Magazine France

365ème semaine politique: comment Valls rétrécit le quinquennat de Hollande

Publié le 03 mai 2014 par Juan
365ème semaine politique: comment Valls rétrécit le quinquennat de Hollande

Mardi, Manuel Valls s'est pointé sur l'estrade de l'Assemblée nationale. Il réclamait un vote "décisif", il l'a eu, mais il a frôlé la "sortie de route". Le constat est sans appel. François Hollande a perdu sa majorité absolue, presque deux ans jour pour jour après son élection. Qui voudra en tenir compte ?


Une majorité... relative
Le gouvernement n'a plus la majorité absolue. Manuel Valls a rétréci son camp à 265 députés seulement. Sa chance est que les critiques se répartissent en abstentionnistes prudents, en opposants de gauche et jaloux de droite. Bref, la coalition des contraires n'est pas une majorité à l'Assemblée.
Est-ce pourtant le début d'autre chose ? Ce mardi, 61 députés de la "majorité" n'ont pas suivi les grandes déclamations vallsiennes: ce pacte ne "fonctionne pas" martèle-t-on à gauche. "Notre projet européen ne peut pas être la compétition déflationniste" tonne une députée écologiste. Valls "s’assoit sur des combats non seulement historiques mais actuels " pleure Marie-Noëlle Lienemann.
Il paraît assez évident que la persistance droitière de l'équipe Hollande ne sert politiquement à rien. Même les centristes de l'UDI ne suivent pas. La droite fait de la surenchère ... à droite. La gauche se désemplit. Le chiraquisme de 1995 ressemble à du gauchisme en 2014. "La « nouvelle étape » du quinquennat annoncée par le chef de l’Etat au lendemain de la déroute de son camp aux municipales s’engage donc sur des bases on ne peut plus fragiles" commente le MondeLe gouvernement a décidé que la baisse du coût du travail était une priorité, simple constat.
Valls "redonne confiance à droite", nous expliquent les instituts de sondage.
On se pince.
Le patron des patrons, Pierre Gattaz, président du MEDEF, a bien entendu le message, positif bien sûr. Le jour même du funeste vote, il lâche une nouvelle idée. Le ciel n'a pas de limite. En France, réclame-t-il, il faudrait une "modération des salaires", pour "2 ou 3 ans". Evidemment, elle pourrait s'appliquer aux patrons comme aux travailleurs... La belle affaire... En ligne de mire, toujours le modèle allemand, ou la "fabuleuse" reprise britannique.
Mercredi, Manuel Valls choisit de recevoir quelques "opposants constructifs", des représentants de l'UDI, le parti supplétif de l'UMP. Cherche-t-il de nouveaux alliés ? L'élection de 2017 sera corsée, ou impossible. Ils ont été prévenus, mais ils en s'en fichent.
Vraiment.
Car mercredi, le fameux pacte de stabilité 2014-2017, autrement qualifié de "pacte de responsabilité", ne comprenait pas seulement ces non moins fameux 50 milliards d'euros d'économies, dont 10 pour l'assurance maladie et le gel des prestations sociales. Il y avait aussi 40 milliards d'autres exonérations fiscales et sociales pour les entreprises.
La niche Valls à 40 milliards sera longtemps dans nos mémoires.
Un quinquennat... en 3 ans
Toute la semaine, Valls martèle: "en 5 semaines, nous avons obtenu la feuille de route pour le quinquennat". Effacer Jean-Marc Ayrault pour mieux rétrécir le quinquennat aux trois petites années qui restent, c'est une curieuse méthode.
Vendredi, Valls confie qu'il a frôlé la "sortie de route" avec ce vote ric-rac à l'Assemblée. D'ailleurs, il n'a pas pris le risque d'un passage au Sénat. Encore un faux départ ? Le voici qui cherche à (se) convaincre qu'il est enfin armé pour redresser la France, que ce vote est "un acte fondateur pour la suite du quinquennat". Il s'est constitué un super-ministère avec 42 conseillers (sic!), une armée mexicaine. La liste a été publiée au Journal Officiel. On y trouve le fils de Michel Rocard. Formidable exemple !  Le "garçon" (42 ans) est sans doute compétent, mais quelle image ... 

Sous le story-telling du "gouvernement de combat" se cache ou se dévoile le désarroi. 
Arnaud Montebourg est énervé. La vente à la découpe d'Alstom, organisé en douce par ses actionnaires, ne lui a pas plu; ça casse le mythe du redressement productif piloté depuis Bercy.
Benoît Hamon a des soucis. Il bosse sur les nouveaux rythmes scolaires, nécessaires mais paraît-il mal vendus par son prédécesseur. Le Hollande-bashing de la grande époque a eu Vincent Peillon sur cet exact sujet aussi. Pour l'heure, l'ancien gauchiste du PS devenu ministre de l'Education vient de perdre son directeur de l'enseignement scolaire.
François Rebsamen présente un plan pour la "sauvegarde de l'emploi des séniors" (extension des contrats de génération, ouverture de l'alternance ). On ne sait pas si revenir sur l'allongement infini de la durée de cotisations fut une piste au moins évoquée dans les salons du ministère du Travail.  Marisol Touraine (Santé) est persuadé que les économies sur la Santé n'affecteront pas la qualité des soins. Martin Hirsch, le patron des hôpitaux parisiens, est moins sûr. Côté médicaments, l'essentiel des remboursements n'est pas superflu, mais en faveur de soins contre le diabète, les maladies respiratoires, ou les anti-douleurs. Où va-t-on couper ?
Christiane Taubira, si discrète depuis 5 semaines, s'est échappée à Helsinki pour une réunion sur la création d'un Parquet européen. Ségolène Royal, qui venait d'afficher son programme des 100 jours, signe une convention sur la formation des professionnels du secteur aux économies d’énergie, avec sa collègue du Logement, Sylvia Pinel, ministre du Logement.
La justice enquête enfin sur le FN, ou plus précisément le micro-parti de Marine Le Pen, l'une de ses structures fiscales créées pour contourner légalement les plafonds d'aides citoyennes aux personnalités politiques. L'affaire, révélée par Mediapart mi-avril, inquiète. L'enquête a été ouverte pour « escroquerie en bande organisée », et « faux et usage de faux ». En cause, des surfacturations de prestations ou de prêts à des candidats FN. Le Front national a toujours été une entreprise profitable pour ses patrons.
Marine Le Pen, ce 1er mai, était encore à célébrer Jeanne d'Arc. Un homme bras tendu et parapluie en mai la protégeait de la pluie. Il n'y avait plus grand monde. Et Mme Le Pen s'inquiétait déjà de l'abstention. Sans rire, la future grande gagnante des prochaines élections européennes a du souci. On lui prédit plus de 20% des voix, elle aimerait confirmer.
L'étau européen
Ce scrutin européen promet d'être terrifiant. Tous les sondages prédisent une belle et grosse claque à l'encontre des partis  pro-européens. Impuissance européenne et renoncements nationaux, le cocktail est explosif. Les premiers sondages à l'échelle européenne prédisent que les partis conservateurs ou libéraux seront ratiboisés sur leur droite par les mouvements nationaux-socialistes; et qu'à gauche, l'équilibre soc-dem versus gauche radicale n'évoluerait que peu.
L'Europe promeut un libéralisme encore poussé encore alors que la déflation menace la zone, la crise a dévasté le Sud de son Union. La Grèce puis le Portugal, cette semaine, parviennent à lever quelques fonds en bourse. Certains applaudissent ces drogués à peine sortis de cure qui replongent dans les affres de l'emprunt aux marchés.
Jeudi, les têtes de listes sont dévoilées définitivement. En France, la campagne est poussive . A l'UMP, les sarkozystes plaident pour un retour de leur champion: qu'il revienne ! Qu'il parle enfin ! Qu'il nous aide ! Les socialistes plaident pour une Europe plus à gauche que la France qu'ils gouvernent. Allez comprendre...
En Ukraine, à 3 heures d'avion de Paris, sombre dans la guerre civile cette semaine.
François Hollande ne fêtera pas sa deuxième bougie à l'Elysée. L'anniversaire sera discret.
Où va la gauche ? 

A droite ?


Crédit illustration: DoZone Parody


Retour à La Une de Logo Paperblog