Magazine Société

Coffret "Au fil de l'Encre" 1/6, aux éditions Encre Fraîche

Publié le 22 mai 2014 par Francisrichard @francisrichard

Au dernier Salon du Livre de Genève, les éditions Encre Fraîche ont fêté leur dixième anniversaire en éditant un coffret, Au fil de l'Encre.

Ce coffret noir contient vingt-trois livrets. Un livret de présentation et vingt-deux livrets dont chacun est consacré à la prose d'un auteur affilié à cette maison d'édition associative. Chaque livret est d'ailleurs illustré sur la couverture d'une photo de celui-ci et, à l'intérieur, de quelques mots écrits de sa main.

Il y a dix ans, en 2004 donc, Encre Fraîche éditait un premier ouvrage qui ne trouvait pas d'éditeur, La Marche du Loup d'Olivier Sillig. C'était le début d'une aventure éditoriale originale et courageuse, dont la ligne est justement celle des coups de coeur pour des oeuvres de qualité.

Comment lire le coffret? Comme je manque d'imagination - c'est pourquoi je ne serai jamais romancier - j'ai suivi l'ordre des livrets, qui, m'a-t-on dit, est celui d'arrivée des manuscrits à l'éditeur.

Je me suis donné pour règle épicurienne de savourer le coffret pendant six semaines et de rendre compte des nouvelles qu'il contient pendant le même laps de temps, pour ne pas en perdre toute l'essence chemin faisant.

Olivier Sillig jouit d'un privilège. Il est le seul à avoir écrit deux nouvelles, qui, de plus, font l'objet du premier livret. Celui-ci ouvre les feux, comme son roman ouvrit ceux d'Encre Fraîche.

Pablo  raconte l'histoire d'un enfant qui était adopté - l'emploi de l'imparfait est doublement justifié -, et qui découvre tardivement, à dix-sept ans, qu'il ne l'a jamais été, peu de temps avant que sa maman ne meurt.

En effet - nous sommes en 1947 -, pour échapper à l'opprobre que vaut le statut de fille-mère à l'époque, sa maman est expédiée par son officier de père au Pérou pour y accoucher et revenir en France avec un marmot présenté comme adopté:

Il paraît...il paraît...il paraît...- ma vue se brouille - il paraît que c'est très dur d'apprendre sur le tard qu'on est un enfant adopté. Eh bien, c'est mille fois plus dur d'apprendre sur le tard qu'on n'est pas un enfant adopté.

Pablo en tire une conclusion que n'aurait pas désavoué Boris Vian.

Secrets gigognes se passe en 1936, sous Staline. Gustav et Piotr sont deux agents du Guépéou qui se découvrent des amitiés particulières l'un pour l'autre, alors qu'une loi recriminalisant l'homosexualité est sur le point d'être votée.

Piotr et Gustav sont tous deux investis d'une même mission exécutoire. Mais un agent secret peut en cacher un autre, en l'occurrence Vassili; la réalité peut revêtir de trompeuses apparences et l'histoire se dénouer de manière inattendue, par emboîtement, en quelque sorte.

Lui, c'est le Père des Roses. Depuis que sa mère est morte, il y a vingt ans, il cultive ses rosiers. Il ambitionne de concourir pour La Rose d'Or, qui donne son titre à la nouvelle de Françoise Roubaudi:

Le lauréat de La Rose d'Or gagnera une magnifique montre.

Il serait le plus heureux des hommes s'il ne lui manquait une ... femme, qui serait la Reine de ses roses. Mais, quelle femme voudrait de ce pauvre fou qui radote avec elles?

Elle, c'est la maîtresse d'école. Elle est venue le voir pour donner aux enfants de sa petite classe une vraie leçon de choses, comme on disait du temps lointain où il était écolier.

Elle n'a que trente ans, mais elle est revenue le voir:

J'avais bien vu l'institutrice se pencher sur les rosiers nouveau-nés, les regarder longuement, les caresser du doigt. Mais cela ne voulait rien dire. Sauf peut-être qu'elle aimait jardiner. Et puis, elle était jeune, beaucoup trop jeune pour lui. Trop jeune et trop belle. Trop fine.

Pourtant Rose-Mary - c'est son petit nom - se laisse aimer par le Père des Roses. De telles amours ne sont-elles pas éphémères, comme les roses?

Il fut un temps où, dans nos contrées, les bâtiments les plus beaux étaient construits en pierres de taille et édifiés sur des collines, pour des raisons de sécurité. Les pierres étaient montées à dos d'homme depuis la carrière d'où elles étaient extraites et taillées jusqu'au lieu où elles s'emboîtaient les unes aux autres.

Ces hommes qui transportaient les pierres venaient souvent de loin et ne parlaient pas la langue du pays. Henri était de ces hommes-là.

Au début de cette histoire que raconte Francine Collet, Henri travaille sur le chantier de construction d'un château, tous les jours que Dieu fait, à l'exception du dimanche, qui est le jour du Seigneur et où la messe est célébrée par un prêtre au milieu du chantier.

Certains des hommes du chantier ne croient plus en l'avenir, ni à l'enfer, ni au paradis. D'autres, les plus nombreux croient en Dieu, parce qu'il faut bien, parce que la vie sur terre est suffisamment dure pour ne pas espérer un repos éternel après leur mort.

Henri remarque tout de suite une jeune femme qui vient chaque dimanche vendre sa soupe et ses poissons. Mais il n'ose l'aborder et se contente de l'observer. De son côté, elle fait de même:

Elle avait entendu dire que sur le chantier du château, il y avait beaucoup d'hommes venus d'ailleurs, mais en définitive, ils étaient pareils à ceux d'ici, ils la regardaient tous pareillement. Sauf lui.

Un dimanche d'août, elle ne réussit pas à vendre sa soupe parce qu'il fait chaud. Henri vainc sa timidité et lui propose son aide. Il porte son chaudron et la raccompagne jusqu'en bas de la forêt...

A partir de ce moment-là ils ne seront plus, ni l'un ni l'autre, seuls dans la vie et leur histoire finira par... entrer dans la légende. Et lui sera connu, des générations plus tard, comme L'Homme de Gurniguel...


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Francisrichard 12008 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazine