Le modèle québécois est le modèle de l’interventionnisme
étatique et de la bureaucratie qui en découle.
Lorsque les politiciens désirent intervenir dans le
fonctionnement de la société, le gouvernement promulgue des lois traduisant leurs
intentions. Ensuite, les fonctionnaires rédigent les règlements correspondants et
en surveillent l’application. Au fil des ans, les règlements s’accumulent.
Qu’ils soient périmés, interprétés étroitement par des fonctionnaires
pointilleux, voire carrément nuisibles, tous doivent s’y conformer. Il suffit
de penser aux nombreuses bévues
de l’OQLF et aux abus
de l’ARQ pour s’en convaincre.
Bien sûr, c’est le rôle du gouvernement de déterminer les
règles devant régir le bon fonctionnement de la société. Mais il existe une
marge énorme entre administrer la
justice ou assurer la sécurité des citoyens et décider quelles seront les
heures d’ouverture des magasins ou quel doit être le prix de l’essence, du lait
et des oeufs.
Au Québec, la part des gouvernements (municipaux, provincial
et fédéral) dans l’économie oscille autour de 50 %. C’est énorme étant donné
que la plupart des économistes considèrent qu’une participation de plus de 25 %
à 30 % est contre-productive. Les
programmes de subventions se multiplient à un rythme effarant. Près de 50 %
des subventions accordées aux entreprises canadiennes le sont au Québec. C’est
deux fois plus que notre poids dans l’économie canadienne. Le gouvernement du
Québec produit plus de pages de règlements que les autres provinces.
Pour comprendre pourquoi ce phénomène est une source
d’inefficacité, il faut d’abord analyser le processus décisionnel de tout
individu. Nous sommes naturellement motivés par un instinct de survie codé
génétiquement. Les décisions que nous prenons et les gestes que nous posons comportent
toujours un certain nombre de risques. Nous recherchons instinctivement les moyens
de les minimiser, voire de les éliminer, afin d’améliorer nos chances de
succès.
Par exemple, pour un fonctionnaire, l’acceptation ou le
refus d’une demande de subvention ou d’un permis ou la rédaction d’un rapport
d’inspection négatif, comporte des risques de carrière considérables. Si
l’entreprise ou l’individu concerné n’est pas satisfait de la décision du
fonctionnaire, il peut s’en plaindre aux échelons supérieurs ou alerter les
médias. Il doit donc prendre toutes les précautions possibles pour couvrir ses
arrières au cas où les choses se retourneraient contre lui. Il interprétera les
règlements le plus étroitement possible pour éviter de prêter flan à la
critique. Si malgré tout, les risques de dérapage demeurent élevés, il retardera
sa décision sous un prétexte quelconque en attendant de trouver une solution
acceptable. Idéalement, il trouvera le moyen de refiler la responsabilité de la
décision à un autre ministère, une agence, une commission, son patron, un
collègue, etc. On qualifie ces fonctionnaires de fantômes de la bureaucratie.
La multiplication des structures et des programmes d’intervention
ont pour effet de multiplier les fonctionnaires fantômes. Tous les intervenants : municipalité, municipalité régionale
de comté, ministères, agences, commissions, etc., ont leur cohorte de
fonctionnaires responsables de faire respecter les lois et règlements et de
gérer les programmes d’intervention en vigueur. Comme si cela n’était pas
suffisant, souvent les objectifs et les exigences des uns et des autres sont en
conflit. Pour démêler le tout, l’entrepreneur ou le citoyen qui désire faire
avancer son dossier doit embaucher divers professionnels : avocats,
comptables, lobbyistes, etc..
Plus le gouvernement intervient dans les relations régissant
le bon fonctionnement de la société, plus il devient difficile pour les
citoyens et les entreprises d’agir efficacement. Les délais et les coûts
s’accumulent, réduisent la productivité, découragent l’entrepreneuriat, nuisent
à l’innovation et favorisent un immobilisme dévastateur.