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Ils nous embêtent, EXIT...

Publié le 23 mai 2014 par Samiahurst @samiahurst
Ils nous embêtent, EXIT...L'assistance au suicide revient dans les media avec les changements de statut d'EXIT. Désormais, l'association allémanique veut s'engager politiquement pour rendre possible l'assistance au suicide sur demande d'une personne âgée sans un avis médical certifiant qu'elle souffre d'une maladie. La branche romande avait en fait précédé la branche allémanique il y a quelques mois, en modifiant ses conditions qui admettent désormais (corrigez-moi si je me trompe ici) que l'assistance au suicide soit possible chez les personnes atteintes de "polypathologies invalidantes liées à l'âge".
C'est une question importante et difficile qui s'ouvre ici. Je suis intervenue à la RSR hier matin, mais comme souvent on songe après-coup à des choses plus importantes qu'il aurait fallu dire.
Tout d'abord, il faut en fait comprendre que ce sont des choses assez différentes qui se jouent des deux côtés de la Sarine. EXIT Suisse allémanique prévoit d'étendre ses activités militantes, EXIT Suisse romande a étendu ses indications pour considérer l'assistance au suicide comme acceptable. Sa pratique, donc. EXIT Suisse allémanique veut étendre la discussion à la possibilité pour une personne non malade, mais souffrant 'des infirmités de l'âge', ou qui considérerait que sa biographie s'achève, d'obtenir une assistance au suicide. On est dans le cas de figure de la 'fatigue de vivre'. EXIT Suisse romande continue de demander la présence de pathologies, même s'il ne sera plus nécessaire qu'une d'entre elles soit seule en cause dans la souffrance qui motive la demande de mourir. On est dans le cas de figure de la 'fatigue de souffrir'.
Mais c'est vrai qu'il y a un point commun: on repousse les limites de l'assistance au suicide. Pas les limites légales, car tout ce qui est proposé ici est légal en Suisse. Les limites de la pratique, cependant, bougent ici de manière nette. Et c'est ici qu'est l'enjeu le plus important. Pour mieux le comprendre, un petit exercice d'imagination. Commencez par songer à une personne atteinte d'une maladie terminale, qui souffre d'un mal physique: tous s'accordent à dire que si c'est cela qui motive la demande d'assistance au suicide, alors il faut d'abord songer à des alternatives pouvant rendre la vie plus supportable. Ici, c'est la médecine et souvent plus spécifiquement les soins palliatifs qui sont conviés. On se dit que devant la souffrance due à une maladie, la médecine doit disposer d'alternatives à offrir aux personnes atteintes. Et la médecine offre effectivement des alternatives, qui effectivement sont acceptables pour un grand nombre de personnes et souvent vont faire disparaitre la demande d'aide pour mourir. Elles ne marchent pas toujours, elles ne sont pas acceptables pour tout le monde, mais cela ne les empêche pas d'être des alternatives sérieuses, efficaces, et préférées par un grand nombre de personnes. Il est heureux qu'elles existent, et nous devons continuer d'en encourager le développement. Dans ces cas de maladie, la réponse à la souffrance est ainsi en quelques sortes déléguée à la médecine.
Maintenant, imaginez une autre personne, chez laquelle la souffrance n'est pas due une seule maladie identifiable. Imaginez une personne âgée, qui perd progressivement la vue et l'ouïe et dont les atteintes articulaires limitent de plus en plus sa capacité à sortir de chez elle. Elle est de plus en plus solitaire. Les enfants adultes, ça déménage si loin ces temps. Leur père est mort il y a des années. Ses amis, elle en a perdu un nombre impressionnant ces derniers années, comme cela arrive de plus en plus souvent quand on atteint son âge. Les autres sont souvent comme elle: limités, il leur est difficile de venir la voir ou même de lui parler au téléphone. Elle demande une assistance au suicide car, prises toutes ensemble, ses souffrances lui paraissent insupportables. D'autres dans sa situation n'y songent pas, ou se font une raison, mais elle, non, elle ne veut pas. 

Que va-t-on faire? Accepter? La renvoyer? Chercher des alternatives? Mais ici, les souffrances dont il s'agit, qui va être en mesure de tenter d'y pallier autrement? Certainement pas la médecine à elle seule. Ici, donc, point de possibilité de déléguer ça. Mais alors qui? Ou plutôt: qui sinon nous tous? Face à l'élargissement des critères d'EXIT, certains s'indignent et évoquent le risque que des personnes âgées se sentent 'poussées vers la sortie' par le sentiment d'inutilité qui parfois les envahit. Il y a une part importante de vrai là dedans: les personnes qui vivent une situation comme celle que je vous décris ici se sentent souvent véritablement inutiles, détachés de tout lien, et peuvent vouloir mourir pour cette raison. Oui, on comprend qu'ici on s'indigne. Mais on s'indigne contre quoi, exactement? Evidemment, si ce que nous pouvons faire de mieux pour nos aînés lorsque leur fonctionnement devient très limité est de les laisser sans amis, sans famille, et sans rien qui leur semble suffisant pour se lever le matin, alors il y a véritablement un problème. Mais le problème est-il alors vraiment de les autoriser à choisir la mort? Le problème n'est-il pas plutôt de ne pas leur avoir offert d'alternatives acceptables? Peut-on vraiment leur dire les yeux dans les yeux que pour leur protection on les condamne soit à poursuivre cette existence dont ils ne veulent plus, soit à trouver les moyens de se suicider tout seul, une fois de plus tout seul?
Alors vous voyez, EXIT, ici, nous embête. Ils jettent les feux des projecteurs sur une de ces réalités sociales que nous préférons ne pas voir. On les décrit comme intrusifs, c'est vrai: ils nous obligent à penser au sort de personnes dont beaucoup préfèreraient oublier l'existence. La souffrance à laquelle ils tentent de répondre, cependant, ils ne l'ont ni inventée ni causée...
A cette 'intrusion', certains réagiront sans doute en appelant de leurs voeux une plus grande restriction légale de l'assistance au suicide. Si notre discussion ne porte que sur cette question, cependant, quelle occasion manquée! Imaginez-vous que, au lieu de faire ça, nous saisissions cette occasion pour tenter sérieusement d'améliorer le sort des personnes souffrant de 'polymorbidités liées à l'âge'. Pour leur offrir, dans les cas les plus difficiles à vivre, ceux dont il s'agit ici, un tant soit peu plus d'alternatives. Ce serait beaucoup plus difficile, évidemment, mais ce serait tellement plus important.

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