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Le maire n'a pas à vérifier l'attestation du demandeur d'un permis de construire selon laquelle il a qualité pour demander le permis de construire

Publié le 11 mai 2014 par Christophe Buffet

Le juge administratif considère que, sous réserve de la fraude, l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire n'a pas à vérifier dans le cadre de l'instruction de la demande d'un permis de construire la validité de l'attestation produite par le pétitionnaire est établie par lui-même selon laquelle il a qualité pour demander l'autorisation d'urbanisme :

Le maire n'a pas à vérifier l'attestation du demandeur d'un permis de construire selon laquelle il a qualité pour demander le permis de construire

«Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 janvier et 24 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. D... B..., demeurant ... ; M. B...demande au Conseil d'Etat : 

1°) d'annuler l'arrêt n° 09MA02216 du 24 novembre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a annulé, d'une part, le jugement n° 0800623 du 16 avril 2009 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté la demande de Mme A...C...tendant à l'annulation du permis de construire qui lui a été accordé le 2 avril 2008 par le maire d'Ajaccio en vue de la réalisation de travaux sur un immeuble sis 47, cours Napoléon à Ajaccio, d'autre part, le permis de construire litigieux ; 

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de Mme C...; 

3°) de mettre à la charge de Mme C...la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie Roussel, Auditeur, 

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de M.B..., à Me Spinosi, avocat de Mme C...et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la commune d'Ajaccio ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B...a acquis le 18 juillet 2007 un édifice sis 47, cours Napoléon à Ajaccio, en arrière cour d'un immeuble sur rue placé sous le régime de la copropriété ; qu'il a déposé le 6 mars 2008 une demande de permis de construire pour la réalisation de travaux portant sur la toiture et la façade de l'édifice et la création d'environ 14 m² de surface hors oeuvre nette ; que le maire d'Ajaccio a accordé le permis sollicité par arrêté du 2 avril 2008 ; que, par un jugement du 16 avril 2009, le tribunal administratif de Bastia a rejeté la demande de Mme C...tendant à l'annulation de ce permis ; que, par un arrêt du 24 novembre 2011, contre lequel M. B...se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement et le permis de construire contesté ; que, pour annuler le permis litigieux, la cour, faisant application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, a retenu quatre moyens tirés de ce que ce permis avait été délivré sans l'accord de la copropriété, requis en raison de la présence d'un mur mitoyen, et en méconnaissance des dispositions des articles UB 7, UB 10 et UB 12 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune d'Ajaccio relatives respectivement aux règles de distance des constructions par rapport à la rue, aux règles de hauteur et à l'obligation de créer des places de stationnement ; 

2. Considérant, en premier lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme, applicable aux demandes de permis déposées à compter du 1er octobre 2007 : " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés: / a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; / b) Soit, en cas d'indivision, par un ou plusieurs co-indivisaires ou leur mandataire ; (...) " ; que le dernier alinéa de l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme dispose : " La demande comporte également l'attestation du ou des demandeurs qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une demande de permis " ; qu'en vertu de l'article R. 431-4 du même code, le dossier est réputé complet lorsqu'il comprend les informations limitativement énumérées aux articles R. 431-5 à R. 431-33 ; que l'article R. 423-38 du même code dispose que l'autorité compétente réclame à l'auteur de la demande les seules pièces exigées en application du livre IV de ce code que le dossier ne comprend pas ; qu'il résulte de ces dispositions que, sous réserve de la fraude, le pétitionnaire qui fournit l'attestation prévue à l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme selon laquelle il remplit les conditions fixées à l'article R. 423-1 du même code pour déposer une demande de permis de construire doit être regardé, dans tous les cas, comme ayant qualité pour présenter cette demande ;

3. Considérant, d'autre part, que les dispositions de l'article 653 du code civil établissent une présomption légale de copropriété des murs séparatifs de propriété ; 

4. Considérant qu'il résulte des dispositions rappelées au point 2, notamment du b) de l'article R. 423-1, qu'une demande de permis de construire concernant un mur séparatif de propriété peut, alors même que les travaux en cause pourraient être contestés par les autres propriétaires devant le juge judiciaire sur le fondement des articles 653 et suivants du code civil, être présentée par un seul co-indivisaire ; 

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en jugeant qu'il appartenait à l'autorité administrative compétente, saisie d'une demande de permis de construire prévoyant des travaux portant sur un mur séparatif de propriété, d'exiger du pétitionnaire, outre l'attestation mentionnée au point 2, la production d'un document établissant soit que M. B...était seul propriétaire de ce mur, soit qu'il avait l'accord de l'autre copropriétaire de ce mur, la cour administrative d'appel de Marseille a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; 

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du b) de l'article UB 10 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune d'Ajaccio : " En ce qui concerne les constructions situées au-delà de la bande des quinze mètres visée à l'alinéa 2 de l'article UB7 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune, leur hauteur ne pourra dépasser ni un niveau, ni la hauteur de 5 mètres, calculée en tout point de la façade, de l'égout du toit ou de l'acrotère, au sol naturel " ;

7. Considérant que, pour juger que le permis de construire litigieux méconnaissait ces dispositions, la cour a relevé que la façade est du bâtiment, qui était avant les travaux d'une hauteur de 7,50 m, faisait dans le projet l'objet d'un rehaussement à 8,50 m ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, en particulier du plan de la façade annexé au dossier de demande du permis et de la notice explicative du projet, que la hauteur de cette façade demeurait inchangée, le rehaussement ne concernant que la façade ouest du bâtiment, la cour a dénaturé les pièces du dossier ;

8. Considérant, en troisième lieu, que la cour a jugé que le permis litigieux méconnaissait les dispositions de l'article UB 12 du règlement du plan d'occupation des sols, qui imposent de créer des places de stationnement en cas de réalisation ou d'extension de construction à usage d'habitation ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que ce moyen, qui avait été soulevé en première instance par Mme C...dans son mémoire du 23 mars 2009, a été écarté par le tribunal administratif de Bastia dans son jugement du 16 avril 2009 et n'a pas été repris en cause d'appel par l'intéressée ; qu'il devait, par suite, conformément aux règles régissant l'effet dévolutif de l'appel, être regardé comme abandonné ; que, dès lors, en accueillant ce moyen, la cour a méconnu son office ; 

9. Considérant, en dernier lieu, que les travaux entrepris sur une construction existante mais irrégulière au regard des prescriptions du règlement d'un document d'urbanisme ne peuvent être légalement entrepris que s'ils rendent l'édifice plus conforme aux dispositions réglementaires méconnues ou s'ils sont étrangers à ces dispositions ; 

10. Considérant que la cour administrative d'appel de Marseille a relevé que les travaux portaient sur un bâtiment existant dont la façade était située à 17 mètres du cours Napoléon, en méconnaissance des dispositions de l'article UB 7 du règlement du plan d'occupation des sols relatives à l'implantation des constructions par rapport à l'alignement, qui imposent de construire dans une bande de 15 mètres comptés de l'alignement ; que, pour juger que ces travaux ne satisfaisaient pas aux exigences rappelées au point précédent, la cour, après avoir relevé qu'ils n'avaient pas pour effet de rendre la construction plus conforme à la règle méconnue, a estimé qu'ils n'étaient pas étrangers à celle-ci, compte tenu de ce qu'ils avaient pour objet de transformer un commerce et des caves en maison d'habitation ; qu'en statuant ainsi, alors que ce changement de destination était dépourvu de lien avec la règle d'implantation des constructions définie à l'article UB 7, la cour a commis une erreur de droit ; 

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, qu'aucun des quatre motifs retenus par la cour pour annuler le permis de construire du 2 mars 2008 ne justifie légalement le dispositif de l'arrêt attaqué ; que, par suite, M. B...est fondé à en demander l'annulation ; 

12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C...la somme de 3 000 euros, qui sera versée à M. B...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. B...qui n'est, pas la présente instance, la partie perdante ; que si la commune d'Ajaccio présente des conclusions au même titre, elles ne peuvent qu'être rejetées, dès lors qu'elle n'a été appelée dans l'instance que pour produire des observations ; 

D E C I D E :

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 24 novembre 2011 est annulé. 

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille.

Article 3 : Mme C...versera à M. B...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par Mme C...et par la commune d'Ajaccio sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. 

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. D...B..., à Mme A...C...et à la commune d'Ajaccio.»


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