La séance au cinéma n'avait pas suffi. Frustrante, presque. Trop happé, trop subjugué. Pratiquement lové dans les bras d'un truc qui n'a pas de bras. Un film.
Mode avion: OFF
Il a fallu sortir de la salle. Sans doute avec un air un peu hébété. Ne pas écouter les conversations. Mettre un casque audio sur la tête.
Aléatoire?
Non. Rien. Pas de musique. Juste le son du monde, de nuit, étouffé par les coussinets du casque. Rentrer sur le tard à la maison. Le bruit du gravier dans la petite allée. Le vélo du voisin contre la rambarde en bois. L'obscurité sur quelques mètres jusqu'au pas de la porte.
Fonction lampe torche
Glisser la clé dans la serrure. Jongler un peu avant de réussir à déverrouiller. Ne pas allumer. Grimper sur la mezzanine, s'affaler sur le lit. Regarder à travers le Velux quelques minutes.
Contact favori: Pitt
Laisser un message confus, dire mal, manquer de mots. Mais avoir envie.
Soupirer. Velux.
Une conversation tardive, avec quelqu'un d'autre, permet de commencer à dire un peu plus, à comprendre. Quelqu'un de très proche, mais à distance.
Fin de l'appel... Appel terminé. Durée de l'appel: 00:47:58
Dans les jours et les nuits des semaines qui suivent, quelques tartines échangées avec Pitt.
from: Pitt to: Poirpom 13/04/14 23:45:00
Des mots justes. Dans ces échanges, il est question de vibration, de résonance, de confort, de sphère très intime. De la place de ces technologies dans cette sphère.
Comment expliquer que passer huit heures par jour devant un traitement de texte face un écran d'ordinateur peut être un pur panard? Et ce, malgré la douleur subie pour pondre trois lignes mal écrites. Comment expliquer l'implication émotionnelle d'un joueur? Expérience toute aussi singulière que celle vécue deux heures durant, enfermé(e) dans une salle de cinéma sans pour autant échanger le moindre mot avec qui que ce soit. Ou que celle vécu un dimanche après-midi, dans un jardin de Province ou bien le jardin du Luxembourg, agrippé à la couverture d'un livre trop prenant pour être abandonné. Comment expliquer que le rapport à la technologie n'est souvent que le reflet de son propre rapport au monde?
Tout reste toujours très confus dans la tête. Il y a des idées, des thèmes. Et des réminiscences du film.
Le noir à l'image, par pudeur pour l'intimité de Théodore et Samantha. C'est beau, le noir, sur un écran.
Ce temps qui s'étire. Non pas des longueurs, mais des moments offerts à celles et ceux qui regardent pour laisser leurs esprits vagabonder. Et projeter leurs parcours.
Les semaines passent mais la frustration demeure. Ponctuellement, une petite gifle impromptue vient raviver la sensation de manque. Et un mail laisse une trace d'un tel instant.
from: Poirpom to: Pitt 25/04/14 07:50:24 20 à 25 minutes de vélo à faire le matin, du domicile à l'entrepôt - le trou à rats. Principalement le long de la Garonne. Et ce matin, avec la ziq de HER dans les oreilles, avec la grisaille dans le ciel après la nuit de pluie, la lumière du jour naissant, la fraîcheur qui venait rincer les yeux, le petit blues du matin qui fait trainer les pieds au réveil: la déglingue totale.
Le temps passe jusqu’à hier soir. Lors d'un zieutage de dernière minute - une pêche au film-somnifère après quelques verres de vin blanc, le truc qui n'a pas de bras réapparait.
Genre: Drama | Romance Size: 1.85 GB Quality: 1080p Resolution: 1920*1040 Frame Rate: 23.976 fps Language: English Run Time: 2hr 05 min IMDB Rating: 8.2/10 MPR: R Peers/Seeds: 1013/3252
L'heure tardive, la légère alcoolémie, la fatigue prononcée... Moment inopportun.
Téléchargement terminé Regarder le film maintenant?
Non. Demain. En début d'après-midi. Douce, ensoleillée. Calé sur un lit sans drap cause machine. Avec la lumière de la chambre feutrée par le rideau.
Ce n'est qu'après ce deuxième visionnage, après avoir ouvert un nouveau document à l'aide du traitement de texte, en fouillant emails et SMS que les mots d'un autre, au lendemain d'un message tardif et confus sur un répondeur, viennent aider à noircir la page blanche.
HER, c'est le film parfait sur internet, les jeux vidéo, les nouvelles technologies. C'est hyper bienveillant, ça vient te couver le temps que tu digères ta noirceur et ton rapport au monde compliqué, pour mieux te rendre à la vie quand tu es prêt à l'affronter. C'est un film sur la solitude de tous devant un écran, mais qui en réalité a compris que c'est la même expérience de groupe que dans une salle de cinéma. La solitude est un leurre. On a l'impression d'être isolé, mais on est tous connectés. La seule barrière, ce n'est pas la technologie, c'est soi-même.
Oui. Merci.
Sources et big up:
- l'illustration en tête de billet a été réalisée par Aditya Dhotre
- merci à Pitt de m'avoir permis de braquer ses mots comme un malpropre