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Renversée

Par Gentlemanw

Chamboulée, je vois le monde à l'envers, la couette est là, en boule à mes pieds. Non, je suis à l'envers dans le lit, mes pieds sur l'oreiller, la couette pendouille sur le côté, un ouragan est passé ici. Chaleur du matin, comme un été, fraîcheur d"un vent frais venant de la fenêtre entr'ouverte, les oiseaux dehors. Un rayon de lumière sur ma cuisse, ma tête en vrac, surtout à l'intérieur.

Je suis renversée sur le lit, les yeux vers le plafond, la tête vrombissant dans une mollesse, un début de migraine mais en même temps cette lourdeur infernale des médicaments. Les douleurs ne sont pas encore réveillées, j'ai dû les devancer car avec un rythme trop régulier elles frappent mon crâne, mon ventre, mes muscles. Mais c'est le coeur qui souffre, peut-être un peu moins depuis hier. Du bruit dans la cuisine, des pas, pourtant ce n'est pas lui, car si mes larmes étaient là, bien là comme cet océan de mouchoirs, de tâches blanches sur mon parquet, il n'était plus là. J'en ai vomi de lui, comme des effets secondaires de ma maladie. Il est parti, l'odeur des tartines de pain grillé arrive vers moi, je me redresse, je m'enveloppe de ce pull gris, un doudou ancien, que je conserve depuis mes études. Souvenirs et odeurs, je me love en lui, je cherche un sens à ce bazar autour de moi.

Le rayon de soleil embrassse ma peau, me réchauffe, un instant agréable, après ma cuisse, mon épaule, un complice de saison.

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Là devant moi, une amie, ma meilleure amie, celle m'a tendu son épaule, qui a laissé son amoureux pour un soir, juste pour moi, égoistement, je ne sais plus. Enfin, si cela me revient. Des brioches, des tartines avec de confiture de pommes-coings de ma mère, du thé, du beurre salé, un yaourt, elle dépose le tout près de moi, elle m'embrasse. En silence car depuis longtemps, on se parle sans émettre de mots, depuis notre première colocation. 

Elle a toujours été là, proche de moi, dans mes succès, moi pour les siens, pour son mariage, pour l'ouverture de sa boutique, pour les premiers week-ends de soldes, pour des vacances ensemble. Nous avons tant de choses complices en nous, une amitié si forte, des goûts communs sauf pour les hommes. Le sien est doux, rustique et cajolant, loin de mes conquêtes toujours "beau  mec , belle  bagnole , beau  pedigree". Mais finalement des ratages, des business mans qui payent pour du cul, pour la belle blonde dans la voiture, pas pour des relations et encore moins de l'avenir. Le problème, je tombe toujours sur ceux-là. Je dois y être pour quelque chose. Pourtant mon statut social personnel ne m'oblige pas à viser les portefeuilles masculins, mon indépendance existe de ce côté-là aussi.

Et puis il y a eu cette visite, cette annonce, ce jour-là.

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Renversée je fus, par les mots de ce docteur, de cet homme que j'allais voir uniquement pour payer des bonnes nouvelles, pour me rassurer de ma pleine forme, de ma jeunesse de trentenaire conquérante. Ce jour-là, je n'ai même pas pu rentrer en voiture, assommée par le diagnostic, par les suivants encore plus, après d'autres examens, après d'autres doutes, après des litres de larmes, après ses premières fuites.

Oui assez vite, le mâle, le fiancé, celui qui semblait plus proche de moi depuix deux ans déjà, soudain, les réunions duraient, les impossibles présences si utiles, si futiles, tout cela disparaissait. Je me trouvais seule, n'osant prévenir ma famille, ma soeur même, mes copines. Seule ma meilleure amie a vu, a compris si vite, juste là, en quelques secondes, face mes yeux rougis, mon visage si pâle.

Elle a été là pour la clinique, pour les séances, pour les examens, les suivis, les coups de blues, la fatigue, même si la famille a compris aussi. Mais lui, qu'est qu'il a fait ? il est parti, avec ses affaires, laissant les clefs, un mot, incapable de gérer la situation. Incapable d'aimer une malade, incapable de me le dire en face. 

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Heureusement, j'ai tant pleuré qu'hier soir, j'ai crié mes dernières douleurs envers lui à mon psy, puis à mon amie, à la terre entière. Un long message sur son portable, une saturation de sa messagerie pour lui parler de sa lâcheté, de sa non-version de sa faiblesse mais plus encore de son amour faux, de ma haine aussi, de mes douleurs, de ma maladie en régression, de mon coeur qui l'oubliait enfin.

Dix coups de fil, des minutes longues de tout ce que je ne voulais plus avoir en moi, sans lui jeter toute la responsabilité de ma maladie, mais surtout celle de son absence, de son désamour. Je lui ai dit, crié.

Après, je ne sais plus, je crois avoir dormie, longtemps, sûrement un peu mal, assomée par les médicaments pour les douleurs des effets secondaires, pour calmer les angoisses de ce foutu bordel, pour rêver en rose, plutôt qu'en noir foncé.

Je croque la tartine, ma bouche malade de tous les aphtes des médicaments recrache le plaisir, je prends à la cuillère la confiture, le beurre, mon amie m'embrasse et s'excuse. Mais cette erreur, moi aussi je la fais, pour croire que tout va mieux, pas encore ce matin. Je lui souris, je lui parle de cette nuit, de sa présence, de son coeur qui semble en moi, là, si proche. La soleil caresse sa joue, suit ses cheveux défaits, elle me regarde, me cajole de ses sentiments vrais. Doucement je me nourris, je reprends goût à tout cela. Un poids est parti de mon corps, de mon esprit encore plus.

Les volets s'ouvrent, la lumière entre, il fait beau, j'aime ce printemps, nouvelle saison, nouvelle tranche de vie. Demain je serai plus forte.

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Illustations (sans relation avec les mots)

via le Shooting kate UPTON by Nigel SHAFRAN

Et pour ne pas oublier vos proches, vos amies,

malades parfois, dans le processus de la maladie, 

comprenez et aidez.

www.rosemagazine.fr

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Nylonement


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