
« Ce fût un matin de septembre que Giovanni Drogo, qui venait d'être promu officier, quitta la ville pour se rendre au fort Bastiani, sa première affectation »…




Au pieds d'une tour carrée dominant l'enceinte (déjà monumentale), on découvre alors, miraculeusement conservés, les « détails » oubliés d'une vie médiévale paraissant comme extirpée d'un lointain imaginaire d'enfant : douves aux eaux stagnantes encerclant une muraille a la hauteur dissuasive, épaisses tours de garde crénelées jalonnant un rigoureux chemin de ronde, fines meurtrières perforant des murs de plus de 5 mètres d'épaisseur, vastes écuries dans lesquelles subsiste encore l'emplacement d'anneaux creusés dans la pierre, profond réservoir approvisionné par un élégant aqueduc, cuisines aux lourdes étagères de pierre dans lesquelles apparaissent des jarres incrustées dans le mortier, salle des chevaliers aux puissants piliers supportant un plafond en voûte, interminable espace de banquet où l'on aperçoit encore les restes d'un puit, d'un four circulaire et, à l'extrémité, d'une dizaine de latrines en alcôves… Autant de traces d'une véritable petite ville fermée, donnant un aperçu de l'ampleur de l'édifice qui, à son apogée, accueilli près de 4000 soldats vivant en quasi autarcie.


« Cependant, le temps passait, toujours plus rapide. Son rythme silencieux scande la vie, on ne peut s'arrêter, même un seul instant, même pas pour jeter un coup d'oeil en arrière. « Arrête ! Arrête ! » voudrait-on crier. Mais on se rend compte que c'est inutile. Tout s'enfuit, les hommes, les saisons, les nuages. Et il est inutile de s'agripper aux pierres, de se cramponner au sommet d'un quelconque rocher, les doigts fatigués se desserrent, les bras retombent inertes, on est toujours entraîné par ce fleuve qui semble lent, mais qui ne s'arrête jamais »….

Sans doute furent-ils vaincus moins par leur ennemi que par l'envie irrésistible de ressentir – au moins une fois et quitte a en mourir - ce qu’aurait été la vie de l’autre côté des remparts…

Suite du carnet :
Au carrefour des mondes (5/5)