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La piscine Molitor: exemple de la communication médiatique et politique

Publié le 21 mai 2014 par Jessica Staffe @danmabullecultu

 La réouverture de la Piscine Molitor devait être un événement culturel important. Ce monument art déco fait partie du patrimoine historique de la ville de Paris. Jacques Lang avait soutenu fermement son classement dans la catégorie des monuments historiques en 1990. Pourquoi ne pourrions-nous pas y avoir accès et profiter de cet endroit somptueux pour nager ?

 Aujourd’hui, ce lieu unique a été transformé en un club privé. Cette nouvelle a de quoi choquer sachant que le projet de rénovation a été piloté par la Mairie de Paris. N’avait-elle pas la possibilité de jouer son rôle de service public en permettant au plus grand public d’avoir accès facilement à la piscine Molitor ? A-t-elle failli à sa mission ?

Cette photographie prise lors des travaux montre qu’il ne s’agit pas d’une restauration ni d’une rénovation mais d’une reconstruction. Seul un pan de façade aurait été conservé. Si on en croit ces dires les médias se trompent lorsqu’ils évoquent le sujet. En effet d’après eux l’intérieur aurait été conservé à l’identité. Il ne s’agirait donc que d’une simple mise aux normes. Ils ne font en fait que reprendre les communiqués de presse édités par la société Accor propriétaire désormais de la piscine Molitor. Ce constat pose donc un problème. Les médias n’ont ici pas joués leur rôle d’investigation. Ils n’ont pas informé mais simplement communiqué. La presse nationale s’est juste contentée Cette réalité a été vivement critiquée dans cet article publié par la tribune de l’art ; Didier Rykner considère cette restauration comme une imposture patrimoniale. Pire elle ne respectait pas la création d’origine et ne serait qu’ainsi une reproduction d’une mauvaise qualité. Les médias pourtant ne tarissent pas d’éloges sur le travail qui a été réalisé. Tout semble avoir été refait à l’identique. D’après lui tous les commentaires relayés sont complètement faux. Pire, cette communication absurde conduit à la création d’un mensonge auquel la mairie de Paris aurait participé.

Mais ou est passé la façade d’origine ?

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1. Lucien Pollet
Piscine Molitor
Carte postale ancienne
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2. Piscine Molitor après sa destruction et sa reconstruction
Photo : Didier Rykner
En comparaison la piscine actuelle n’a quasiment rien gardé du style art déco. Même la façade qui s’en rapprochait le plus ne reprend pas les codes de ce style architectural. Le bâtiment paraît plus massif, plus carré. Il paraît surélevé et manque de mouvement et de classe. La cheminée a par exemple complètement disparu. Ce choix laisse perplexe et traduit surtout une volonté de modernité de la part des architectes qui ont œuvrés à la reconstruction. Ce travail ne semble pas conforme à la piscine d’origine et montre déjà les failles de la communication médiatique. D’extérieur, elle ne ressemble à la piscine Molitor D’antan. Son toit fait penser à une construction plus proche de l’art contemporain que de l’art déco.

 L’intérieur est-il une reproduction art-déco ?

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3. Bassin couvert de la piscine Molitor avant sa destructioalors qu’elle était livrée aux squatteurs et aux tagueurs État en 2011
Photo : Wikimedia/Getfunky Paris/Licence Creative Commons
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4. La piscine Molitor après démolition et reconstruction
Photo : Didier Rykner

Le bassin a été reconstruit en s’inspirant au moins en partie du bâtiment d’origine. La somptueuse verrine qui permet d’illuminer d’une lumière naturelle le bassin couvert est quasiment reproduite à l’identique. Elle apporte une certaine clarté à la piscine. Elle donne aussi l’impression aux baigneurs qu’ils se trouvent dans un lieu d’exception. Les rambardes ont été récupérées et refaçonnées dans les mêmes moules que celle d’origine. Même s’il ne s’agit que d’une reconstruction et non pas d’une restauration, on peut dire qu’ici l’aménagement a été quasiment calqué sur celui qu’avait opéré Lucien Pollet. En tout cas le résultat se veut grandiose et cherche à en mettre plein les yeux.

Un club privé ou la naissance d’un scandale social

Est-ce pour cela que cette piscine art déco ne doit être uniquement réservé qu’à une clientèle fortunée trier sur le volet ? Je ne le crois pas. Le transformer en hôtel de luxe est pour moi une erreur de communication. Ce genre d’endroit aurait dû être accessible à un public large. Les droits d’entrée auraient pu être plus élevés qu’une piscine traditionnelle mais pas aussi prohibitifs que ceux pratiqués actuellement. Cette orientation est proprement scandaleuse. Elle exclut d’emblée la quasi totalité de la population parisienne. Pire encore elle fait de ce lieu un club privé réservé qu’à une infime minorité de personne. Ce décalage est proprement scandaleux et inapproprié en cette période de crise. Cette volonté prouve aussi que le projet a échappé à la mairie de Paris. On peut même dire que cette institution a fait une faute de goût. Elle a simplement voulu s’enrichir sur un projet qui aurait pu reposer sur des vertus sociales. Paris manque de structures sportive et le 16ème arrondissement bien que riche ne déroge pas à la règle. La piscine Molitor aurait pu changer la donne mais ce n’est pas le cas. Même si la majorité socialiste n’est pas seule responsable, elle n’a pas non plus choisi un projet social pour garantir l’accès au plus grand nombre à cette piscine. Sans le vouloir ou en connaissance de causes comme le dirait certains cyniques, elle a lancé un projet en contradiction avec ses valeurs d’origine. Ce positionnement apparaît choquant et les parisiens se sentent lésés.


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