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Architecture stalinienne

Publié le 07 avril 2014 par Aelezig

L'architecture stalinienne, ou style impérial stalinien, classicisme stalinien, ou encore gothique stalinien, sont les noms donnés à l'architecture de l'Union soviétique entre 1933 et 1955, quand Nikita Khrouchtchev condamne les « excès » des décennies passées et dissous l'Académie soviétique d'architecture.

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Institut textile, Moscou (constructiviste)

Traits caractéristiques

Dans la politique soviétique de rationalisation du pays, toutes les villes doivent être reconstruites selon un nouveau plan d'urbanisme. L'interaction de l'État avec les architectes constitue le facteur déterminant de cette époque. Des styles recherchés comme le néorenaissance d'Ivan Zholtovsky, le néoclassicisme pétersbourgeois d'Ivan Fomine ou l'adaptation de l'Art déco d'Alekseï Douchkine et Vladimir Chtchouko coexistent avec des imitations et des éclectismes en tout genre qui sont devenus emblématiques de cette période.

En ce qui concerne les méthodes constructives, la plupart des édifices cachent de simples murs de brique, sous leurs décorations en stuc riches et chargées ; font exceptions les maisons à demi-panneaux en béton d'Andéry Bourov et les grosses constructions comme les gratte-ciel staliniens pour lesquels le béton est plus approprié. Des finitions en terre cuite ignifuge commencent à être introduites au début des années 1950, mais sont rarement utilisées en dehors de Moscou. La plupart des toitures sont constituées de treillis en bois traditionnels couverts par des feuilles métalliques.

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Immeuble constructiviste, Moscou

L'architecture stalinienne se caractérise par une maçonnerie exigeante en capacité de travail et en délai, et ne peut convenir aux impératifs de la construction de masse. Quand vient le temps de la crise du logement, son manque d'efficacité signe sa fin et une conversion à la construction de masse généralisée alors même que Staline est toujours vivant et en fonction.

Bien que Staline ait rejeté le Constructivisme, l'achèvement de bâtiments constructivistes se poursuit dans les années 1930. La construction industrielle est fortement influencée par les idées modernistes. Elle n'est pas très importante dans les plans d'urbanisme de Staline, c'est pourquoi beaucoup de ces bâtiments industriels ne tombent pas dans la catégorie d'architecture stalinienne. Même les premières phases du métro de Moscou, terminées en 1935, comprennent des apports constructivistes substantiels.

Le champ de l'architecture stalinienne est généralement limité aux aménagements urbains et aux immeubles résidentiels de haute et moyenne qualité, à l'exclusion absolue de l'habitat de masse, et à certains projets d'infrastructure comme le canal de Moscou, le canal Don-Volga et aux phases ultérieures du métro de Moscou.

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rue Mokhovaya, Moscou

Le contexte historique (1900-1931)

Avant 1917, le scène architecturale russe est divisée entre les Russky Modern (une interprétation locale de l'Art nouveau, surtout à Moscou) et le renouveau néoclassique (plus important à Saint-Pétersbourg). L'école néoclassique forme des architectes bien aguerris comme Alekseï Chtchoussev, Ivan Zholtovsky, Ivan Fomine, Vladimir Chtchouko et Alexandre Tamanian ; au moment de la Révolution, ils sont quadragénaires et déjà bien établis professionnellement, ils ont leur propre agence, leur école et leurs adeptes. Ces figures vont devenir les patriarches de l'architecture stalinienne et produiront les meilleurs exemples de ce style.

Une autre mouvance émerge, elle, après la Révolution : le constructivisme. Ce sont de jeunes professionnels qui compensant leur manque d'expérience par une exposition publique importante. Mais l'expérience ne vient pas en une nuit, et beaucoup de leurs édifices sont critiqués pour leurs plans non-rationnels, les dépassements de budget et la faible qualité de construction.

La limite entre les architectes traditionalistes et les constructivistes n'est pas réellement bien définie. Zholtovsky et Chtchoussev emploient des modernistes en tant que cadets pour leur chantiers, en même temps qu'ils incorporent des innovations constructivistes dans leurs propres projets.

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L'urbanisme se développe à part. La crise du logement dans les grandes villes et l'industrialisation de zones lointaines amènent à la construction de masse, l'aménagement de nouveaux territoires et le reconstruction de vieilles cités aussi. Des théoriciens conçoivent une variété de stratégies qui génère des discussions politisées et passionnées sans beaucoup d'impact dans la pratique ; l'intervention étatique est imminente...

Les prémices (1931-1933)

Les architectes invités à diriger les ateliers lancés par Staline sont principalement traditionalistes, mais aussi constructivistes. Staline n'a jamais promu qu'un seul architecte ou adopté qu'un seul style, contrairement à Hitler qui avait choisi le seul Speer. Les grands projets de Staline créent des milliers d'emplois. La jeunesse turbulente et bruyante est absorbée par le travail et s'abstient de toute réclamation. 

Avant-guerre (1933-1941)

Les premières années de l'architecture stalinienne sont marquées par des bâtiments-objets ou, au moins, des projets d'un seul bloc. Les trois plus importants monuments de Moscou de cette période se tiennent sur la même place, tous bâtis entre 1931 et 1935, bien que chaque projet ait évolué indépendamment, avec un souci a minima de la composition d'ensemble. Chacun est le paradigme d'une tendance qui va se ramifier durant les deux décennies suivantes :

  • l'immeuble de la rue Mokhovaya de Zholtovsky, une fantaisie italianisante renaissante, annonce les façades luxueuses qu'on verra après-guerre (le style impérial stalinien).
  • l'hôtel Moskva d'Alekseï Chtchoussev. Cette typologie de style ne sera pas très présente à Moscou (la tour au sommet du hall Tchaïkovsky ne sera jamais terminée), mais de grands édifices similaires vont voir le jour à Bakou et Kiev. Les minces arches romaines des balcons vont être très répandues à travers tout le pays dans les années 1930. Après la guerre elles persisteront dans les villes du sud, mais disparaîtront complètement de Moscou,
  • enfin le bâtiment du STO d'Arkady Langman (plus tard du Gosplan, aujourd'hui siège de la Douma) : un édifice modeste, mais charmant avec des détails dans le sens de la hauteur. Ce style qui est une adaptation astucieuse de l'Art déco américain requérait des finitions onéreuses en pierre et en métal, son développement sera donc limité.

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Une branche à part, appelée Stalinisme précoce ou Postconstructivisme, se développa de 1932 à 1938. Les immeubles conservent les formes simples rectangulaires et les larges surfaces vitrées du Constructivisme, mais avec des balcons, des portiques et des colonnes ornés. Dès 1938 ce style s'éteint et ne connaîtra pas de regain après la guerre.

A Moscou, les projets de monuments isolés menacent de devenir un bric-à-brac de bâtiments de tous styles et toutes tailles. En juillet 1935 l'État évalue la situation et promulgue un décret sur le plan d'urbanisme de la ville. Ce plan, entre autres choses, indique les directions urbanistiques voulues par Staline :

  • les nouveaux aménagements doivent procéder par tranches de grands ensembles, et non par bâtiments isolés,
  • la taille des îlots doit augmenter,
  • les nouveaux aménagements doivent se limiter à une densité de 400 habitants par hectare,
  • les immeubles doivent avoir au moins 6 étages ; de 7, 10 à 14 étages sur les grands axes prestigieux,
  • les quais sont des axes de prestige réservés aux habitations de haut standing et aux bureaux.

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Villa des Lions

Ce règlement bannit de fait les constructions de masse bon marché dans la vieille ville et les axes prestigieux, de même que les maisons individuelles familiales. Le développement des ensembles bon marché va se faire dans des zones excentrées, mais la plupart des fonds vont satisfaire en priorité les projets résidentiels neufs et onéreux qui font passer la façade et la pompe avant les besoins essentiels de ces villes surpeuplées...

Après-guerre (1944-1950)

L'architecture d'après-guerre, parfois perçue comme un style uniforme, comprend cinq grands axes :

  • opérations de résidences luxueuses et de bureaux à large échelle comme la perspective Moskovsky à Léningrad ou la perspective Léninsky à Moscou,
  • projets d'infrastructure d'envergure (métros à Léningrad et Moscou, le canal Volga-Don),
  • reconstruction des dommages de guerre à Koursk, Minsk, Kiev, Smolensk, Stalingrad, Voronej et des centaines d'autres villes...
  • campagne menée en faveur des technologies nouvelles et bon marché pour résoudre la crise du logement, patente depuis 1948 et politique officielle depuis 1951,
  • construction de villes nouvelles, principalement en Sibérie.

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Place Gagarine, Moscou

La construction de logement dans les villes d'après-guerre est clairement séparée en fonction de la classe des locataires (un comble dans une idéologie communiste...). Aucun effort n'est fait pour dissimuler le luxe ; parfois c'est seulement manifeste, parfois c'est délibérément exagéré ! Les résidences campagnardes sont dignes d'un roi ; ainsi la Villa aux Lions de 1945 dessinée par Ivan Zoltovsky, une luxueuse résidence de ville pour les maréchaux de l'Armée rouge. Les appartements pour maréchaux de Lev Roudnev en 1947, dans le même îlot, sont rutilants, mais un peu moins clinquants. Il y avait un type de logement pour chaque degré dans la hiérarchie de Staline...

Les immeubles pour les classes supérieures peuvent facilement être identifiés par des détails révélateurs comme l'espace entre les fenêtres, les appartements avec terrasse et oriels. Parfois, le rang et la profession des locataires se répercutent dans l'ornementation, parfois par des plaques commémoratives. Il est à noter qu'il s'agit là d'une pratique essentiellement moscovite.

Le métro de Moscou date de cette époque. Il n'est pas perçu comme un dispositif de propagande, mais comme un service urbain. Mais les enjeux changent dès la deuxième phase des travaux en 1935. Cette fois le métro devient une affaire politique et bénéficie d'un budget bien supérieur. La deuxième phase donne des exemples du style stalinien comme les stations Maïakovskaïa (1938), Élektrozadovskaïa et Partizanskaïa (1944).

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Place de la gare centrale, Minsk (ex URSS, aujourd'hui Biélorussie)

Après la guerre, les architectes se bousculent pour les concours du métro (ajout de nouvelles lignes). Ces nouvelles stations sont dédiées à la Victoire, c'est une ode au stalinisme victorieux et nationaliste. La station Oktyabrskaïa de Léonid Polyakov est construite tel un temple classique, avec un autel bleu ciel étincelant derrière des vantaux en fer – une belle entorse à l'athéisme d'avant-guerre. La station Park Kultury est décorée de véritables lustres gothiques. La station Arbatskaïa de Léonid Polyakov, devient la plus longue station du réseau, 250 mètres au lieu des 160 standard, et sûrement aussi la plus extravagante.

1958 marque la fin des toutes constructions staliniennes.

Les Sept Soeurs : En 1946, Staline conçoit l'idée de zébrer l'horizon de Moscou de gratte-ciel. En 1947 huit sites sont repérés (l'un d'entre eux sera par la suite abandonné – les sept gratte-ciel restants seront surnommés les « sept sœurs »). Huit équipes de concepteurs dirigées par la nouvelle génération d'architectes exécutent un nombre impressionnant d'esquisses. Il n'y a pas de concours ouvert, ce qui est un indicateur du degré d'implication de Staline...

Des gratte-ciel similaires sont érigés dans d'autres villes. Des tours de huit ou douze étages sont construites au milieu des bâtiments de quatre à cinq étages des centres régionaux d'après-guerre. On retrouve des tours jumelles flanquant les grandes places dans de nombreuses villes allant de Berlin.

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Douma de Iékaterinbourg

Avenue de l'Indépendance de Minsk : L'ensemble urbain et architectural de l'avenue Nezalezhastci à Minsk est un exemple d'une approche intégrée d'organisation urbaine par la combinaison harmonieuse des monuments, de l'aménagement, de l'environnement et de la présence du végétal, naturel ou planté. L'élaboration de cet ensemble s'étale sur une période de quinze ans après la Deuxième Guerre mondiale. Il s'étend sur 2 900 mètres. La largeur de la chaussée et des trottoirs varie entre 42 et 48 mètres.

Tous les bâtiments actuels qui forment la zone urbaine autour de l'avenue Nezalezhnastci sont inscrits sur la liste du Patrimoine historique et culturel de la République de Biélorussie. L'ensemble architectural en lui-même, avec ses bâtiments, ses tracés et sa physionomie sont protégés par l'État et inscrits sur la liste comme complexe patrimonial historique et culturel.

Les républiques nationales de l'URSS sont enjointes de développer leur propre style stalinien, avec plus ou moins de liberté. Quand les talents locaux font défaut, des architectes russes y suppléent. L'architecture stalinienne est également employée de 1948 à 1956 dans les démocraties populaires du bloc de l'Est d'après-guerre (Pologne, Allemagne de l'Est, Roumanie...), souvent après avoir étouffé une opposition interne moderniste. Parfois on peut y déceler une certaine couleur locale, mais cette architecture est surtout vécue comme une importation soviétique.

La volte-face de l'architecture stalinienne vers la construction en béton préfabriqué est généralement associée à l'administration de Krouchtchev et en particulier à son décret de novembre 1955 sur la « liquidation des excès. » Krouchtchev a effectivement mené une campagne d'économie des dépenses publiques, mais celle-ci avait commencé dès 1948, alors que Staline était toujours en vie et au pouvoir.

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Avenue de l'Indépendance, Minsk

En 1947, l'ingénieur Vitaly Lagoutenko est chargé d'étudier et de concevoir une technologie bon marché conforme à la production de masse. Lagoutenko concentre son attention sur de larges panneaux en béton préfabriqués. Il contacte les architectes de l'époque, Mikhaïl Posokhine (père) et Achot Mendoïants, et en 1948 cette équipe construit leur premier immeuble à ossature recouverte de panneaux. Des immeubles identiques sont construits entre 1949 et 1952 à travers tout le pays. Posokhine avait aussi conçu plusieurs configurations pseudo-staliniennes sur un même immeuble, avec des effets décoratifs « excessifs » ; ceux-ci ne seront pas appliqués. Les ossatures en béton deviennent courantes pour la construction industrielle, mais restent trop onéreuses pour la construction de logements de masse.   Vers 1955, l'architecture dite stalinienne prend fin... En 1958, Kroutchtchev devient président du conseil des ministres.   D'après Wikipédia    

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