« Quoi de nouveau sous le soleil ? – Rien ! » répondait l’Ecclésiaste. Il avait, hélas, bien raison comme le prouve cet extrait de l’Ami commun, un livre de Dickens paru en 1865 et dont je vous recommande la lecture si vous aimez les romans dont l’auteur ne fait pas que se regarder le nombril.
Chambolle
"Le jeune monsieur mûr est un monsieur qui a du bien. Il place son bien. Il va, en amateur et avec des façons condescendantes, dans la Cité, participe à des conseils d'administration, et s'occupe d'opérations sur des actions. Comme le savent bien ceux qui sont sages dans leur génération (1), les opérations sur les actions sont la seule chose au monde qui mérite qu'on s'en occupe. Soyez sans passé, sans réputation, sans culture, sans idées, sans éducation, mais ayez des actions. Ayez assez d'actions pour être Administrateur de Sociétés avec des majuscules, allez et venez pour de mystérieuses affaires entre Londres et Paris, et vous serez un grand homme.
D'où vient-il ? D'actions. Où va-t-il ? À des actions. Qu'est-ce qu'il aime ? Les actions. A-t-il des principes ? Il a des actions. Comment a-t-il fait pour se faufiler au Parlement ? Par des actions.
Peut-être n'a-t-il jamais rien accompli par lui-même, n'a-t-il jamais donné naissance à rien, n'a-t-il jamais rien produit ? C'est une suffisante réponse à tout que : des actions. Ô les puissantes actions ! Ériger si haut ces idoles retentissantes, et nous faire crier bien fort, à nous autres canaille secondaire, comme sous l'influence du jusquiame et de l'opium, jour et nuit : « Débarrassez-nous de notre argent, dissipez-le à notre place, achetez-nous et vendez-nous, ruinez-nous, seulement nous vous en supplions, prenez rang parmi les puissants de la terre, et engraissez-vous à nos dépens1 ! "
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(1) Allusion biblique : Évangile selon Saint Luc chapitre XVI (on ne peut pas servir deux maîtres. Il faut choisir Dieu ou l’argent)