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Vers la dictature économique?

Publié le 24 avril 2014 par Blanchemanche
Libre-échange transatlantiqueVERS LA DICTATURE ÉCONOMIQUE?
VERS LA DICTATURE ÉCONOMIQUE?

Vers la dictature économique?

22 Avril 2014 Nous ou­vrons dans GLO­BAL le dos­sier du Par­te­na­riat trans­at­lan­tique de com­merce et d’in­ves­tis­se­ment appelé aussi Trans­at­lan­tic Trade and In­vest­ment Part­ner­ship (TTIP) qui se négocie dans la foulée de l’Ac­cord éco­no­mique et com­mer­cial glo­bal (AECG) signé par le président de la Com­mis­sion européenne le 18 oc­tobre 2013 avec le Ca­nada et en at­tente de ra­ti­fi­ca­tion par le Par­le­ment. C’est le fruit d’une longue enquête - non close - sur une énorme négo­cia­tion qui nous concerne tous, au même titre que plus de 858 mil­lions de per­sonnes des deux côtés de l’At­lan­tique. En­orme parce qu’elle si elle abou­tit, elle créera le plus grand marché unique du monde. En­orme parce que les prin­cipes et normes adoptées s’im­po­se­ront à nous ... Et au reste du monde.

Démo­cra­tie bafouée

Au XXIème siècle, 225 ans après la Révo­lu­tion et l’expérience de plu­sieurs Répu­bliques, une telle am­bi­tion exige d’abord que le man­dat des négo­cia­teurs soit débattu et définit par les Par­le­ments européens et na­tio­naux s’ap­puyant sur un large débat dans la société ci­vile. Il en découle en­suite une exi­gence de trans­pa­rence to­tale des négo­cia­tions parce que l’on sait d’expérience le poids des lob­bies privés sur ce type de traité, on connait la fai­blesse in­tel­lec­tuelle, et par­fois mo­rale, de nos élites po­li­tiques in­ca­pables de pen­ser le monde de­puis la chute du Mur, et l’on subit de­puis trop long­temps la cor­rup­tion idéolo­gique de la caste des éco­no­mistes. Or, ces deux traités sont négociés dans le plus grand se­cret ! Pour­quoi ? C’est la ques­tion es­sen­tielle. Pour­quoi se ca­cher pour négo­cier si tout est honnête et dans l’es­prit du bien com­mun ? Pour­quoi dis­si­mu­ler le contenu de la négo­cia­tion, y com­pris aux députés européens ? Pour­quoi ba­fouer, en Amérique et en Eu­rope, les règles les plus élémen­taires de la démo­cra­tie ? Fi­na­le­ment, pour­quoi ce traité ?

Une of­fen­sive préparée de longue date

L’enquête que vous allez décou­vrir re­trace briève­ment la genèse de ce pro­jet de traité. Elle nous ren­voie aux len­de­mains de la chute du Mur de Ber­lin. L’ef­fon­dre­ment du bloc com­mu­niste et de ses sa­tel­lites inau­gure une ex­pan­sion à grande vi­tesse des échanges com­mer­ciaux. Les Etats-Unis qui ont sou­tenu la nais­sance de l’Union européenne par néces­sité géopo­li­tique face à la me­nace soviétique, fa­ci­litent dès les années 90 la libéra­tion des échanges conve­nant à leurs mul­ti­na­tio­nales, no­tam­ment à tra­vers les ac­cords mul­ti­latéraux du GATTpuis de l’Or­ga­ni­sa­tion mon­diale du com­merce (OMC). Mais l’Amérique gri­macent de­vant la montée en puis­sance éco­no­mique de l’Eu­rope, no­tam­ment celle de sa mon­naie qui me­nace au­jour­d'hui la suprématie du dol­lar dans les échanges com­mer­ciaux. L’Union européenne, avec son marché unique de plus en plus réglé par des règles so­ciales, sa­ni­taires, en­vi­ron­ne­men­tales de­vient un modèle mon­dial no­tam­ment pour les BRICS  (Brésil, Rus­sie, Inde, Chine, Afrique du Sud) avec les­quels l’UE en­tre­tient et ac­croit de bonnes re­la­tions. Cette évo­lu­tion contra­rie les firmes de­ve­nues trans­na­tio­nales. Contrai­re­ment à l’at­tente de ces dernières, l’OMC est bloquée par la po­li­tique, par le blo­cage de gou­ver­ne­ments sou­cieux des intérêts de leurs peuples. Pour gou­ver­ner le monde selon leurs règles (en gros l’abais­se­ment maxi­mum des coûts de pro­duc­tion et de cir­cu­la­tion des mar­chan­dises et des ser­vices), ces firmes ont lancé une of­fen­sive d’ac­cords bilatéraux qui contournent l’OMC et pour­raient abou­tir à terme à sa dis­pa­ri­tion. Dans cet es­prit, deux or­ga­ni­sa­tions de lob­bying in­dus­triel, com­mer­cial et fi­nan­cier ont été créées pour ame­ner l’Eu­rope à s’ali­gner sur le droit des af­faires états-unien : en 1992, le Trans­at­lan­tic Po­licy Net­work (TPN) et dès 1983, l’Eu­ro­pean Round Table of In­dus­tria­lists(ERT). Ren­contres, rap­ports, fi­nan­ce­ment de think tank, de­puis leur création ces or­ga­ni­sa­tions dis­til­lent auprès des déci­deurs po­li­tiques et éco­no­miques et des fonc­tion­naires européens une idéolo­gie libre-échan­giste dans la plus pure or­tho­doxie libérale du XVIIIèmesiècle, drapée dans une langue tech­no­cra­tique imbibée « d’éco­no­mie du bien-être ». Celle-là même que bi­be­ronnent de­puis plus de vingt ans les fonc­tion­naires européens.Le man­dat donné au négo­cia­teur européen est dans cet es­prit, sans la moindre prise en considéra­tion des alertes glo­bales, ter­restres, qui mo­bi­lisent déjà les tra­vaux du Par­le­ment européen et de l’ONU: alertes d’épui­se­ment des res­sources na­tu­relles, de pol­lu­tions mul­tiples, d’ex­tinc­tion ra­pide de la bio­di­ver­sité, de réchauf­fe­ment cli­ma­tique, de mi­gra­tions des po­pu­la­tions, de faim de près d’un mil­liard de per­sonnes.

La plus grande ba­taille de l’His­toire

On as­siste à une véri­table ba­taille op­po­sant deux concep­tions des échanges, deux cultures. D’un côté l’Eu­rope, première puis­sance éco­no­mique mon­diale, dont la force po­li­tique est faible mais l’es­pace po­li­tique marqué par des cultures ci­toyennes na­tio­nales fortes ; la loi y in­carne une idée col­lec­tive du bien com­mun ou pour le moins les rap­ports de force qui le défi­nissent ; l’état et le gou­ver­ne­ment sont des le­viers d’amélio­ra­tion et de pro­tec­tion de la société ; comme les autres ac­ti­vités hu­maines, le com­merce y est pensé sous le contrôle de la po­li­tique. De l’autre, les Etats-Unis, première puis­sance mi­li­taire de la planète, où la loi protège avant tout les intérêts privés et les pos­si­bi­lités pour chaque in­di­vidu de déve­lop­per une stratégie d’en­ri­chis­se­ment matériel et fi­nan­cier ; l’état et le gou­ver­ne­ment sont les ga­rants de l’exer­cice « non faussé » de la concur­rence entre en­tre­prises et des intérêts com­mu­nau­taires ; le monde des af­faires guide et contrôle le pou­voir po­li­tique.Cette négo­cia­tion du TTIP est le champ de ba­taille de ces deux concep­tions du monde, l’une d’éman­ci­pa­tion des peuples et de so­li­da­rité in­ter­na­tio­nale, l’autre de contrôle de plus en plus hégémo­nique des échanges et des po­pu­la­tions.

Plus d’Eu­rope !

Considérer ce traité comme une opéra­tion de l’Amérique dévo­rant l’Eu­rope (ou l’in­verse) se­rait une er­reur. Il ne faut pas se méprendre, nous avons af­faire à une stratégie des en­tre­prises trans­na­tio­nales pour contrôler les états-na­tion. Le TTIP est une négo­cia­tion entre firmes avec pour témoin, ar­bitre et exécu­teur contrac­tuel les états…En France, at­teint d’une myo­pie po­li­tique peu com­mune, le gou­ver­ne­ment n’a vu dans le TTIP qu’une me­nace contre « l’ ex­cep­tion cultu­relle » et en a fait un che­val de ba­taille qui dis­si­mule l’am­pleur de l’of­fen­sive comme l’arbre cache la forêt.Et ignore – ou feint d’igno­rer – la réalité de la me­nace qui pèse sur notre mode de vie.Le se­cret de la négo­cia­tion af­firme avec ar­ro­gance un refus du contrôle indépen­dant du Par­le­ment européen et de la société ci­vile européenne. C’est un re­nie­ment de la légalité européenne, un aban­don de la sou­ve­rai­neté intérieure européenne au pou­voir des firmes trans­na­tio­nales (c’est déjà le cas en Amérique du nord). C’est une prise de pou­voir in­ter­con­ti­nen­tale selon les règles des en­tre­prises, au-des­sus des lois des États ou groupes d’États comme l’UE. Nous sommes à l’aube d’une déconstruc­tion de l’Eu­rope et d’une mise à mort de la démo­cra­tie.La crise ukrai­nienne, dans la­quelle les Etats-Unis ont attisé les feux de la révolte, pour­rait les aider à préci­pi­ter la conclu­sion du TTIP. Com­ment stop­per cette des­truc­tion de l’Eu­rope ? L’arme de des­truc­tion du traité est la trans­pa­rence et le débat pu­blic. C’est aux  sociétés ci­viles européennes de les im­po­ser. La cam­pagne des élec­tions européennes du 25 mai pro­chain est la chance his­to­rique d’in­ter­pel­ler can­di­dats et élus de tous les par­tis démo­cra­tiques sur leur in­ten­tions de s’op­po­ser au TTIP. L’oc­ca­sion aussi de mo­bi­li­ser les Européens et leurs or­ga­ni­sa­tions ci­toyennes sur la défi­ni­tion de leur Eu­rope. Son af­fir­ma­tion et sa défense ac­crues.

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