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Hasta que me guste. Belkis Ramírez: vivre ensemble comme expérience.

Publié le 25 avril 2014 par Aicasc @aica_sc

Hasta que me guste

El Centro cultural de la Embajada de Espana

Santo Domingo

21 de marzo al 4 de mayo

Hasta que me guste. Belkis Ramírez: vivre ensemble comme expérience.

Belkis Ramirez Rebotes details

Belkis Ramirez
Rebotes details

L’évolution artistique et le questionnement critique des relations humaines ont toujours été au cœur de la production artistique de Belkis Ramírez. Dès ses premiers pas en tant qu’artiste, l’objectif de Ramírez a été de transcender la représentation directe de façon à troubler la tranquillité du spectateur qui s’aventure dans l’espace artistique en pensant contempler quelque chose qui lui serait livré avec passivité. Refuser cette possibilité, compliquer les choses, et ce faisant, permettre au spectateur de s’instruire par l’image et l’expérience esthétique, cela constitue une des réussites principales de Ramírez et ceci à la perfection et pendant des années.
Cette exposition ne fait pas exception dans ce sens, puisqu’elle tente plutôt de développer jusqu’au bout cet impératif de ne jamais prendre les choses comme un dû, d’instruire par l’épreuve et l’erreur, de gommer la distance entre le regardeur et le créateur, et aussi entre les images et les œuvres. Celles-ci, loin de de nous fixer du regard passivement, nous retournent ce regard exigeant des réponses à des questions partagées. Hasta que me guste présente une série d’œuvres nouvelles dans laquelle Ramírez explore de nouvelles techniques artistiques et de nouvelles approches des contradictions générées par le tissu social contemporain menacé. Hasta que me guste s’impose comme une approche ludique de ces contradictions qui consiste à se placer sous une cloche nous rendant ainsi complices dans nos imperfections. Ce qui semble être un test de la voix n’est en fait qu’une épreuve inconfortable évaluant les limites de l’acceptation de soi et en même temps, une promesse hilarante d’amélioration. Aquella Nube transforme l’espace du Centre Culturel d’Espagne à Santo Domingo, nous rendant responsables de la tragédie collective d’aujourd’hui ; la routine n’en fait en rien quelque chose de plus léger ou plus admissible. Dans Ahora que me he calmado on retrouve le ton menaçant et la densité d’Aquella Nube, allusion à un type de violence spécifique de façon à conjurer ceux-ci et à nous impliquer. Nous voilà donc devant un paysage constitué des catastrophes quotidiennes, semblable à un jeu, mais qui de façon implicite exprime une critique. Dans cette situation, face à une paire d’yeux qui nous fixe, enterrés sous un monceau de débris, on requiert non seulement notre attention mais également davantage de participation. C’est par cette imagerie bien définie, minimale que Belkis Ramírez réussit à faire le tour d’une carrière de trente ans sous forme d’une série de questions dont nous ne pouvons débattre que collectivement.

Belkis Ramirez  Pues si como te iba diciendo, 2013-2014

Belkis Ramirez
Pues si como te iba diciendo, 2013-2014

Précisément, Hasta que me guste aide à confirmer le succès et le caractère indispensable de la collaboration s’agissant de moments et de situations d’incertitude. Ceci est une exposition conçue pour illustrer des tragédies partagées, non pour répondre par des reproches, mais bien dans l’intention de générer collectivement des alternatives, ou des portes de sortie. On peut percevoir cette volonté d’inclure les expériences (‘collectiviser les capacités investies dans les situations de discorde’ selon Rancière ) non seulement au cours de la création artistique (Raquel Païewonsky, María Castillo, Karina Noble, Citlally Miranda, Pascal Meccariello, Miguel Piccini, Héctor Montás, Frank Bueno ou encore Alex Otero apportent leur collaboration dans quelques-unes des œuvres), mais également pour ce qui est de l’implication du public requise pour ce type d’exposition. Dans cette série Hasta que me guste cette artiste réussit à amplifier la capacité de ses impressions et de ses installations à rendre le regard, de façon à nous impliquer dans une tâche commune.
Poursuivant les expériences amorcées dans des projets précédents (un objectif déjà présent dans les œuvres plus ‘classiques’, ‘De la misma madera’ ou bien En oferta), les installations et autres vidéos qu’on voit dans Hasta que me guste proposent la participation non comme un genre ‘d’évangélisme artistique ’ mais pour rendre évidente la complexité s’agissant des règles proposées au public communes à tous les agents impliqués dans la créativité. Les œuvres montrées dans la série, loin de proposer des réponses ou de combler des absences, soulignent des questions, nous obligeant à adopter une responsabilité partagée par rapport à elles. En ce sens, Belkis place le spectateur dans une situation confortable pour réfléchir au vivre ensemble cette caractéristique active et transitoire de toute communauté. Cet intérêt à questionner le comment de tout échange commun permet, selon Bishop, ‘de remettre en question les critères artistiques traditionnels en reconfigurant les actions quotidiennes en performances ; de donner une visibilité à certains milieux sociaux et les rendre plus complexes, immédiats et physiquement présents ; à introduire des effets esthétiques à partir du hasard et de la prise de risque ; à problématiser les binaires, le net et l’ arbitraire, le spontané et mis en scène, l’authentique et l’artificiel ; examiner la construction d’une identité collective et dans quelle mesure chacun dépasse ces catégories ’.

Belkis Ramirez Aquella nube, 2013-2014

Belkis Ramirez
Aquella nube, 2013-2014

Hasta que me guste recule donc, dans une tentative d’exploration, à la fois à un niveau formel et conceptuel, les limites et les possibilités de ces excès. Cette exposition constitue la preuve, non d’un travail abouti, mais d’une pensée en devenir dans laquelle nous nous nous impliquons aux côtés de l’artiste.

Dr. Carlos Garrido Castellano
Universidade de Lisboa/Universidad de Granada
AICA (Asociación Internacional de Críticos de Arte), Sección Caribe Sur
[email protected]

Vous pouvez voir d’autres images de cette exposition dans la version anglaise et espagnole de cet article

Notes

Rancière, Jacques, “The Misadventures of Critical Thought”, en The Emancipated Spectator. Londres, Nueva York, Verso, p.49.

Véase Kester, Grant (2004) Conversation Pieces. Community and Communication in Modern Art. Berkeley, University of California Press.

Nancy, Jean Luc (1991) “Of Being-in-Common”, en Miami Theory Collective (eds.) Community at Loose Ends. Minneapolis, University of Minnesota Press, pp.28-39.

Claire Bishop (2013) Artificial Hells. Participatory Art and the Politics of Spectatorship. Londres, Nueva York, Verso, pp.238-239. Nuestra traducción.

Bishop, Claire. Artificial Hells. Participatory Art and the Politics of Spectatorship. London, New York, Verso, pp.238-239.


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