Crisis est une nouvelle série diffusée sur les ondes de NBC aux États-Unis depuis la mi-mars. L’action se déroule à Washington alors qu’un autobus transportant des adolescents issus de l’élite à la fois politique et diplomatique sont kidnappés par une bande de terroristes et conduits dans un endroit secret. Celui qui est à la tête de l’opération est Francis Gibson (Dermot Mulroney), un ancien analyste à la CIA et dont la fille, Beth Ann (Stevie Lynn Jones) fait partie desvictimes. Avec ses collaborateurs, il oblige chaque parent à commettre toutes sortes d’actes illégaux s’ils veulent retrouver leurs progénitures. Croisement entre Hostages et Revenge, Crisis en fait beaucoup trop, d’autant plus que les motifs qui guident le cerveau de l’opération ne tiennent pas la route. Dans les faits, la série est un suspens se rapprochant davantage du kitch et on se demande si justement ce n’est pas ce côté plus grand que nature qui attirera des fans… sarcastiques.
Des proies faciles
C’est à un endroit très précis où les réseaux sans fil sont inexistants que les adolescents sont kidnappés. Ce qu’il y a de plus inquiétant, c’est que les ravisseurs sont issus de la police ou du FBI; c’est donc dire qu’ils ont une longueur d’avance sur les forces de l’ordre existantes puisqu’ils savent comment ils fonctionnent et comment agir sans qu’on ne parvienne à les localiser. Le cerveau de toute cette affaire, Gibson, se trouvait à bord de l’autobus à titre de chaperon et ce père de famille qui inspire le dédain de ceux qu’il surveille a tout planifié depuis des mois et sait exactement ce qu’il exigera des parents de chacun des enfants enlevés. Par exemple, il demande à Meg Fitch (Gillian Anderson), PDG d’une puissante société informatique internationale, une rançon de 20 millions $ alors que l’ambassadeur du Pakistan doit tuer un de ses gardes de sécurité. Dans l’épisode suivant, le chef d’état-major à la Maison blanche doit attirer dans un hôtel un général haut gradé et le torturer jusqu’à ce qu’il révèle l’emplacement d’une vidéo compromettante cachée par la CIA.
Ceux qui ont la lourde tâche de mettre fin à ce cauchemar sont les agents Marcus Finley (Lance Gross) qui était sur les lieux de l’enlèvement et qui a pu rescaper un des enfants in extremis et Amber Fitch (Halston Sage), la jeune sœur de Meg. L’intérêt dans Crisis est de savoir jusqu’où un être humain peut aller pour la sauvegarde de sa famille. Ici, la réponse est simple : à tout. En effet, après trois épisodes, l’équipe de Gibson parvient toujours à ses fins et il est aisé de remettre en cause le travail de Fitch et de Finley qui ont constamment quelques minutes de retard. De toute façon, les parents contactés par les ravisseurs acceptent toujours de collaborer, quoi qu’on leur demande, ce qui fait que l’effet dramatique est facilement escamoté.
Une revanche disproportionnée en réponse à un amour-propre froissé
Le problème avec Crisis, c’est qu’elle nous arrive avec une formule déjà exploitée et que pour sortir du lot, elle en fait trop… et mal. On associe en premier lieu la série à Hostages diffusée cet automne sur CBS et dans laquelle un agent du FBI prenait en otage une famille dont la mère qui est médecin devait provoquer la mort du président des États-Unis lors d’une chirurgie. Dans la série de CBS, on s’attachait aux quatre membres de la famille et même parfois aux ravisseurs. À NBC, les enfants sont soit gâtés, intellos ou trop parfaits et ils sont en trop grand nombre pour qu’on s’y attarde. Dans Hostages, on approfondissait les relations entre les ravisseurs et les victimes de semaine en semaine comme dans un film.À l’opposé, Crisis nous offre la formule du procedural où chaque semaine, un parent est menacé de voir son enfant tué s’il n’obéit pas aux ordres, ce qui fait qu’on emprunte beaucoup de raccourcis pour maintenir ce schéma de façon hebdomadaire. Ce manque de profondeur se reflète aussi dans les dialogues ou mises en scène. On lève constamment les yeux lorsque quelques enfants disent qu’ils veulent partir parce qu’ils en ont assez et reçoivent des coups de leurs ravisseurs ou qu’un parent qui est contacté par téléphone par l’ennemi y a de ces lignes savantes : « who is this? », « how could you reach me? »… comme si on allait leur répondre.
À chaque fois que Gibson a convaincu un parent de faire ce qu’il voulait, il marque d’un trait une feuille de son cahier dans lequel est élaboré ledit plan… exactement ce que l’on retrouve dans Revenge. Dans cette série d’ABC, dès le pilote, les motifs de l’héroïne Emily sont clairs alors que dans Crisis, le peu qu’on en sait semble totalement surréaliste. D’une part, on voit un flachback où Gibson ne peut entrer dans la maison de son ex-femme pour voir sa fille (les serrures ont été changées) et celle-ci refuse même de lui ouvrir la porte. Plus tard, ses complices lui demandent quel est le but de sa vengeance (comment? Ne savent-ils pas déjà pourquoi ils se sont embarqués dans une aventure si risquée?) et le malfrat de répondre « I wanna break the people at the CIA the way they broke me ». Qu’il s’agisse d’une vengeance sentimentale ou d’un règlement de compte envers ses anciens collègues, Gibson ne doit pas avoir toute sa tête pour recourir à une situation aussi extrême. Preuve d’un certain déséquilibre mental, pour faire croire au groupe qu’il est aussi une victime, il feint de se rebeller et un garde lui coupe un doigt. Dans son article, Kaitlin Thomas exprime bien tout le ridicule et l’improbabilité de la situation : « The guy willingly had his finger chopped off in the name of revenge! Not even Emily Thorne is that ballsy, and Revenge is the name of her damn show! »
Il est surprenant de constater que Hostages et Crisis, deux séries à haute tension dont le kidnapping est le thème principal, aient attiré, dès le pilote, si peu d’attention. Pourtant, le policier qui est un genre similaire suscite toujours un intérêt certain. Ainsi, la série de NBC a rassemblé 6,53 millions de curieux et trois semaines plus tard, ce chiffre descendait à 4,3 : une baisse de 34 % en si peu de temps qui fait craindre pour l’avenir. Comme il y a du positif dans tout, ABC a récemment déplacé Revenge qui est passée dans la case horaire de 22 h les dimanches afin de donner plus de visibilité à sa nouvelle série diffusée une heure plus tôt : Resurrection. Les cotes d’écoute déclinantes de Crisis pourraient bien profiter à la série d’Emily Thorne et ainsi concrétiser l’annonce d’une quatrième saison? À suivre…