénégalLes allées de Gorée, SénégalEn prenant un peu de hauteur, nous voyons apparaître la citadelle, quelques canons, l’étroitesse des allées…et nous commençons à imaginer ce qu’être à Gorée pouvait signifier jusqu’en 1846.
Les allées de Gorée, SénégalIle de Gorée, SénégalGorée, SénégalSur l’île, on compte 28 maisons d’esclaves. Dans chacune, s’entassaient 150 à 200 personnes, enchaînés au cou et aux bras.
L’une d’entre elle se visite, celle d’Anne Pépin, riche signare sénégalaise, née de père blanc et de mère esclave.
Maison des esclaves, Gorée, SénégalLe rez-de-chaussée, humide, était réservé au stock de nourriture et aux esclaves tandis que l’étage, aéré et spacieux, servait d’habitation pour les maîtres. Au milieu des cris, des tortures, des odeurs et de la maladie, les maîtres habitaient, impassibles.
Maison d’esclaves Anne Pépin, Gorée, SénégalLes prix sont fixés d’avance :
- un homme ou une femme vierge contre un fusil ou un baril d’alcool,
- un enfant pour une paire de boucles d’oreille,
- les Yourouba du Nigéria se monnayent plus chers car ils sont réputés pour être grands et forts. Ce seront de futurs géniteurs, envoyés en général vers Cuba, Haïti ou le Brésil.
Dès leur arrivée, les esclaves sont numérotés et prennent le nom de leur maître.
Dans de petites cellules, on sépare les hommes des femmes et des enfants. Une cellule est réservée aux personnes de moins de 60 kg, qu’il faudra engraisser avant le départ pour qu’ils supportent la longue traversée. Les femmes, elles, sont à la merci des maîtres et beaucoup d’entre elles, cherchent à attirer leur convoitise dans l’espoir de tomber enceintes et d’être affranchies.
Cellule des hommes, Gorée, SénégalCellule des femmes, Gorée, SénégalCellule d’esclaves, Gorée, SénégalCeux qui refusent de manger ou d’obéir aux règles se voient isolés dans la cellule des récalcitrants, sans fenêtre et où il est impossible de se tenir debout. Le guide y entre et pose pour la photo, tout sourire. Malaise du côté des visiteurs…
Cellule des récalcitrants, Gorée, SénégalCellule des récalcitrants, Gorée, SénégalLe sol en terre battue, l’humidité, les mauvais traitements et l’hygiène déplorable feront plus de 6 millions de morts. Au fond de la maison, "la porte du voyage sans retour" sert de quai d’embarquement mais aussi de cimetière pour les corps trop faibles qui attirent de nombreux requins.
Porte du voyage sans retour, SénégalEmbarcadère vers le voyage sans retour, Gorée, SénégalQuelques mois après, je n’arrive toujours pas à trouver les mots pour exprimer ce que j’ai ressenti à Gorée. Il y a bien des phrases, des chiffres et des descriptions qui reviennent. Quelques images aussi, comme celle des murs des cellules recouvertes de moisissures. Mais je me retrouve pour la première fois dans l’impossibilité de transmettre exactement en quoi cette visite m’a affecté.
Si vous y êtes allés, je serais heureuse de lire vos impressions !
Informations complémentaires :
Un bateau toutes les heures environ au départ du port de Dakar.
Aller-retour : 5900 francs CFA
Prévoir une taxe de 500 francs CFA pour l’entrée sur l’île et 500 CFA pour chaque visite.
Visite à prévoir : La maison des esclaves et le musée de l’esclavage
Possibilité de loger sur l’île pour une nuit ou plus.
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