Emprunts toxiques : l'Etat veut se défaire d'une bombe de 17 milliards
Par Sharon Wajsbrot | 25/04Les contentieux avec les collectivités pourraient entraîner la recapitalisation de la SFIL et de Dexia.
L'Etat pourrait alors accuser une charge de 9 milliards dès cette année.
La facture des prêts toxiques pourrait s'avérer extrêmement salée pour l'Etat. En effet, ces prêts aux collectivités locales souscrits auprès des banques de la place pourraient peser à hauteur de 17 milliards d'euros dans les comptes publics, comme le révèle l'étude d'impact du projet de loi de sécurisation des contrats de prêts structurés, présenté mercredi en Conseil des ministres (« Les Echos » du 23 avril). Soit 10 milliards d'euros pour couvrir les risques financiers directs encourus par Dexia et par la SFIL (Société de Financement Local), créée l'an dernier pour reprendre le flambeau de Dexia, et qui a récupéré la majeure partie de ses prêts. Et, en outre, environ 7 milliards d'euros pour couvrir les risques indirects. Une bombe à retardement qui pourrait grever les comptes de l'Etat à hauteur de 9 milliards d'euros dès cette année.En cause, principalement, le risque de recours judiciaires encourus par Dexia et la SFIL, tous deux en mauvaise posture, suite à une décision de tribunal de Nanterre de février 2013 (voir ci-dessous). Dépositaires de la majorité des emprunts toxiques souscrits par les collectivités locales, elles risquent en effet d'accuser le coup de procédures judiciaires extrêmement coûteuses en l'absence de la loi de sécurisation, qui doit valider rétroactivement les contrats de prêts qui ne faisaient pas mention du taux effectif global. « Dans l'hypothèse où l'ensemble des contentieux potentiels devraient être provisionnés à 100 %, les provisions cumulées de SFIL et Dexia atteindraient 10,6 milliards d'euros, dont 7,5 milliards d'euros pour SFIL et 3,1 milliards d'euros pour Dexia », estime l'étude d'impact.Et de fait, cette charge ne pourrait pas être supportée par ces deux banques. Pour la SFIL, qui dispose de 1,5 milliard d'euros de fonds propres, la marge de manoeuvre est en effet bien mince. « Ces obligations de provisionnement se traduiraient à leur tour par des obligations de recapitalisation, et ce, sans doute dès 2014 », prévient l'étude. L'Etat, en tant qu'actionnaire majoritaire de cette nouvelle banque des collectivités locales, dont il détient 75 %, au côté de la Caisse des Dépôts et de La Banque Postale, devrait alors débourser de 2 à 7 milliards d'euros pour combler les pertes et ainsi couvrir les risques dits « indirects ». Cette recapitalisation « devrait être notifiée à la Commission européenne, qui imposerait certainement, compte tenu du montant en jeu, la mise en extinction de SFIL ». Pour Dexia, l'impact est un peu moindre, soit 3 milliards d'euros pour une nouvelle recapitalisation.Une loi « plus ciblée »
Voilà de quoi renforcer la pression sur les sages du Conseil constitutionnel, qui ont déjà retoqué en décembre dernier une première loi de validation des contrats de prêts réalisés aux collectivités locales. Pour mettre toutes les chances de son côté, le gouvernement a opté cette fois-ci pour un projet de loi « plus ciblé »s'adressant à une typologie de contrats de prêts plus restreinte. Un nouveau périmètre qui neutralise la majorité des risques, mais qui laisse encore planer une charge éventuelle de 2,2 milliards d'euros pour la SFIL et de 2,5 milliards d'euros pour Dexia pour des contentieux en cours. Mais surtout en prévisions d'éventuels recours sur prêts non structurés, dont la probabilité d'occurrence paraît faible, selon l'étude.À noterLe projet de loi sera étudié en séance au Sénat le 13 mai.