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Pourquoi Pierre Gattaz ne veut pas baisser son salaire

Publié le 02 mai 2014 par Juan

Les inégalités de revenus n'ont jamais été aussi importantes en France.  Depuis 15 ans, elles s'aggravent. Aux Etats-Unis, certains s'inquiètent du cercle vicieux et déflationniste qui s'installe. En Europe, le risque est identique. En France, quelques hurluberlus intoxiqués par le discours médiatico-politique dominant négligent la chose.

Inégalités pour tous
Aux Etats-Unis, l'ancien ministre du travail de Bill Clinton, Rober Reich, fait campagne pour la relève des salaires et la lutte contre les inégalités de rémunération. Lui qu'on ne soupçonnera pas d'être un dangereux gauchiste, explique très clairement dans un documentaire récompensé au Festival de Sundance pourquoi la captation inégalée des richesses et des rémunérations aux Etats Unis par une fraction très réduite de la population, conjuguée à une baisse des salaires moyens réels de la population est le prélude à une catastrophe économique incroyable.
En cause, la mondialisation qui a facilité la concurrence des mains d'oeuvre les plus pauvres, la technologie qui rend possible l'abolition des frontières, le renoncement politique des élites même à la gauche de l'échiquier politique qui ont réduit l'impôt et la dépense publique.
En Europe, les salaires ont baissé dans les pays les plus affectés par la crise (Grèce, Espagne, Portugal, Irlande). Ils sont restés stables ailleurs. Si la France a été relativement épargnée de cette déflation salariale massive, elle a toutefois connu la même envolée des inégalités de rémunérations.
Comme ailleurs, les classes moyennes disparaissent en France. Ou plutôt, la classe est moyenne quand elle parvient tout juste à résister au coût de la vie. Qu'une fraction de la droite (Wauquiez, Dati, etc) ose s'emparer du sujet sans qu'une majorité (théorique) de gauche n'y réponde reste hallucinant.
Bêtises pour tous
C'est dans ce contexte qu'il faut resituer les couinements libéraux sur le coût du travail. Bien sûr, le Français coûte plus cher que le Bengali, le Portugais ou le Grec. Mais pourquoi donc faudrait-il s'approcher de pays en ruine sociale, proches de la rupture démocratique, épuisés par des années d'austérité ?
"Economiser l’argent public est une nécessité. Utiliser ces économies pour réduire le coût du travail et les impôts constitue en revanche l’une des plus graves erreurs politiques de l’histoire sociale de la gauche." L'Observatoire des Inégalités, 30 avril 2014
En France, le gouvernement a décidé que la baisse du coût du travail était une priorité.
En 2012, la démarche était modeste, un aspect parmi d'autres dans une entreprise de redressement du pays après une décennie d'affres néo-libéraux. Puis elle prit le dessus sur tout le reste. Même les 50 milliards qui un temps étaient promis au redressement des comptes publics furent dérivés de leur objectif primaire pour satisfaire l'urgence à "rendre de la cotisation", c'est-à-dire améliorer le dividende, des plus grandes de nos entreprises. Pris de remords ou conscient du danger, Manuel Valls avait trouver un hochet, on allait supprimer les cotisations salariales sur le SMIC... La belle affaire...
On croyait entendre Nicolas Sarkozy nous vanter l'exonération des heures supplémentaires. Concentrer les baisses de cotisations sur les bas salaires peut même être contre-productif. Cela renforce la "trappe à SMIC", c'est-à-dire les effets de seuil qui découragent les entreprises d'augmenter les salaires au-delà. Ce ciblage n'avait pas la faveur d'Arnaud Montebourg.
Cette semaine, semaine de 1er mai, le patron du MEDEF avait quelque nouvelle et formidable bonne idée sur les salaires à partager. Il voudrait "modérer les salaires" en France, pendant "2 ou 3 ans". 
Imaginez une tribune de nos grands patrons promettant de geler et plafonner leurs salaires à 500.000 euros par an pendant "2 ou 3 ans". Après tout, Barack Obama l'espérait en 2008. Hollande l'a promis et exécuter pour les dirigeants d'entreprises publiques. Imaginez que le MEDEF s'en saisisse enfin.
Vous rêvez. Jamais, pour l'heure, la direction du MEDEF ne s'est-elle aventuré dans une pareille promesse. Pierre Gattaz se limitait à réclamer la "même" modération sociale chez nos grands dirigeants. Smicards et millionnaires, soyez solidaires dans l'effort, ne réclamez pas trop d'augmentation.
"Même s'ils sont internationalisés, même si la France ne représente plus qu'une petite part de leur activité, ils doivent modérer leur rémunération par solidarité, parce qu'ils sont à la tête d'un groupe français et parce que l'on demande des efforts à nos concitoyens." Pierre Gattaz
Pour l'heure, Pierre Gattaz voulait baisser le fameux "coût du travail". Il avait une idée, que l'Etat accélère la réduction des "charges sociales", y compris et surtout salariales: "la modération salariale pourra être compensée par une fiscalité améliorée pour les salariés. C'est de la responsabilité du gouvernement." 
Il est effectivement de la responsabilité du gouvernement d'améliorer la fiscalité des salaires, notamment des plus importants.
A bon entendeur...


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