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Loin des yeux, loin du coeur

Publié le 16 mai 2008 par Edgar @edgarpoe
C'est un fait connu et bien établi : l'Europe travaille au bien de l'humanité et vaut donc que pour elle la jeunesse se mette à chanter (lire chez MC des commentaires plus virulants que les miens sur la vidéo assez hallucinante de jeunes fédéralistes). C'est-à-dire que pour nous les européens, l'Europe c'est Erasmus, la paix éternelle et la poignée de main Mitterrand-Kohl. Vu de l'extérieur c'est autre chose. Par exemple dans les années 70, l'Europe avait monté des politiques intelligentes qui permettaient le développement de pays extérieurs. Par exemple, au terme de ces accords dits ACP, les producteurs de coton africains se voyaient accorder des tarifs préférentiels pour exporter vers l'Europe, sans que des concessions similaires ne leur soient demandées. Pour faire vite, bientôt ce sera fini. L'Union européenne ayant décidé de se plier aux règles de l'OMC, les pays pauvres qui voudront exporter vers l'Europe devront réciproquement accepter un libre-échange intégral. On leur accordera bien quelques subventions pour calmer le jeu, mais pas grand chose à voir avec les accords précédents. Il leur faudra donc, en échange de leur sucre, accepter les betteraves, les assurances, les poulets et tous les bien et services produits dans la douce Union. Pour ceux qui veulent aller plus loin sur ce sujet, le site d'Oxfam offre une synthèse plus précise et détaillée. Le prétexte de ce billet c'est que je suis tombé sur une information qui illustre parfaitement le processus. On y voit des producteurs fidjiens de sucre fêter amèrement leur dernier grand contrat avec l'Europe (pour mémoire, Fiji c'est 5500 dollars par an de PIB par tête, contre 33000 pour la France. On est bien dans un pays pauvre, même s'il y a pire) : "Un accord d'un milliard de dollars fidjiens La Société sucrière fidjienne (Fiji Sugar Corporation) a décroché ce contrat de près de 70 milliards de F cfp dans le cadre d'un accès préférentiel du sucre fidjien en Europe. Les îles Fidji ont été autorisées à exporter 300 000 tonnes de sucre brut par an pendant 7 ans en Europe. Les exportations se feront via l'acheteur du marché européen Tate & Lyle, qui compte les plus grandes installations de raffinage de sucre en Europe et qui est l'un des leaders mondiaux sur les marchés du sucre. Selon le Fiji Times, ce contrat entre dans le cadre des Accords de partenariats économiques entre l'Union européenne et les pays membres du groupe ACP (Afrique-Caraïbes-Pacifique) et en fonction de la réforme du régime sucrier européen adoptée par les ministres de l'agriculture de l'Union européenne en février 2006. Plusieurs pays ACP sont hostiles à ce plan de réforme du sucre de l'Union européenne et qui rendra obsolète à partir d'octobre prochain le Protocole-Sucre signé en 1975 et qui permettait aux exportateurs ACP d'obtenir un prix garanti." Radio Australia (en français, apparemment la radio australienne maîtrise mieux cette langue que la Commission ...hum... européenne, ou que la Banque centrale.. hum... européenne) Donc l'Europe ne sert en rien à adapter les règles du commerce international pour plus de justice. Elle sert à coopérer avec les USA pour affaiblir un peu plus les pays pauvres (pour citer Oxfam, encore : Le cycle de négociations commerciales de l’OMC – dit cycle de Doha pour le développement – est dans l’impasse, mais les pays les plus pauvres restent soumis à une pression visant à leur faire ouvrir leurs marchés, avec des conséquences potentiellement désastreuses. Ces négociations avaient pour objectif affiché de rendre le commerce plus juste ; elles ont été bloquées par les Etats-Unis et l’UE qui ne souhaitaient pas corriger les règles biaisées et le système de deux poids deux mesures dont ils bénéficient.) Donc l'Europe grâce à laquelle unis-nous-serons-plus-forts sert à être plus forts face aux pays pauvres ? Le savent-ils ces jeunes qui se trémoussent à l'idée d'une Europe fédérale ? Pour le coup, l'argument imparable des pro-europe ne peut pas jouer : ce ne sont pas les gouvernements qui sont responsables de cette politique de fermeture. La politique commerciale est l'un des domaines qui sont maintenant à peu près complètement communautarisés, c'est-à-dire tombés sous la loi du marché la plus brutale (je ne vois pas bien d'ailleurs comment un Emmanuel Todd peut imaginer que les mêmes institutions pourraient demain servir à imposer une préférence comunautaire). Mais comme cela se passe loin d'ici, les jeunes inconscients peuvent se trémousser encore un peu. Jusqu'à ce que leurs yeux s'ouvrent...

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