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Branquignol

Publié le 03 avril 2014 par Rolandlabregere

« Quelqu'un peut-il remercier ce gouvernement de branquignols ?», s’était laissée aller Anne Hidalgo au soir du premier tour des municipales. Petite phrase fignolée avec les communicants de son équipe ou formule spontanée ? Le Canard enchaîné rapporte que la phrase réellement prononcée qui est passée à peu près inaperçue recèle une double perspective. « Quelqu'un pourrait remercier ce gouvernement de branquignols qu'on devrait tous mettre à la porte ?» aurait énoncé Anne Hidalgo. Qui accorderait du crédit à un tel ensemble de « branquignols », jamais avares de contradictions, de quiproquos et fausses annonces ?

Les suffixes en « ol, ole » ou « (i)ole » n’évoquent rien de bien sérieux. Comme suffixes nominaux, ils ont une mission d’atténuation. Anne Hidalgo envoie une croquignole lexicale à ce gouvernement. Une semaine plus tard, il est cependant à la ramasse au jeu du chamboule-tout électoral. Il a dû être congédié. Un des trois pieds nickelés, personnages improbables inventés par Louis Forton, hâbleurs et indolents mais néanmoins si conformes à certains de ceux que nous croisons chaque jour, se nomme Croquignol. Le lecteur rit de lui comme il rit des deux autres compères. Croquignol porte le monocle, et arbore une veste jaune qui met en valeur sa grande taille. Le suffixe « ole » dont il est le seul détenteur, ce qui le distingue de ses compères, le protège des jugements définitifs. Le bougre n’est d’ailleurs pas antipathique.

« Branquignol » fait partie de ces mots qui, sans que leur sens soit parfaitement connu et partagé, incitent à sourire. Ce mot n’évoque en rien quelque chose de sérieux. Ses origines le disent durement. Il dérive de formes régionales braque ou branque. Le sens oscille de nigaud à loufoque en passant par incompétent. Le Robert donne au provençal branco le sens de traînard. Sa proximité phonique avec guignol renforce la dimension satirique qu’il suggère. Employé au pluriel comme le fait Anne Hidalgo oblige à faire le lien avec la troupe de comédiens à la verve déjantée, inspirée par Robert Dhéry et Francis Blanche, qui revivifièrent l’esprit chansonnier dans la deuxième moitié du XXème siècle. Le branquignol n’est pas d’aplomb dans sa tête dit Robert Dhéry.

Avec sa charge mesurée contre « ce gouvernement de branquignols » Anne Hidalgo se plaint modérément de la performance de l’équipe dirigée par Jean-Marc Ayrault. Chacun donnera à branquignol le sens qui convient à ses préférences. Quant à le « mettre à la porte », ne laisse poindre aucun sous-entendu révolutionnaire. L’intention pour Anne Hidalgo est de faire état de sa différence ponctuelle. La critique n’est pas au vitriol. Aux éloquentes philippiques de Jean-Luc Mélenchon, Anne Hidalgo répond par de doucereux reproches. La candidate a commis une babiole linguistique qui sera vite oubliée. Savoir dire n’est pas parler. Le risque de défaite était mince pour elle. Ce n’est pas le parapluie qu’elle ouvrit, mais le parasol.


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