Magazine

Game Of Thrones, le succès de l’ambivalence

Publié le 26 avril 2014 par Rémy Boeringer @eltcherillo

Game Of Thrones, le succès de l’ambivalence

Titre évocateur, Game Of Thrones est l’adaptation télévisuelle du best-seller de l’auteur américain George R.R. Martin "A Song of Ice and Fire", dont le premier tome est paru en 1996. L’action se situe dans un univers médiéval fantastique, aux saisons totalement déréglées, où  des années d’été, périodes douces et tempérées, succèdent à des hivers interminables, pouvant durer plusieurs années et aussi rigoureux qu’une période de glaciation. Le royaume principal, Westeros, est divisé en sept familles, très puissantes, vassales du roi.La saison 4 est diffusée le lendemain des diffusions américaines sur OSC Choc, tandis que D8 diffusait la première saison en Novembre dernier.

Les Stark du Nord, fiers et loyaux, sont l’archétype de l’idéal chevaleresque. Ils sont les gardiens des frontières boréales et contiennent certains dangers au delà du Mur. Ils s’occupent avec soin de leur domaine et de leurs gens, ils ne participent pas aux intrigues et complots qui sont légions, dans l’enceinte de la capitale. Symboles de droiture, ce sont les plus en phase avec la légende arthurienne. Ils incarnent une abnégation totale face à l’ordre des choses et les sacrifices que demandent leurs charges. Ils rendent la justice avec une clémence relative. Ce sont des aristocrates paternalistes. Étonnant destin, les survivants de leur famille, notamment Arya (Maisie Williams) et Brandon (Isaac Hempstead-Wright), sont forcés de survivre, et de se cacher, parmi le peuple. Comme une résonance de leurs actions passées. Ceux qui furent les moins durs avec les classes laborieuses, y trouvent un soutien certain.

Game Of Thrones, le succès de l’ambivalence

Hodor (Kristian Nairn), Brandon Stark (Isaac Hempstead-Wright), Arya Stark (Maisie Williams), Sansa Stark (Sophie Turner), Robb Stark (Richard Madden), Eddard Stark (Sean Bean) et Catelyn Stark (Michelle Fairley) et Rickon Stark (Art Parkinson).

Les Lannister, eux, sont plus retors. Dirigés d’une main de fer par Tywin Lannister (Charles Dance), seigneur de Castral Roc, ils n’ont de cesse de comploter, de manipuler et tirer les ficelles grâce à leur immense fortune. Leur soif de pouvoir n’a aucune limite, comme l’étendue de leur richesse, leur gigantesque armée et leur vaste réseau d’espions et d’assassins. Ils fonctionnent comme un véritable trust contemporain. Ceux-ci sont l’incarnation même de la puissance des lobbys. Même si la reine est une personne vile et avide de pouvoir, certains Lannister peuvent aussi être appréciés, en rupture avec les pratiques mafieuses familiales. Ses deux frères Jaime (Nikolaj Coster-Waldau), le régicide, et Tyrion (Peter Dinklage), le nain, ont un cœur pur et pavé de bonnes intentions. Ils sont souvent en contradiction avec les plans de leur père, Tywin, guidant sa famille avec une main de fer vers la suprématie.

Game Of Thrones, le succès de l’ambivalence

Tywin Lannister (Charles Dance), Joffrey Baratheon (Jack Gleeson) et Cersei Lannister (Lena Headey)

Daenerys Targaryen (Emilia Clarke), est quant à elle, la dernière représentante d’une antique lignée, qui régnait sur le Trône de fer depuis des générations. Leur blason représentant un dragon n’est pas qu’une allégorie. Daenerys du Typhon est une jeune fille, à peine sortie de l’enfance (elle n’a que treize ans au début du livre), vendue par son frère à un seigneur équestre, Khal Drogo (Jason Momoa), incarnation d’Attila, conquérant des plaines, contre une armée. Un seigneur qui en fit sa reine, la Khaleesi. Un feu brûle dans le cœur de Daenerys. Un feu qui donna vie à trois dragons , et qui la pousse toujours plus loin. Les Targaryen sont les seuls à pouvoir apprivoiser ces créatures que l’on pensait depuis longtemps, disparues. Depuis la mort de Drogo, elle n’a de cesse de se battre contre l’oppression, comme pour exorciser sa propre histoire, ses parents assassinés par l’usurpateur Robert Baratheon (Mark Addy), les complots et tentatives d’assassinats répétés, la fuite perpétuelle et les brimades d’un frère violent et passablement dérangé, Vyserys (Harry Lloyd). Aujourd’hui plus question de se cacher. A la tête d’une vaste armée et de preux chevaliers,  celle que l’on appelle « la mère des dragons » mais que l’on pourrait aussi aisément qualifier de « petite mère des peuples » conquiert le grand continent à l’est de Westeros, rasant les cités esclavagistes et libérant les hommes, les femmes et les enfants de leurs chaînes.

Game Of Thrones, le succès de l’ambivalence

Daenerys Targaryen (Emilia Clarke)

Les Baratheon sont une famille de rebelles qui ravirent le trône aux Targaryen. Depuis la mort du roi Robert, et de son jeune frère Renly (Gethin Anthony), le dernier seigneur Baratheon est Stannis (Stephen Dillane, que l’on avait remarqué dans Tunnel). Stannis est un guerrier implacable, légitime héritier du trône depuis qu’il a découvert que Joffrey (Jack Gleeson), fils de Robert était en fait issu de l’union consanguine de la reine Cersei (Lena Headey) et de son frère jumeau Jaime . Stannis s’improvise aussi prophète, répandant la religion de la prêtresse rouge Mélisandre (Carice Van Houten). Une religion monothéiste, celle du dieu R’hllor, venu d’au delà les mers. Dans sa croisade contre les vielles croyances, les sept dieux anciens qui n’apportent rien au monde, il laisse Mélisandre purifier les corps et les âmes sur d’immenses bûchers. On raconte que son dieu fait des miracles. Mais son combat contre l’obscurantisme sent le souffre, et fait curieusement penser aux heures sombres de la chrétienté, quand les inquisiteurs conduisaient au bûcher, ceux qui refusaient de se soumettre à leurs vues.

Game Of Thrones, le succès de l’ambivalence

Stannis Baratheon (Stephen Dillane) et Mélisandre (Carice Van Houten)

L’histoire est avant tout une fresque médiévale, où le fantastique ne constitue qu’une toile de fond. Les dragons, les géants et toutes sortes de créatures semblent peupler un monde mystérieux confiné au delà des frontières des sept royaumes. Bien sûr, comme au Moyen-Âge, les superstitions, les rites et les croyances surnaturelles sont le lot quotidien des hommes et des femmes, qu’ils vivent dans une ferme délabrée, parmi le blé et les cochons, ou dans les draps de soie d’une citadelle. Et les références aux dieux et aux êtres de légende sont légion. Cependant, la plus grande partie de la série est consacrée aux relations de pouvoir au sein de cette société féodale, fondée sur les relations de vassalisation et où les différentes familles cherchent à prendre l’ascendant sur les autres et à étendre leur pouvoir.

Game Of Thrones, le succès de l’ambivalence

Nous ne sommes pas dans une lecture manichéenne du monde, contrairement à ce qui nous est inculqué par le cinéma US.  Les événements  se suivent, et ne se ressemblent pas, avec leur lot de gentils et de méchants, impossibles à identifier comme tels, si ce n’est de manière totalement subjective. Certes, il y a les « Marcheurs blancs » (dans la version française de la série), ou les « Autres » (dans la version anglophone), que l’on aperçoit furtivement de temps à autre. Une horde de non-morts, déferlant du nord et poussant ses habitants, les Sauvageons à se lancer à l’assaut  des sept royaumes. Les marcheurs blancs peuvent être vus comme une sorte d’allégorie d’un grand cataclysme, de l’hiver implacable qui toujours vient, de la grande peste qui ravageait le monde avant l’avènement de la science et de la médecine. Ceux-ci sont surtout les incarnations de l’altérité et de l’inconnu. Leurs motivations sont inaccessibles, pour peu qu’elles existent.

Tout l’intérêt de la série est qu’il est possible de prendre parti pour n’importe quel camp. Chacun a des motivations qui peuvent paraître, selon leur point de vue tout à fait légitimes. Tout le monde y trouvera son compte. Peu importe nos orientations politiques et morales. Game Of Thrones réussit un pari fédérateur pour une audience hétéroclite. Et se paie même le luxe de bousculer ses spectateurs dans leurs certitudes grâce à des changements subtils opérant au fil des saisons. Ainsi, on est constamment dans l’interrogation concernant le bien-fondé de tel ou tel comportement des protagonistes. Une manière de dire, qu’entre le feu et la glace, il y a bien d’autres éléments.

Thomas Waret et Rémy Boeringer

Pour regarder la bande-annonce de la saison 4 :


Retour à La Une de Logo Paperblog